Projet  •  Beaumont (07)  ↓

Les Bogues du Blat

Mobiliser la commande artistique pour construire collectivement sept logements sociaux en milieu rural

En résumé

Commanditaire : Commune de Beaumont
Médiatrice : Valérie Cudel avec l’association À demeure pour l’action des Nouveaux commanditaires initiée par la Fondation de France
Maître d’ouvrage : Commune de Beaumont, en particulier Pascal Waldschmidt, Jacqueline Mielle, Jean-Remi Durand Gasselin
Maîtres d’œuvre : Loïc Julienne, Patrick Bouchain, Sébastien Eymard, Agence Construire
Acteurs associés à l’opération : SOLIHA, anciennement Pact07 pour l’accompagnement à l’obtention de l’agrément logement social (convention avec la commune à titre gracieux) ; LALCA, laboratoire de recherche et de créations sur la ville et l’habiter, pour la rédaction de la « charte d’habiter ensemble » et du programme de construction (convention avec la commune financée par le Fonds européen agricole pour le développement rural, LEADER)
Entreprises de travaux : Cénomane (charpente), Manuel Angevin (architecte), Jean Lautrey (artiste), atelier du Couzing (couverture métallique), Jouve VRD (terrassement), Olivier Maurin (plâtrerie, menuiserie), Ardèche énergie (électricité), Emmanuel Robert (carrelage)
Coût de l’opération pour la construction de sept logements (six maisons) en deux tranches : 1,2 million d’€ HT (180 000€ HT par maison) financés par :

  • la commune (222 460€)
  • un prêt de la Caisse des dépôts (547 788€)
  • des aides du Conseil départemental (77 750€), du Conseil régional (103 000€), du sénateur de l’Ardèche (15 000€ au titre de l’ancienne réserve parlementaire), de l’État (52 000€)
  • La Fondation de France (185 000€) intervient, pendant la phase d’études préliminaires et de recherche, sur les questions environnementales et la démarche participative (programme Habitat) et, pendant la phase de réalisation, pour les honoraires des architectes et frais annexes de la mairie (programme culture)
Chronologie synthétique

2005 : premières rencontres avec les élus et la médiatrice de la Fondation de France
2006 – 2007 : premières réflexions sur la question d’une commande de logements sociaux dans le cadre des Nouveaux commanditaires avec Acconci Studio
2008 : commande de logements sociaux dans le cadre des Nouveaux Commanditaires à l’agence Construire, sur proposition de la médiatrice ; premières réunions d’information avec les habitantEs
2009 : contrat d’études préliminaires (programme et conception de maîtrise d’œuvre) entre l’association de la médiatrice À demeure et l’agence Construire (janvier-juillet)
2010 : appel d’offre dans le cadre des marchés publics et contrat de maîtrise d’œuvre entre la commune, l’agence Construire et l’association A demeure ; premier accueil de candidatEs à la location
2011 : obtention du permis de construire et de l’agrément logement social par la commune
2012 : début du chantier de quatre logements (trois maisons)
2013 : arrivée de la première habitante aux Bogues du Blat
2015 : début du chantier de la deuxième tranche de trois logements (trois maisons)
2017 : arrivée des habitantEs des dernières maisons. Depuis lors, trois logements ont changé de locataires.

 

Localisation

S’installer au village

Rédaction : L’École du terrain, septembre 2022
Entretiens avec Valérie Cudel / Les Nouveaux commanditaires ; Pascal Waldschmidt / ancien maire

Beaumont, en Ardèche, est une petite commune rurale (242 habitantEs) soumise, depuis les années 2000, à une équation singulière : après un important exode de sa population jusque dans les années 1970 et une lente progression démographique 30 ans durant, de jeunes actives et actifs souhaitent s’y installer. La municipalité y voit l’opportunité de redynamiser le village, notamment en enrayant le vieillissement de la population, mais l’accès au foncier y est très difficile. Une grande partie du village, dont l’agriculture s’est lentement déprise, est en effet composée de résidences secondaires dont la location, à des prix élevés, n’est que saisonnière (120 résidences et gîtes pour 100 maisons permanentes). Les dix logements privés restants proposés à la location ne suffisent pas. Déjà trois anciennes écoles des hameaux qui constituent le village ont été transformées par la mairie en logements communaux, loués pour un loyer modéré. Mais cette offre ne permet pas de répondre à la demande d’habitat abordable. À partir du début des années 2000, elle intensifie donc sa politique d’acquisition de terrains en vue de construire de nouveaux logements à loyer modéré avec le souhait d’une architecture plus contemporaine. L’équipe municipale est volontaire. Elle ne dispose ni de bailleur social1 ni de services techniques, mais l’idée germe de s’engager dans un processus de commande. Comment, dès lors, construire des logements abordables et adaptables à chacun et chacune, dans un cadre différent de l’accoutumé ?

Vue aérienne des monts ardéchois et du chantier
Le chantier des Bogues du Blat entre les gorges de l’Ardèche et ses forêts de châtaigniers © Loïc Julienne et Phoebé Meyer

Le détour par la commande artistique

Afin d’avoir le regard d’unE artiste sur le Plan local d’urbanisme (PLU)2 qu’elle est en train de rédiger et pour concrétiser son ambition de construire des logements à loyer modéré, la commune de Beaumont décide de faire appel aux Nouveaux commanditaires, soutenus par la Fondation de France. Le choix de ce protocole, initié au début des années 1990 afin que tout collectif qui le souhaite (association, collectivité locale, salariéEs d’entreprise, collectif d’habitantEs…) puisse assumer la commande d’une œuvre d’art auprès d’unE artiste en étant accompagné d’un médiateur ou d’une médiatrice et de son association, peut surprendre. Si les Nouveaux commanditaires ont déjà travaillé avec quelques architectes pour de l’habitat privé, la pratique est plutôt d’accompagner des commandes auprès d’artistes plasticienNEs. Mais après tout, l’architecture est l’art d’habiter et la commande de la commune de Beaumont, nécessité collective à visée sociale conçue dans un esprit de démocratie locale, s’ajointe parfaitement au protocole des Nouveaux commanditaires. Dès lors, en 2007, Beaumont devient la première commande, via ce protocole, pour de l’habitat social.

Par le truchement de la commande artistique, le protocole des Nouveaux commanditaires offre trois atouts au projet de Beaumont : du temps, notamment un temps d’étude élargi pour permettre à la commande d’être pensée globalement et, le cas échéant, de pouvoir la transformer ; une médiatrice (Valérie Cudel et son association), regard extérieur et concerné, présente auprès des éluEs dès leur réflexion sur le PLU et qui accompagne ensuite le commanditaire en proposant plusieurs artistes avec qui elle fait le lien (en l’occurrence ici l’agence Construire) ; enfin, pour la maîtrise d’œuvre3, une souplesse réglementaire puisque ce dispositif reposant sur la commande d’une œuvre d’art permet d’initier la conception et la réalisation d’une "commande publique"4 sans mise en concurrence, donc moins contraignante5.

Après une phase de recherche avec un premier artiste, Acconci Studio, qui n’a pas totalement abouti, la médiatrice des Nouveaux Commanditaires propose aux éluEs de Beaumont, parmi plusieurs candidatEs, de passer commande auprès de l’agence Construire, qui ouvrira celle-ci à sa démarche expérimentale, affinant notamment la réflexion sur le rapport entre espace privé et espace public, particulièrement saillant dans ce paysage de terrasses où il faut souvent emprunter le chemin privé d’un ou d’une autre habitantE pour accéder à sa maison ou à son champ. Aucun bailleur social du territoire n’étant prêt à construire dans une si petite commune, par peur de la vacance, de frais de gestion trop coûteux et surtout de la spécificité de cette démarche, la mairie décide de rester maître d’ouvrage6. Une originalité qui requiert un énorme investissement de la part des éluEs, en l’occurrence ici le maire et deux de ses adjointEs dévoluEs aux travaux et aux finances.

Les futurEs habitantEs sur le chantier
Le chantier des Bogues du Blat par les futurEs habitantEs © Loïc Julienne et Phoebé Meyer

Les éluEs de Beaumont décident alors de créer un groupe de huit habitations - réalisables en plusieurs phases en fonction des demandes -, des espaces extérieurs privatifs et collectifs attenants et une aire de stationnement commune sur la parcelle d’un des hameaux du village aménagé en terrasses. La protection de ce paysage remarquable (une châtaigneraie centenaire qui inspirera le nom du projet) et les fortes variations climatiques de la région doivent être prises en compte dans le choix des matériaux et de l’isolation au cours du chantier qui s’aligne sur le coût de construction du logement social.

Entre 2009 et 2010, un premier travail est conduit avec les habitants et habitantes, parfois inquiètes, afin de circonscrire et d’apprivoiser le projet grâce à des maquettes et des arpentages. Puisque l’on construit toujours pour quelqu’unE, il est décidé de mettre en place, dès les premiers dessins, un appel à candidature pour choisir les futurEs locataires, les connaître dans le temps et concevoir la construction avec elles et eux dans l’optique d’une éventuelle accession sociale à la propriété.

Face à un logement social souvent déshumanisé car standardisé à l’excès, la construction sera ici chargée du désir d’une personne qui aidera ainsi la ou le commanditaire dans sa conception.

Considérant les atouts du village, une école élémentaire et un cadre de vie remarquable, mais aussi ses contraintes, difficile d’accès et sans opportunité d’emploi sur place, le choix très en amont des locataires a privilégié celles et ceux qui ont un projet de vie bien dessiné (néoruraux menuisier, jongleur, puéricultrice…) ou bien les habitantEs âgéEs qui souhaitent rester vivre au village.

Mais la commune de Beaumont, et sa capacité d’autofinancement de 85 000€, ne peut financer seule un chantier sept fois plus cher. Pour obtenir des subventions, ainsi qu’un prêt de la Caisse des Dépôts et un taux de TVA réduit à 5,5%, l’agrément logement social délivré par les services de l’État est indispensable. Or celui-ci faillit être refusé au motif qu’il était réservé aux zones de logements « tendues » - certaines villes et leur territoire alentour - au risque de favoriser uniquement l’installation de ménages aisés dans les territoires ruraux. Mais grâce à l’intervention d’un conseiller général et au soutien de la Fondation de France, le préfet finit par être convaincu et octroie l’agrément pour une première tranche de trois maisons.

L’obtention du permis de construire7 est également complexe. D’abord refusé par les services de l’État pour des raisons de sécurité (l’absence d’un réservoir d’eau assez important dans le village en cas d’incendie) et de sanité de l’eau potable, il est finalement accordé après que le maire a concédé la construction d’un réservoir plus volumineux et l’installation d’un système de chloration de l’eau de source.

Rassemblement spontané d'habitantEs autour des habitations
Au milieu des bogues du blat © Loïc Julienne et Phoebé Meyer

Les premierEs candidatEs à la location sont cooptéEs par les éluEs et les habitantEs après plusieurs réunions participatives. « La cooptation permet la création du groupe de façon démocratique et anonyme, explique-t-on alors. Après avoir participé à cinq réunions, le ou la candidate se présente, évoque sa motivation et ce qu’elle peut apporter au groupe. Après un tour de questions écrites anonymes, les cooptéEs votent à bulletin secret en faveur ou en défaveur du ou de la candidatE ». Cinquante foyers ont candidaté, 31 ont assisté à une réunion et seulement 20 à plusieurs. Trois jeunes architectes du laboratoire de recherche LALCA (Laboratoire d’Architectes) animent ces réunions au cours desquelles les candidatEs locataires rédigent pour elles et eux-mêmes une « charte d’habiter ensemble » ainsi que le programme d’aménagement intérieur de leur maison. Dix mois et 16 réunions plus tard, le groupe de locataires est constitué et la rédaction du programme de construction achevée.

Pascal Waldschmidt, le maire de l’époque, reconnaît pourtant deux erreurs : « On a peut-être laissé un peu trop les gens rêver en ne cadrant pas assez les choses sur ce qu’il était possible ou non de faire dans le budget contraint que nous avions. CertainEs candidatEs avec une forte sensibilité écologiste, par exemple, voulaient remplacer la toiture en plastique par du tavaillon, des tuiles en bois, ou proposaient de gainer les circuits électriques pour éviter les ondes, mais tout cela revenait bien trop cher ». De plus, selon lui, l’appel à candidatureS pour les futurEs locataires a été lancé trop en amont. Les logements n’ont été livrés que quatre ans plus tard, démotivant les premiers et premières candidatEs. « Les maisons ont été faites pour des gens mais ce ne sont pas elles et eux qui les ont habitées », conclut Pascal Waldschmidt.

La maison comme espace privé et ouvert

La maison individuelle est l’unité de base de ce projet. Les trois premières habitations sont constituées d’une charpente en ogive et de sa couverture. Le ou la future locataire peut choisir l’orientation de sa maison et la couleur de la toiture. Seul le rez-de-chaussée est aménagé. Le reste du volume, clos de façon légère, est progressivement occupé selon le choix de l’habitantE, dérogeant parfois aux règles de l’habitat social, en y installant par exemple un atelier de travail. « Le projet supposait donc une grande partie d’auto-aménagement. Or l’autoconstruction n’est envisagée nulle part dans le logement social. D’où l’intérêt de cette expérimentation pour le dénormer et travailler à des manières différentes de s’approprier le logement social », explique Pascal Waldschmidt. Pourtant, au milieu de cette architecture paysanne vernaculaire, où de nombreux néoruraux, dès les années 1970, ont relevé des maisons en ruines pierre à pierre, Beaumont a une longue tradition de construction par l’habitantE. Nathalie Train, la première habitante, le confirme : « J’ai posé l’isolation et j’ai peint. Ça permet de commencer à s’approprier les lieux avant d’y vivre ». Simon Château, un autre locataire, raconte lui aussi : « À chaque étape du chantier, Loïc Julienne, l’architecte, nous envoyait les plans par mail, nous demandait notre avis ou notre accord : où mettre les escaliers, les fenêtres, les cloisons, si on voulait une baignoire ou une douche, l’emplacement du poêle… ». Filant la métaphore botanique, Tom, locataire menuisier, a pu greffer sur sa bogue7 un escalier pour rejoindre son atelier à l’étage. Pour répondre aux besoins de sa famille qui s’agrandissait, il a demandé au maire l’autorisation d’ajouter une yourte à l’extérieur pour y déménager son atelier : « Il m’a répondu : « Oui… ou une cabane peut-être ? » Il a raison, c’est plus dans l’esprit de la châtaigneraie ! Et voilà, on pourra avoir une pièce supplémentaire, un atelier indépendant, un hors-bogue ! ».

La maison individuelle est l’unité de base de ce projet.

Le terrain en terrasses, quant à lui, est laissé intact et les maisons, orientées au sud ou à l’est, s’avancent sur pilotis. À cheval sur plusieurs faïsses (terrasses), chaque maison est desservie par une faïsse privative, incluse dans un ensemble où les autres terrasses se transforment en un jardin commun, peu utilisé. « Chaque habitantE est locataire de sa maison mais pas du terrain, qui reste commun. Dans les faits, chacunE dispose d’un bout de terrain mais personne n’y a construit de clôture », explique l’ancien maire.

Vue de la charpente
Charpente en ogive et maison sur pilotis pour s’inscrire dans la topographie du paysage

Si le choix de l’agence Construire pour la maîtrise d’œuvre a pu se faire grâce à une commande via À demeure, l’association de la médiatrice des Nouveaux commanditaires, les travaux en eux-mêmes ont rejoint la procédure classique des marchés publics avec appel d’offre par la commune et mise en concurrence. Ce choix s’explique pour des raisons juridiques : « À Beaumont, explique Valérie Cudel, nous n’avions pas mené de réflexion pour échapper au code des marchés publics. Dès lors, pour se prémunir contre d’éventuels recours de la part d’habitantEs ou d’architectes, nous avons suivi la voie classique »

Le chantier devient un temps fort pour toute la communauté. Les pièces en bois des habitations sont assemblées sur place, une charpente est montée en quinze jours. L’entreprise de charpenterie du Mans qui répond à l’appel d’offre embauchera même un des futurs habitant, qui était élagueur. Le reste des travaux est une opportunité pour les artisans et artisanes locales, qui sont presque les seulEs à répondre. Chaque habitantE choisit la couleur des principaux éléments de sa maison et participe au chantier (certains jeunes habitantEs ont peint avec les matériaux fournis par la mairie). Grâce à l’implantation préalable d’une « maison de chantier » construite par les éluEs et les futurEs habitantEs, lieu annexe de vie, d’événements et atelier de fabrication, de réparation et de recyclage, le chantier devient une école où les savoirs de la construction se transmettent facilement en s’ouvrant à tous les BeaumontoisEs. Des éluEs et des voisinEs tiennent la permanence de chantier. « Le chantier était ouvert au public et les réunions de chantier tous les 15 jours se terminaient toujours par une petite fête. C’est cet esprit qui a conduit les artisanEs à s’investir au-delà de leurs seules missions », se souvient Pascal Waldschmidt.

Si chacunE est locataire de sa maison, les terrains alentour, 9 000 m², sont gérés collectivement entre les différentEs locataires. Les nouveaux et nouvelles habitantes cooptées définissent ensemble leurs règles de vie et les limites entre vie privée et vie publique. Un conseil des locataires est créé pour animer le groupe, suivant la charte d’habiter ensemble rédigée préalablement.

Dix ans après : un tremplin pour s’installer durablement dans le village

A quoi ressemble aujourd’hui le Blat, dix ans après l’arrivée de la première habitante d’une des « bogues » ? Les sept logements ont vu s’installer vingt-cinq nouveaux habitantEs dans ce hameau qui en comptait une quarantaine à l’origine. « L’appropriation des maisons par les locataires a été bonne. D’abord parce que des locataires n’ont pas l’habitude qu’on leur demande leur avis. Mais surtout parce que nous avons progressivement formalisé les demandes de modification que les habitantEs souhaitaient faire à l’intérieur de leur maison », explique l’ancien maire. Ils et elles proposent plusieurs devis à la mairie. Si la municipalité paie les matériaux et que les habitantEs font les travaux, la somme investie est récupérée en augmentant un peu le loyer. Et si les locataires restent moins de sept ans dans leur logement, la commune leur rembourse, au prorata, les sommes qu’ils et elles y ont investi.

En dix ans, la moitié des logements a changé de locataires : un couple s’est séparé ; un autre a trouvé du travail ailleurs et une veuve a suivi son nouveau compagnon dans une autre ville. Le principe mis en place d’une accession progressive à la propriété n’a pas trouvé preneur. Mais cette expérience locative aura tout de même incité deux foyers (un couple avec enfant et une mère célibataire) à acheter un terrain dans la commune afin d’y faire construire leur maison, la durée de remboursement du prêt étant moins longue que les 40 annuités de l’accession progressive à la propriété. Les Bogues du Blat auront été pour elles et eux un tremplin. « Ils restent sur la commune et libèrent leur logement, c’est donc une très bonne chose », s’enthousiasme Pascal Waldschmidt, qui note aussi la lente intégration des nouveaux et nouvelles habitantes à la vie du village. Deux locataires sont aujourd’hui membres du conseil municipal et beaucoup s’investissent dans les associations. Dans la cabane de chantier, qui n’a pas été démolie, un bar et une estrade accueillent des spectacles tous les mardis. La population a rajeuni et, à la rentrée, il y aura 25 enfants dans l’école communale.

Alors, quand bien même les locataires n’ont pas habité la maison construite pour eux et elles ou qu’ils et elles ne restent pas et passent le relais, avoir construit un logement selon le désir, toujours modulable, toujours amendable, d’unE habitantE est la garantie d’une meilleure qualité et d’un meilleur entretien. Contrairement à ce que craignait les bailleurs sociaux approchés au début du projet, il n’y a jamais eu de vacance ni de maison inhabitée. « Ils n’ont pas habité la maison conçue avec eux mais ils se sont appropriés celle que quelqu’unE d’autre avait imaginée », résume l’ancien maire. Cette expérience-là, politique, architecturale et urbanistique, au sein de la plus petite unité démocratique qu’est la commune demeure et, a pu faire école depuis les Cévennes jusqu’à Montjustin.

Références documentaires
Beaumont : « Charte d’habiter ensemble » des locataires des Bogues du Blat, 2011
Beaumont : « Charte d’habiter ensemble » des locataires des Bogues du Blat, 2011 • Texte
Texte

Charte rédigée en 2010 par le premier groupe de locataires des logements communaux des Bogues du Blat établissant des règles de vie commune et de gestion des espaces partagés.

Beaumont : Délibération du conseil municipal instaurant le mécanisme de valorisation des travaux, 2017
Beaumont : Délibération du conseil municipal instaurant le mécanisme de valorisation des travaux, 2017 • Texte
Texte

Avenant à la décision du conseil municipal de Beaumont encadrant le mécanisme des loyers par lequel les locataires des Bogues du Blat peuvent initier des travaux dans leur maison, qui seront valorisés dans le paiement de leur loyer. Si la municipalité paie les matériaux et que les habitantEs font les travaux, la somme investie est récupérée en augmentant un peu le loyer. Et si les locataires restent moins de sept ans dans leur logement, la commune leur rembourse, au prorata, les sommes qu’ils et elles y ont investi.

En savoir plus

Les Bogues du Blat, Dossier de présentation, 2013
Patrick BOUCHAIN, Loïc JULIENNE, Pascal WALDSCHMIDT, Les Bogues du Blat. Construire, atelier d’architecture. Une commande des élus de Beaumont, Captures Éditions, 2018.
WALDSCHMIDT Pascal, « Construire à Beaumont » dans Pas de toit sans toi, Arles, Actes Sud, 2016.
HERS François, Lettre à un ami au sujet des Nouveaux Commanditaires, Paris, Presses du réel, 2016.

Notes de bas de page
  1. Un bailleur social ou organisme d’Habitation à loyer modéré (HLM) ont pour mission de construire, d’acheter, de réhabiliter, d’attribuer et de gérer des logements locatifs destinés à loger des ménages aux revenus modestes pour un loyer modéré. 65 % des ménages sont éligibles à un logement social en France. Remplissant une mission d’intérêt général, ils peuvent être des organismes publics, comme les Offices publics pour l’habitat (OPH) ou privés, comme le sont les Entreprises sociales pour l’habitat (ESH) ou les sociétés coopératives HLM.
    En 2021, 18 % des ménages sont locataires dans le parc de logement social, pour environ 5 millions de logements.
  2. Le plan local d’urbanisme est, en France, un document d’urbanisme et un outil de planification urbaine à valeur légale visant à encadrer l’urbanisation, à l’échelle communale, dans le respect des principes du développement durable. Document opposable, il réglemente la construction et réhabilitation des bâtiments à l’échelle de la parcelle. Entre autres fonctions, le PLU, qui peut être intercommunal, fixe l’affectation des sols, délimite des zonages, établit des zones constructibles et inconstructibles, ou encore établit des périmètres à protéger. Un PLU est adopté par le conseil municipal ou communautaire à l’issue d’une procédure impliquant l’avis des personnes publiques concernées ainsi qu’une enquête publique.
  3. Le maître d’œuvre désigne la personne physique ou morale, qui, en raison de sa compétence technique, est chargée par le maître de l’ouvrage d’apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme défini, de concevoir le projet, de diriger l’exécution des travaux et d’en assurer le suivi jusqu’à la réception des travaux.
    Pour répondre aux différents aspects de la commande urbaine ou architecturale, la maîtrise d’œuvre est constituée, dans la plupart des cas, d’une équipe : architecte(s), paysagiste(s), écologue(s), bureaux d’études techniques, économistes,…
  4. Selon le Ministère de l’économie et des finances, la commande publique correspond à l’ensemble des contrats conclus à titre onéreux par un acheteur public ou ayant une mission de service public, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Les contrats peuvent prendre la forme de marchés publics (l’ensemble de la prestation est financée par le pouvoir public) ou de concession (délégation d’une activité de service public où le gestionnaire se rémunère en partie par l’activité du service). Les procédures de la commande publique dans le domaine de l’urbanisme et de la construction entraînent souvent un séquençage très important dans la temporalité des projets. Les responsabilités portées par les acteurs et actrices des projets sont également rigides : politiques, technicienNEs, spécialistes, usagerEs se trouvent dans des rôles déterminés Itération et formulation de la commande à partir des besoins et usages, contextualisation du projet par mises à l’épreuve progressive et appel aux ressources locales pour construire semblent mission impossible. Pourtant une formulation de la commande de manière collective, un affinage progressif et sur le terrain sont aujourd’hui nécessaires et réalisables et permettent aux nouvelles manières de faire à l’œuvre, d’exister et d’entrer en agilité avec les cadres établis.
  5. Art. R2122-3 du Code de la commande publique
  6. Le maître d’ouvrage est une personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé. C’est l’entité pour le compte de laquelle est réalisé l’ouvrage après qu’elle en a exprimé et formalisé le besoin. Elle en est le commanditaire et celle qui en supporte le coût financier, éventuellement partagé avec des partenaires financiers.
  7. Surnom donné aux maisons de Beaumont qui en reprennent la forme.
Voir aussi