Projet  •  Roubaix (59)  ↓

Le couvent des clarisses

Réhabiliter progressivement un monument historique en l'occupant frugalement tout en l’ouvrant aux habitantEs

En résumé

Commanditaire : Ville de Roubaix
Maître d’ouvrage : Ville de Roubaix
Assistance à maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’usages : Association ZERM
Architectes en permanence : Association ZERM, association Yes We Camp
Cadre de la commande :

  • Appel à projet de la Ville de Roubaix pour l’occupation transitoire du couvent
  • Marché public innovant pour l’assistance à maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’usage signé suite à l’appel à projet
  • Réalisation des travaux par les services de la ville de Roubaix

Budget de la permanence (2020 – 2023) :

  • Étude de faisabilité en acte, prestation d’AMO AMU : 99 900€
  • Subventions de Tremplin Asso à Yes We Camp (300 000€, dont 150 000€ pour Yes We Camp et 150 000€ d’investissement pour le site, gérés par Zerm), de la Ville de Roubaix (500 000€), de l’État (200 000€), de la Région Hauts-de-France (25 000€), de la Métropole Européenne de Lille (20 000€).
  • Zerm abonde à hauteur de 450 000€

Coût estimé de l’opération : 1,8 millions € sur 4 ans

Chronologie synthétique

2008 : Départ des dernières sœurs clarisses du couvent, racheté par la ville de Roubaix pour 435 000 €
2011 : Inscription du couvent à l’inventaire des monuments historiques et premières réflexions sur des projets, finalement abandonnés, de réhabilitation (centre pour adultes autistes ; crèche et halte-garderie)
2019 : Lancement par la ville de Roubaix de l’appel à projet pour une occupation transitoire du couvent, remporté par le collectif d’architectes Zerm, en collaboration avec l’association Yes We Camp, l’historien Gilles Maury et la société de diagnostic en sécurité incendie I.C.A.R.
Signature du bail avec la mairie pour l’occupation du couvent
2020 : Mise en place des fiches patrimoine, adressées à la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC), pour entamer, à petits pas, la rénovation du bâtiment sans attendre le permis de construire sur l’ensemble des travaux
2021 : Signature du contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’usage

Localisation

Un couvent à éclore

Rédaction : L’École du terrain, septembre 2022
Entretien avec Simon Givelet et Margot Magnière / collectif Zerm

« Squelette de brique et peau de marbre ». C’est ainsi que l’architecte de la Rome antique Vitruve résumait les constructions de la capitale de l’Empire. Pourtant le jeu du temps et des pillages ne laisse souvent visible aujourd’hui que la brique des monuments. À Roubaix, la brique est partout. Et, comme à Rome, sur ce nuancier d’ocre, de brun et de rouge rejaillit un peu de la majesté de celle qui fut, au début du siècle dernier, l’une des capitales mondiales du textile. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que ce soit dans une brique ordinaire que l’industriel Henri-Philippe Desclée décida, dans les années 1870, de construire un couvent pour héberger une communauté de sœurs clarisses et une école municipale. La sobriété du matériau soulignait la frugalité de la vie de ces religieuses, attentives aux saisons, cultivant dans un potager les légumes dont elles se nourrissaient et jetant les restes dans un trou du jardin pour y faire du compost. À l’intérieur, les murs sont simplement enduits et les fenêtres formées de petits verres cerclés de plomb. Le sol des espaces d’accueil est en carreaux de ciment décorés. Partout ailleurs, terrazzo et parquet. Aucune décoration, ou presque. Tout y est simple et fonctionnel. La sombre silhouette du couvent se découpe désormais sur un ciel blanc, dans la courbe d’une petite rue aux façades ocres, face à quatre ensembles de logements collectifs. Le quartier de l’Épeule, déjà populaire à l’époque, est l’un des plus pauvres de la ville. Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV)1, il fait l’objet d’un projet de renouvellement urbain.

Cour extérieure flèches au sol
Un couvent à réinvestir, 2022 © Alexandra Ruzzica / La Preuve par 7

En 2008, le couvent néogothique, inscrit au titre des monuments historiques, est déserté par les dernières moniales qui y vivaient recluses. Il est ensuite racheté par la commune qui, après plusieurs projets avortés, souhaite le transformer en un lieu dédié au « zéro déchet » et à l’économie circulaire. Elle lance un appel à projet en 2019 pour l’occupation temporaire du site, remporté par l’association Yes We Camp, l’historien Gilles Maury, passionné par les rapports entre architecture et industrie, la société de diagnostic en sécurité incendie I.C.A.R et l’association Zerm, jeune association d’architecture roubaisienne travaillant à la réhabilitation de lieux et au réemploi de matériaux. L’équipe dispose de quatre ans pour réactiver le couvent. Mais comment (r)ouvrir, sur son quartier et ses habitantEs, un bâtiment tout entier construit dans un esprit de stricte clôture (les religieuses n’en sortaient que pour voter ou consulter un médecin) ? Comment réactiver en l’occupant un monument historique dont la restauration est estimée à 20 millions d’euros avec un budget douze fois moindre ? Et est-il possible, en l’occupant et en s’en occupant, de commencer à y réaliser de menus travaux alors que le programme du bâtiment n’est pas encore arrêté ?

Un marché public innovant pour occuper le couvent

La première contractualisation de ce projet est un bail octroyé par la ville au collectif Zerm pour occuper le couvent. Il exonère les architectes de loyer tant qu’ils et elles ne dégagent pas de bénéfices2. « Dès le lendemain de la signature, le 14 décembre 2019, nous étions 30 personnes sur le chantier avec Yes We Camp pour initier des ateliers », raconte Simon Givelet, membre de Zerm et porte-parole du projet. La souplesse du cadre et la concision du bail font de Zerm le véritable chef d’orchestre d’un chantier réactif. Le projet de permanence dessine un cadre où chacunE incarne mieux son rôle, assez souple pour que plusieurs services de la ville travaillent de concert et pour que le collectif Zerm travaille aussi avec les technicienNEs des services des bâtiments communaux. Ces pratiques infusent, et d’abord, ici, l’originalité d’une permanence qui mène de front étude des usages et menus travaux. Il ne s’agit donc pas seulement de la réhabilitation d’un monument pour lequel, d’ailleurs, le collectif Zerm n’est pas maître d’œuvre3, mais bien plutôt de sa réactivation.

Les services de la ville, rassurés que les architectes habitent sur place, ont fait leur le vocabulaire du « permis de faire » et ont ainsi dénommé la commande « étude de faisabilité en actes ». Dès lors, un langage commun émerge.

Au fil des mois, cependant, le besoin se fait sentir d’un cadre plus serré : « Nous étions responsables de tout et concierges du bâtiment. Mais pour parler à nos différents interlocuteurs, être concierge offre moins de légitimité que d’être, par exemple, assistant à maîtrise d’ouvrage4. Il manquait un cadre pour la conception des travaux et le pilotage du projet », explique Simon Givelet. Le collectif sollicite donc la mairie de Roubaix en juin 2020. Pendant plusieurs mois, les différentEs protagonistes affinent ce que pourrait être ce nouveau cadre, qui offrirait aux architectes de Zerm une légitimité accrue, un pilotage technique avec la mairie, la possibilité de recourir à des financements plus variés et, surtout, de dessiner un projet d’archivage et de documentation de cette occupation transitoire à destination notamment de la future maîtrise d’œuvre. 

Ainsi, courant 2021, un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’usage est signé. La comparaison avec l’appel à projet lancé deux ans plus tôt permet de mesurer combien la permanence architecturale a amené, entretemps, les deux contractants à développer chacun des capacités ignorées d’eux-mêmes jusqu’alors. Les architectes de Zerm d’abord, ont pu être accompagnéEs par Yes We Camp, puisqu’ils et elles n’avaient jamais fait d’occupation transitoire et se sont ainsi mieux structuréEs. Les services de la ville, enfin, rassurés que les architectes habitent sur place, ont fait leur le vocabulaire du « permis de faire » et ont ainsi dénommé la commande « étude de faisabilité en actes ». Dès lors, un langage commun émerge.

Vue intérieure ateliers
Le collectif s’installe et occupe les lieux, 2022 © Zerm

Initiée en 2013 sur le projet de réactivation de l’hôtel Pasteur à Rennes, une « étude de faisabilité en actes » définit les travaux à mener et le futur programme d’un lieu grâce à la permanence et à l’ouverture au public, qui mettent à l’épreuve le bâtiment par ses usages. Au-delà de cet outil, c’est toute la philosophie de la programmation ouverte expérimentée à Rennes qui innerve le projet roubaisien. Les architectes de ces différents projets essaiment en s’entraidant. Reconnaissant le caractère expérimental de cette manière de faire, la municipalité de Roubaix a décidé de recourir à un marché public d’innovation, qui permet, pour un achat innovant de moins de 100 000 euros hors taxes, de passer une commande sans mise en concurrence ni publicité5.

Mêler étude des usages et menus travaux : une permanence qui structure les acteurs et actrices du projet

D’abord, relever, en archéologue, les traces des anciens usages, du temps des nonnes et de l’école, dans ce bâtiment dont le découpage fonctionnel des espaces reste encore inscrit jusque sur le sol : du carrelage pour les pièces anciennement publiques, du parquet pour les anciens espaces privés. L’occupation du lieu (huit membres du collectif habitent aujourd’hui le couvent) en est la clé. Lier l’assistance à maîtrise d’ouvrage6 et à maîtrise d’usage7 permet de commencer les travaux avant la fin des études. Des travaux de maintenance, dans un premier temps, assurés par les services de la ville, maître d’ouvrage à qui le collectif Zerm apporte un appui méthodologique (un comité technique se réunit ainsi toutes les six semaines). Les liens sont tels que les architectes de Zerm ont accès au logiciel de la commune où sont programmés les travaux de maintenance et sur lequel ils et elles sont enregistréEs comme des techniciens et techniciennes de la ville. « Nos demandes de travaux (maintenance, mise aux normes et activation des fluides) sont ainsi traitées comme en interne », se réjouit Simon Givelet, et financées sur le budget du service des bâtiments communaux.

Au fil des mois, architectes, éluEs, services de la Ville et déconcentrés de l’Etat (DRAC) ont ainsi, grâce à la permanence et à l’étude de faisabilité en actes, déclenché une programmation ouverte, affiné les contours d’une politique publique d’urbanisme innovante et esquissé ceux d’une régie municipale pour la mettre en œuvre.

Mais aussi des travaux de réactivation où se lit toute leur expérience du réemploi des matériaux : les plaques de bois qui nivellent le sol de La Halle, par exemple, avaient auparavant servi à l’Opéra de Lille. Ces travaux « d’innovation » ont pu être financés sur le budget de la mission d’économie circulaire de la ville, via l’étude de faisabilité en acte. En 2020, Zerm a, par ailleurs, scénographié plusieurs espaces dans La Halle dont l’ancien réfectoire de l’école, dans le cadre de « Lille, Capitale mondiale du design ». Ces prestations ont permis de construire plusieurs éléments remployés ensuite dans le projet de réhabilitation du lieu. « Cette pensée globale était possible parce que nous étions à la fois les scénographes de l’exposition et les gestionnaires du couvent », précise Simon Givelet. Une subvention de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a aussi servi à la réhabilitation d’espaces pérennes et le projet a été lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt Tremplin Asso, soutenu par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Les architectes peuvent également compter sur l’auto-financement du lieu : les privatisations, la programmation culturelle, la buvette et l’auberge de jeunesse (14 couchages) rapportent quelques dizaines de milliers d’euros par an. Mais surtout, 15 structures disposent aujourd’hui d’espaces au sein du bâtiment en échange d’une participation aux charges. Les critères de l’appel à résidence ont été établis avec la Ville dans un souci de diversité afin que tous les usages du lieu puissent être expérimentés, et donc corrigés, par ces occupantEs qui en deviennent les premières protagonistes. Ou plutôt les secondEs, puisque, lors du confinement, le bâtiment a retrouvé sa vocation claustrale et les architectes qui y vivent ont pu en mesurer toutes les qualités. Au fil des mois, architectes, éluEs, services de la Ville et services déconcentrés de l’Etat - Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Hauts-de-France - ont ainsi, grâce à la permanence et à l’étude de faisabilité en actes, déclenché une programmation ouverte, affiné les contours d’une politique publique d’urbanisme innovante et esquissé ceux d’une régie municipale pour la mettre en œuvre.

Espace d'exposition
Menus travaux : pas à pas, les espaces retrouvent un usage, 2021 © Zerm
Échaffaudage et peinture des voûtes
© Zerm

Un habitat de saison et une restauration à petits pas : le mandat patrimoine

Chemin faisant, le collectif Zerm n’oublie pas – comment le pourrait-il ? – qu’il travaille dans un monument historique. Les contraintes de réhabilitation (on ne peut pas peindre ce qui ne l’était pas, on peut repeindre ce qui l’est, etc.) et de validation des travaux par la DRAC transforment le couvent en laboratoire d’une double réflexion sur la saisonnalité de l’habitation et sur une politique de travaux à petits pas.

« Tout cela montre les conséquences positives de ces outils : moins chers, saisonniers et réversibles, donc ne nécessitant pas de permis de construire. »

On ne vit pas de la même manière en fonction des saisons. Si l’inertie thermique permise par les épais murs de briques est agréable en été pour conserver une température fraîche à l’intérieur, vivre l’hiver au sein du bâtiment a nécessité la mise en place d’une kyrielle de dispositifs qui, monument historique oblige, se doivent d’être tous réversibles afin d’éviter la procédure longue et contraignante du permis de construire8. « Souvent, le programme architectural entre en résistance avec l’existant, explique Simon Givelet. De manière intuitive, nous avons voulu inverser les choses : la question n’était pas de savoir où nous allions mettre l’auberge de jeunesse mais plutôt ce qu’on allait faire de ces trois ailes de 15 cellules de moins de 10m2 ». Des manières de faire comme autant de survivances médiévales mais avec des matériaux contemporains. Les fenêtres, simple vitrage aux carreaux parfois cassés à cause du vieillissement du plomb, sont, par exemple, isolées de l’intérieur grâce à un tampon thermique en polymère transparent, empêchant la condensation sans obstruer la lumière. Sa pose avec des joints en mousse dans la feuillure de la fenêtre rend l’installation parfaitement réversible. Alternative au remplacement par un double vitrage coûteux et complexe dans ce bâtiment inscrit. « On ne dit pas que ça isole, rectifie Simon Givelet, mais ça casse un peu les déperditions de chaleur l’hiver ».

Fenêtre bouchée avec tampon thermique
Les fenêtres sont isolées par l’intérieur grâce à un tampon thermique en polymère transparent, empêchant la condensation sans obstruer la lumière, 2022 © Zerm
Bouchon à côté de la fenêtre
Sa pose avec des joints en mousse dans la feuillure de la fenêtre rend l’installation parfaitement réversible, 2022 © Zerm

Les lits, eux, sont à baldaquin, clos, isolés avec des bâches de camion - dont la géométrie des couleurs fait étonnement songer aux blasons médiévaux - et avec une double couche de lin, chutes de tissu fournies par la coopérative qui restaura à Chambord le lit de François Ier. À l’intérieur de ce cube, les planches qui supportent le matelas proviennent d’un bâtiment bruxellois aujourd’hui détruit. « Le corps humain dégage une chaleur équivalente à 100W. Sous une couette, on a naturellement chaud. Mais dans le reste de la chambre, nous avons réfléchi à comment chauffer l’espace avec la seule température du corps et un petit souffleur ponctuel. La même question s’est posée pour les bureaux, la cuisine et tout le reste ». Les murs, quant à eux, sont revêtus de textiles thermiques comme les tapisseries d’antan. De même que la moquette au sol. Autant de solutions parcellaires oubliées avec l’invention du chauffage central, qui serait si coûteux pour ce type de bâtiment. « Tout cela montre les conséquences positives de ces outils : moins chers, saisonniers et réversibles, donc ne nécessitant pas de permis de construire ».

Lit auberge de jeunesse
© Zerm
La chapelle ré aménagée
Conserver et s’adapter sont les maîtres mots de la réhabilitation du couvent, 2022 © Zerm

Car dans un monument historique, la moindre retouche qui ne soit pas de l’entretien, de la réparation ordinaire ou de la mise en sécurité est soumise à l’avis de l’architecte des bâtiments de France et à un permis de construire engageant une action pérenne. Dès lors, soucieux de réactivité et de réversibilité, le collectif Zerm a inventé le « mandat patrimoine ». Imaginé avec le Directeur régional des affaires culturelles (DRAC), cet accord se décline en brèves fiches patrimoine, un recto-verso qui constate, par un diagnostic, les carences de l’existant et proposent des hypothèses de restauration. Trois photos, quelques lignes de texte, des plans et des détails techniques, le document, simple, très précis et portant sur un point de l’architecture, est envoyé au référent de l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP), dépendant de la DRAC, qui répond sous huitaine : soit il autorise la modification, soit il l’ajourne, soit il la refuse, en motivant son avis, et préconise, le cas échéant, qu’elle soit incluse dans le futur permis de construire. Le retour de l’UDAP fait l’objet d’une nouvelle fiche, dûment archivée pour conserver la trace des différentes vies du bâtiment et qui sera bien utile à l’architecte du patrimoine, avec lequel Zerm joue ainsi un rôle de médiateur. Une alternative administrative qui permet de « tester tout ce qui est permis sans permis », comme le résume le collectif. Un exemple : l’escalier de secours dans la cour de l’école, conduisant à une porte désormais condamnée, est entouré d’une clôture métallique grignotant un espace au sol rendu inaccessible et insalubre. Zerm propose de démonter la grille et de poser un portillon sur la première marche de l’escalier. La proposition est validée. Autre exemple : le vieillissement du plomb qui sertit le verre des fenêtres du couvent a tendance à faire bomber le verre qui finit par se briser, empêchant l’étanchéité du clos-couvert du bâtiment. Zerm propose de le remplacer. Cette fois-ci, l’intervention, jugée trop importante, est rejetée et sera intégrée dans le permis de construire.

« C’est une avancée puisqu’il n’était pas aisé pour la ville de mettre autant d’argent dans un lieu qui n’a pas encore de destination précise ni d’exploitation certaine. »

Escalier extérieur
Escalier et cour : interventions à minima, structurelles ou réversibles, toujours en accord avec l’architecture, 2022 © Alexandra Ruzzica / La Preuve par 7
Cour de récréation
© Zerm

Cette manière de faire dans le temps de l’occupation du bâtiment permet également d’avancer sur sa restauration sans obérer son futur. Les interventions qui font l’objet d’une demande ne sont pas toutes réversibles et certaines concernent des travaux structurels, relatifs aux fluides ou à l’électricité. Les architectes anticipent alors le plus en amont et proposent des interventions dans l’optique non pas seulement d’une occupation temporaire mais bien de la réouverture générale du bâtiment au public sans programmation figée. Les infrastructures nécessaires sont installées dès à présent, selon la capacité d’accueil du bâtiment, évitant ainsi une nouvelle intervention lourde dans le futur.

« Nous avons récemment convaincu la municipalité d’investir plus de trois cent mille euros dans la restauration de la toiture du bâtiment. Autant le faire maintenant avant que cela ne se dégrade davantage et coûte encore plus cher. Mais c’est une avancée puisqu’il n’était pas aisé pour la ville de mettre autant d’argent dans un lieu qui n’a pas encore de destination précise ni d’exploitation certaine », se réjouit Simon Givelet, qui y voit aussi, en arrière-plan, une validation implicite de cette méthode de la permanence architecturale.  

Car tous ces diagnostics ne pourraient pas être conduits de manière si fine sans le temps long de la permanence et l’occupation des lieux par les architectes du collectif. Ce temps long permet aussi que se constitue une équipe informelle autour du projet, incluant des volontaires des différents services municipaux et déconcentrés mis à l’œuvre. Le couvent est rouvert. Il tisse des liens avec les associations locales, notamment celles qui distribuent les invendus alimentaires. Les souvenirs de l’école et du couvent allument le dialogue au sein de ce quartier bientôt vidé d’une partie de ses habitantEs, relogéEs ailleurs après la destruction de leurs logements. En 1967, l’architecte Hans Hollein donnait la définition la plus minimale, et donc la plus ouverte qui soit, de l’architecture, d’abord chargée, selon lui, « de garder la chaleur du corps humain ». Un impératif ici autant thermique que social.

Références documentaires
Roubaix : Appel à projet de la Ville de Roubaix pour l'occupation transitoire du couvent des clarisses, janvier 2019
Roubaix : Appel à projet de la Ville de Roubaix pour l'occupation transitoire du couvent des clarisses, janvier 2019 • Texte
Texte

Appel à projet lancé par la ville de Roubaix pour l'occupation transitoire du couvent des Clarisses, monument historique racheté par la commune avec la volonté de le transformer en un lieu dédié au « zéro déchet » et à l’économie circulaire.

Roubaix : Synthèse de la réponse du collectif Zerm à l'appel à projet pour l'occupation transitoire du couvent des clarisses, 2019
Roubaix : Synthèse de la réponse du collectif Zerm à l'appel à projet pour l'occupation transitoire du couvent des clarisses, 2019 • Texte
Texte

Le collectif Zerm propose d'installer dans le couvent des Clarisses une permanence architecturale qui mènera de front menus travaux de restauration et étude des usages dans le cadre d'une programmation ouverte du bâtiment.

Roubaix : Fiche patrimoine couvent des clarisses - Mur en brique de clôture, avril 2021
Roubaix : Fiche patrimoine couvent des clarisses - Mur en brique de clôture, avril 2021 • Texte
Texte

Fiche de proposition de travaux dans le cadre du « mandat patrimoine » : un recto-verso qui constate, par un diagnostic, les carences de l’existant et propose des hypothèses de restauration. Le document, simple, très précis et portant sur un point de l’architecture, est envoyé au référent de l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP), dépendant de la DRAC, qui répond sous huitaine : soit il autorise la modification, soit il l’ajourne, soit il la refuse, en motivant son avis, et préconise, le cas échéant, qu’elle soit incluse dans le futur permis de construire.

Roubaix : Fiche patrimoine couvent des clarisses - Serrurerie
Roubaix : Fiche patrimoine couvent des clarisses - Serrurerie • Texte
Texte

Fiche de proposition de travaux dans le cadre du « mandat patrimoine » : un recto-verso qui constate, par un diagnostic, les carences de l’existant et propose des hypothèses de restauration. Le document, simple, très précis et portant sur un point de l’architecture, est envoyé au référent de l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP), dépendant de la DRAC, qui répond sous huitaine : soit il autorise la modification, soit il l’ajourne, soit il la refuse, en motivant son avis, et préconise, le cas échéant, qu’elle soit incluse dans le futur permis de construire.

Roubaix : Fiche patrimoine couvent des clarisses - Vitraux
Roubaix : Fiche patrimoine couvent des clarisses - Vitraux • Texte
Texte

Fiche de proposition de travaux dans le cadre du « mandat patrimoine » : un recto-verso qui constate, par un diagnostic, les carences de l’existant et propose des hypothèses de restauration. Le document, simple, très précis et portant sur un point de l’architecture, est envoyé au référent de l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP), dépendant de la DRAC, qui répond sous huitaine : soit il autorise la modification, soit il l’ajourne, soit il la refuse, en motivant son avis, et préconise, le cas échéant, qu’elle soit incluse dans le futur permis de construire.

Notes de bas de page
  1. Ces politiques publiques, initiées dans les années 1980, tentent de mobiliser l’ensemble des politiques et des services publics pour réduire les écarts de développement sociaux et économiques et améliorer les conditions de vie de leurs habitantEs. Depuis Sur le volet urbain, dans certains quartiers où ont été identifiés des dysfonctionnement urbains et un évitement par les classes aisées et moyennes, l’État a développé une politique de rénovation urbaine, pilotée par l’Agence Nationale de la Rénovation urbaine. Cette rénovation se traduit par des travaux d’ampleur : démolitions de logements, résidentatialisations et réhabilitations de logements, d’équipements et espaces publics.
  2.  Le loyer de 50€/m², lié à une activité commerciale, est à acquitter uniquement si un bénéfice est dégagé à partir du budget lissé sur les quatre années du bail.
  3. Le maître d’œuvre désigne la personne physique ou morale, qui, en raison de sa compétence technique, est chargée par le maître de l’ouvrage d’apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme défini, de concevoir le projet, de diriger l’exécution des travaux et d’en assurer le suivi jusqu’à la réception des travaux.
    Pour répondre aux différents aspects de la commande urbaine ou architecturale, la maîtrise d’œuvre est constituée, dans la plupart des cas, d’une équipe : architecte(s), paysagiste(s), écologue(s), bureaux d’études techniques, économistes,…
  4. Le maître d’ouvrage est une personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé. C’est l’entité pour le compte de laquelle est réalisé l’ouvrage après qu’elle en a exprimé et formalisé le besoin. Elle en est le commanditaire et celle qui en supporte le coût financier, éventuellement partagé avec des partenaires financiers.
  5. Décret voté en 2018 et pérennisé par le décret n°2021-1634 du 13 décembre 2021
  6. Les maîtres d’ouvrages peuvent faire appel à des « assistantEs » pour les aider et soutenir dans leur rôle de commanditaire. L’assistantE à maîtrise d’ouvrage, dit couramment « AMO », a un rôle de conseil et/ou d’assistance et de proposition, a pour mission d’aider le maître d’ouvrage – qui reste décideur – à définir et piloter le projet, sur des missions qui peuvent être générales (étude urbaine préalable, programmation, …) ou plus techniques (montages juridiques, …). La permanence architecturale/urbaine et la programmation ouverte agissant en amont de la commande, sont des manières de réaliser une AMO sur le site même du projet, en établissant son bureau sur le site même, en rassemblant les différents acteurs et actrices, en permettant l’ouverture au public du site, en élaborant des rencontres et réunions collective de projets etc… Ces méthodes permettent de faire naître le projet en menant ce que l’on appelle des études de programmation et de faisabilité « en actes ».
  7. Ensemble des personnes constituées qui représentent les utilisateurs et utilisatrices d’un bâtiment ou d’un équipement ou d’un ensemble de logements/habitats et en gèrent l’occupation, l’appropriation, l’entretien ou la maintenance. Complémentaire aux différents acteurs et actrices de la conception urbaine, la maîtrise d’usage, composées d’habitantEs gestionnaires et/ou utilisateurs et utilisatrices d’un site, éclaire sur les besoins et les pratiques des habitantEs d’un projet et donc de la valeur d’usage.
  8. Lorsque unE propriétaire souhaite mener des travaux (construction, démolition, modification de façade, changement de destination, …), il ou elle doit formuler une demande auprès de la commune. La délivrance d’une autorisation d’urbanisme dépend du type de bâtiment concerné (logement, établissement recevant du public, immeuble de grande hauteur, …) de la nature et de l’ampleur des travaux menés (permis de construire, d’aménager, déclaration préalable,…) et permet à la commune qui instruit la demande de vérifier a priori que les travaux sont bien conformes à la règlementation (règles locales d’urbanisme, règles d’accessibilité et de sécurité incendie pour les établissements recevant du public, …).
Voir aussi