Occupations intercalaires, transitoires et valeurs d’usages créées par leur utilité sociale • M. Ganilsy, G. Delanoë et K. Albert
Les projets que nous documentons font jurisprudence : leurs acteurs ont profité de la plasticité du droit et de son pouvoir d’imagination pour dénouer des situations en inventant, chemin faisant, des dispositifs singuliers qui peuvent essaimer. Dès lors, nous avons voulu approfondir ce que veut dire « faire jurisprudence » en invitant des praticiens du droit et de l’architecture à réfléchir au rôle du droit pour penser et faire la ville autrement.
À écouter ici :
Le 24 janvier dernier, soutenue par l'ANCT et France Tiers lieux, la Preuve par 7 accompagnée par Marc Ganilsy avocat, praticien expérimenté du conseil et de la contractualisation immobilière, qui suit de nombreux projets d’occupations plus ou moins transitoires, a animé un wébinaire pour interroger la manière dont la valeur d'usage créée dans le cadre d'occupations intercalaires peut être documentée, reconnue localement, puis valorisée. Gaspard Delanoë, figure historique des squats d’artistes et performeur qui a ouvert le 59 Rivoli et Kevin Albert, ouvreur de squat et membre du collectif des Petites Maisons étaient invités à échanger et témoigner de l’évolution du statuts des lieux qu’ils ont occupés sous forme de squat, dont certains ont été ensuite régularisés mais aussi des valeurs d’usages que ces occupations ont créées localement et de la manière dont elles ont pu être reconnues et essaimées dans d’autres lieux et auprès des institutions.
Entre nomadisme et sédentarité, des collectifs investissent des lieux inoccupés, espaces délaissés ou interstices spatio-temporels, parfois en attente de projets urbains et immobiliers, pour exercer leur activité, habiter, proposer des réponses parfois expérimentales aux enjeux sociétaux et aux besoins locaux. Au gré de l’occupation et des activités qui se développent, les occupantEs et les usagerEs génèrent une valeur que l’on pourrait qualifier d’usage par la transformation physique et symbolique des lieux, et par l’utilité sociale produite.
A mesure de la reconnaissance de cette valeur d’usage par les propriétaires, les éluEs, les voisinEs,, les modalités juridiques d'occupation temporaire de ces lieux peuvent progressivement évoluer, permettant de régulariser des situations qui ne l’étaient pas voire d’assurer un cadre juridique plus stable, ou d’intégrer la richesses des usages expérimentés dans des projets sur le temps long. Selon les outils juridiques mobilisés et la durée d’occupation accordée le projet peut changer de nature, s’éteindre, se déployer, se déplacer ou s’ancrer localement.
Et pour les projets amenés à changer de lieu, une réflexion s'amorce sur la manière dont la valeur d'usage créée peut être documentée, reconnue localement, puis valorisée autrement, de manière prolongée et amenée dans d'autres lieux - « rebondir », à travers un bail que l’on nommerait forain attaché aux occupantEs et non plus seulement aux lieux.
24 janvier 2023