Projet  •  Clermont-Ferrand (63)  ↓

Le Lieu-dit, ancien Petit Vélo

Une municipalité se saisit des méthodes de la permanence architecturale et de la programmation ouverte pour rouvrir un lieu participatif qu’elle gère en régie directe

En résumé

Maîtrise d’ouvrage : Ville de Clermont-Ferrand

Personnes de la Ville impliquées dans le projet : Flore Brasquies, Clélia Barthelon, Ludovic Laporte, (régisseur du site), Direction de la Culture ; Direction de la construction et de la gestion responsable du patrimoine (anciennement Direction du patrimoine bâti) ; Direction du commerce, des usages et de l’espace public ; Direction de l’innovation et de la participation ; ÉluEs chargés de ces thématiques ainsi que l’adjoint à l’innovation et à la participation citoyenne et l’adjoint aux finances

Mission d’accompagnement à la requalification : collectif les Andains, collectif Pixel 13

Budget :

  • 60 000€ annuels en fonctionnement pour les résidences artistiques
  • 40 000€ en investissement pour les intervention des services techniques
  • 100 000€ en fonctionnement pour la mission d’accompagnement (25 000 € au dernier trimestre 2021 et 75 000 € en 2022)
Chronologie synthétique

2004 : la Ville rachète le bâtiment du Petit Vélo et l’association Les Amis du Petit Vélo continue d’y gérer la salle de spectacle

2018 : l’activité du lieu décline et la Ville commence à réfléchir à son devenir

Janvier 2021 : la Ville, propriétaire du bâtiment, le reprend en régie directe et rachète le matériel technique à l’association Les Amis du Petit Vélo

Juillet 2021 : lancement d’une consultation par la Ville de Clermont pour une mission d’accompagnement à la requalification du lieu, via une permanence architecturale

Juillet-août 2021 : travaux légers au rez-de-chaussée réalisés par les services de la Ville pour assurer l’accueil du public et l’expérimentation des usages par la mission de permanence architecturale

Septembre 2021 : installation du régisseur de la Ville sur le site et arrivée des collectifs d’architectes lauréats de la mission d’accompagnement

2022 : première année de résidence ; réflexion pour une organisation collective des résidentEs ; présentation par le collectif d’architectes d’un scénario de programmation architecturale

2023 : deuxième année de résidence ; structuration d’une organisation collective dans laquelle la Ville délègue nombre de décisions aux résidentEs

La régie des lieux

Rédaction : l’École du terrain, juin 2023

Entretiens avec Flore Brasquies, Ludovic Laporte, Clélia Barthelon / Direction de la Culture de la Ville de Clermont-Ferrand ; Sabine Thullier / Pixel 13 ; Maxime Leclercq / Les Andains ;
Charly Fortis / CAUE de Loire-Atlantique

Comment occuper un souvenir ? Telle est la question que se sont poséEs tous et toutes les protagonistes du projet du Lieu-dit. Sans remonter à l’époque où le lieu, à proximité de la cathédrale, servait d’écuries aux diligences faisant halte à Clermont-Ferrand, le bâtiment de trois étages, aujourd’hui propriété de la Ville, fut, au XXème siècle, l’un des premiers théâtres clermontois puis un cinéma, avant d’accueillir un projet de galerie commerçante dont les espaces du rez-de-chaussée seront murés, et enfin, à l’étage, une salle de spectacle, Le Petit Vélo, et un club de musique. Chaque habitantE de la région y a donc le souvenir de sa première danse ou, plus lointain, de son premier film (c’est d’ailleurs en hommage au facteur incarné par Jacques Tati dans Jour de fête que le lieu aurait été baptisé Le Petit Vélo en 1993). En 2004, la Ville rachète le bâtiment et le met à disposition de l’association des Amis du Petit Vélo qui y gère la salle de spectacle. A partir de 2017, l’activité culturelle de l’association décline et la Ville réfléchit au devenir du lieu.

Flore Brasquies, responsable du service Musique au sein de la Direction de la Culture de la Ville, propose de ranimer le lieu et de faire du Petit Vélo un équipement culturel ouvert sur ses alentours. Il se trouve en effet au cœur d’un quartier populaire du centre-ville, qui abrite de nombreuses structures historiques liées à la culture et à l’éducation populaire, mais aussi un hôpital psychiatrique et des foyers de l’Aide Sociale à l’Enfance. Dès lors, comment rouvrir ici un lieu de culture qui accueillerait des savoirs-faire différents des autres institutions culturelles de la Ville ? En ligne de mire, la candidature de Clermont-Ferrand à la capitale européenne de la culture 2028. Mais si les premiers travaux ne commenceront qu’en 2025, comment réfléchir auparavant à la programmation du lieu – dans son double sens architectural et artistique – avec les habitantEs du quartier et leurs souvenirs sur plusieurs générations ? Le Petit Vélo, depuis rebaptisé Le Lieu-dit, offre l’exemple d’une municipalité qui se saisit des méthodes de la permanence architecturale et de la programmation ouverte pour rouvrir un lieu qu’elle gère en régie directe. Le temps suspendu avant les travaux est pour elle l’occasion de « réfléchir à l’affectation par l’usage et l’empirisme, et de fédérer les initiatives autour du lieu », comme elle l’écrit dans son appel d’offre, lancé en juin 2021, pour une mission d’accompagnement à la requalification du Petit Vélo. Dans le même temps, la Ville recrute un régisseur du site chargé d’accueil qui devient le permanent du lieu. Et lance, à l’automne, un appel à projet pour accueillir début 2022 une vingtaine de résidentEs, artistes, collectifs, acteurs et actrices de l’éducation populaire ou de l’économie sociale et solidaire (ESS), aux fins de tester « les usages possibles et de nourrir la réflexion sur les travaux à mener, tant en termes de bâti, de programmation que de gouvernance ».

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Réunion dans le foyer du Lieu-dit, 2022 @ ville de Clermont-Ferrand

La permanence architecturale a fait école

Le projet d’installer une permanence architecturale au Petit Vélo est le fruit d’une transmission. La Ville de Clermont-Ferrand s’inspire, en effet, des manières de faire de l’Hôtel Pasteur à Rennes, initié en 2012, et de l’Université Foraine entre 2014 et 2016 dans le quartier de la Gauthière à Clermont-Ferrand1. Et si la consultation pour la mission d’accompagnement à la requalification du Petit Vélo peut être lancée si rapidement, de même que l’appel à projet pour les résidences, c’est parce que Flore Brasquies, investie dans des associations, connaît bien l’écosystème clermontois. « Je parle depuis des années de ce lieu vacant, et de ces méthodes de projet à des collectifs. Je leur ai demandé de se préparer le jour où il y aurait un appel à projet », dit-elle.

C’est aussi parce que, de son aveu même, « il faut des personnes qui ont un relais auprès des éluEs et des autres services ». Sa position au sein de la Direction de la Culture le lui permet. De plus, plusieurs services de la Ville, dont la Direction du Patrimoine Bâti (DPB) avaient déjà été fortement mobilisés sur l’Université Foraine de la Gauthière. « Celui qui fut chargé de ce projet au sein de la direction nous soutient aujourd’hui. Il a assisté à toutes les difficultés et à toutes les réussites d’alors. C’est une courroie de transmission essentielle qui permet d’abattre pas mal de murs ». Au sens figuré comme au sens propre puisque, à l’été 2021, la DPB entreprend de légers travaux sur le local d’accueil au rez-de-chaussée du Petit Vélo, où pourront s’installer les architectes en permanence et le régisseur du site.  Ces années de réflexion ont également permis aux services de la Ville d’affiner l’angle programmatique du lieu. « Nous ne voulions pas que le Petit Vélo soit un espace de coworking, ni un lieu uniquement dédié à des résidence d’artistes ou d’événementiel comme il en existe déjà à Clermont ». Mais au contraire un équipement de quartier, relié à ses habitantEs et aux structures déjà existantes, notamment celles de l’éducation populaire et de l’ESS. Un commun où il soit possible d’expérimenter. Et pour y parvenir, pour rouvrir au public ce lieu et en faire un projet ancré dans le tissu social du quartier, le recours à une permanence architecturale qui permet d’éprouver une variété d’usages dans le lieu avant d’en déterminer le programme, apparaît indispensable.

En mai 2021, la Ville décide de transférer la subvention anciennement allouée à l’association Les Amis du Petit Vélo, soit 60 000€ annuels, au financement des futurEs résidentEs du Lieu-dit. Pour une permanence architecturale de deux ans, la Ville alloue un budget de 100 000€ (mission d’accompagnement) et recrute un régisseur. À quoi s’ajoutent 40 000€ d’investissements pour les interventions sur un an et demi des services techniques (accessibilité, ouverture des espaces anciennement murés, remplacement des batteries des éclairages de sécurité et des trappes de désenfumage pour permettre l’utilisation du lieu en toute sécurité…) et l’équivalent d’un jour par semaine du temps de travail de Flore Brasquies.

Le temps est compté : l’appel d’offre pour l’accompagnement à la requalification
du lieu doit être publié en juin pour un démarrage en septembre. Flore Brasquies fait alors appel à un ancien camarade de promotion du Diplôme Universitaire Espaces Communs, Charly Fortis, architecte au Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Loire-Atlantique et habitué des permanences architecturales, qui l’aide à distance.  « J’ai toujours été architecte sur des projets qui sortaient de l’ordinaire, raconte-t-il. Et puis j’ai décidé de m’investir dans le conseil en architecture auprès de communes, d’aménageurs ou de sociétés de tourisme pour les sensibiliser à travailler ensemble, sur des projets temporaires ou qui fabriquent des communs ».

L’appel d’offre énonce clairement la méthode de la permanence architecturale et les objectifs d’une programmation par l’usage, coconstruite avec les acteurs et actrices culturelLEs et les habitantEs du quartier. Outre l’hôtel Pasteur de Rennes et l’Université Foraine de la Gauthière, il cite en exemples fondateurs l’association collégiale des usagerEs de l’ancien collège de Billom et l’occupation du couvent des clarisses de Roubaix par le collectif Zerm. Le collectif en permanence accompagnera la Ville dans sa stratégie d’activation du lieu et de concertation citoyenne ; assurera les premiers travaux de rénovation nécessaires à sa réouverture et travaillera à l’accueil, à la mobilisation et à l’accompagnement de ses futurEs occupantEs. « L’équipe d’accompagnement pourra ainsi affiner le recensement des besoins pour les usagerEs et identifier les freins techniques et réglementaires, afin de proposer des scenarii de programmations et de définir un modèle de gouvernance adapté au projet, afin de préfigurer l’élaboration d’un programme architectural à venir ».

Le temps long de la permanence - au moins un an et demi - retourne la temporalité classique de la construction d’un projet, en partant d’une expérimentation des usages avec les résidentEs et le public (programmation « culturelle »), d’une réflexion sur la gouvernance (programmation « politique ») avant de proposer une programmation architecturale du lieu. Cette méthodologie de projet doit faire du Petit Vélo rien moins qu’un « tiers-lieu municipal au service des artistes et des initiatives protéiformes de la société civile qui ne trouvent pas de place dans les équipements actuels, soumis à des logiques de fonctionnement et de financement peu propices à l’expérimentation ».

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Le club concert du Lieu-dit, 2022 @ Ville de Clermont-Ferrand

Une permanence au carrefour des usage(r)s

Ce sont les Andains, collectif d’architectes, d’urbanistes et de paysagistes installés dans le Puy-de-Dôme, associé à Pixel 13, collectif pluridisciplinaire d’art en espace public et de sensibilisation à l’architecture, qui remportent l’appel d’offre. « Avec Pixel 13, raconte Sabine Thullier, enseignante en arts de la scène et directrice artistique du collectif, nous avons essayé de contextualiser le Petit Vélo au sein de son quartier. Qu’est-ce que ça signifie de faire culture aujourd’hui et ici ? Nous avons pris le temps de rencontrer chacune des structures du quartier, où nous avons découvert une richesse de savoirs-faire. Voilà des gens qui sont sur le terrain, qui gèrent des relations d’accueil et qui ont une vraie réflexion théorique sur l’éducation populaire et la culture ».

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La galerie du Lieu-dit, 2022 @ Ville de Clermont-Ferrand

La permanence architecturale permet ainsi d’articuler le bâtiment et son environnement urbain dans un projet sociétal autour d’un équipement qui ne sera plus affecté à un type d’usage unique.

Maxime Leclercq, architecte chez les Andains, confirme : « Le Petit Vélo n’est pas une permanence avec un ou deux architectes qui seraient les gardiens de l’histoire du projet. Nous ne sommes pas là pour expliquer aux gens comment ils doivent faire, ni quelles sont les règles du jeu. Nous sommes plutôt là pour écouter ce qui se passe, documenter, faire se rencontrer et travailler ensemble des équipes qui n’avaient pas prévu de le faire. Il nous a d’ailleurs semblé plus efficace de venir à sept une journée par semaine – ce qui n’a pas été sans conflit puisque la Ville pensait que nous serions présents tous les jours ». De fait, la présence moindre des Andains sur les lieux et la réorientation de la mission de Pixel 13 sur l’ouverture du Lieu-dit aux nombreuses associations du quartier entraînent une redistribution des rôles. Le régisseur, présent quotidiennement, devient le vrai permanent du lieu, capable de détecter au plus tôt ce qui peut marcher et ce qui ne le peut pas, et Flore Brasquies consacre désormais la moitié de son temps à la coordination du projet.

Le régisseur, premier permanent du lieu

Riche d’une double expérience de vingt ans en collectivité territoriale et de régisseur technique bénévole dans des associations, Ludovic Laporte est certes régisseur du site, rattaché au service Musique sous la direction de Flore Brasquies, et responsable unique de sécurité2, mais il participe aussi à l’instruction des dossiers de candidature des résidentEs et à leur accueil au quotidien. « Cela m’ouvre sur un monde que je ne connaissais pas, reconnaît-il. Je trouve très intéressant d’avancer non seulement sur les aspects techniques de régie mais aussi sur les aspects intellectuels de définition du projet ». Cette présence quotidienne a permis au lieu, dès sa réouverture, de « fonctionner à plein tube et de croiser ensemble des personnes qui d’habitude ne se parlent pas ». Une fois les résidentEs sur place, le régisseur est leur principal interlocuteur, chargé d’organiser leur planning et de coordonner les différentes interventions dans les murs, notamment l’accueil du public. Il met en lien les résidentEs avec des partenaires extérieurs et gère le matériel du lieu. Formé au service de sécurité incendie et d’assistance à personne (SSIAP), il s’assure également de la sécurité incendie lors des soirées organisées par les associations clermontoises qui louent les espaces du bâtiment.

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L'appartement spectacle du Lieu-dit, 2022 @ Ville de Clermont-Ferrand

Avoir des employéEs municipaux au sein du projet facilite ce que Flore Brasquies appelle les « courroies de transmission ». La présence quotidienne d’un régisseur entraîne ainsi une participation accrue de la Direction du Patrimoine Bâti. « Lorsque j’ai un problème, je peux appeler directement les collègues », confie le régisseur. Flore Brasquies, présente au Lieu-dit près de trois jours par semaine, est l’autre binôme de la permanence, qui permet ainsi un lien fort avec les services de la Ville. « Sur un projet comme celui-ci où les politiques acceptent de déléguer de plus en plus de décisions aux résidents, il est fondamental de les tenir informés très régulièrement ». Le comité de pilotage qui comprend les éluEs et les directions de la Ville concernées se réunissent ainsi plusieurs fois par an et sont souvent destinataires de notes.

La permanence comme synergie avec les services techniques de la Ville

ArrivéEs à l’automne 2021 au Petit Vélo, les architectes entament de premiers travaux, notamment l’aménagement du foyer d’accueil ouvert sur la rue. De manière générale, l’ambition est de rouvrir tout ce qui avait été muré au fil des ans. « Les premiers travaux que nous avons menés, raconte Maxime Leclercq, comme dans beaucoup de permanences architecturales urbaines, ont consisté à curer toute une partie du bâtiment, à retirer les déchets accumulés et les moquettes. Dans le foyer, grâce au réemploi, nous avons construit des structures mobiles de cuisine. Nous faisons ces travaux sur le budget réservé dans notre offre pour cela. La seconde catégorie de travaux, plus lourds, nous y travaillons avec la Ville et la DPB. Par exemple, rouvrir certaines portes qui donnent sur une rue peu passante alors que la seule entrée aujourd’hui se fait par une rue où il y a beaucoup de circulation. C’est la Ville qui fera ces travaux, soit en régie, comme la maçonnerie, soit via un marché à bons de commande3, comme avec les menuisiers que nous avons rencontrés pour poser des portes coupe-feu et segmenter ainsi un espace aujourd’hui trop grand pour accueillir du public dans de bonnes conditions de sécurité. Enfin, nous avons aussi demandé à travailler avec un bureau de contrôle pour être dans les clous quant à la réouverture complète du rez-de-chaussée ». Le rez-de-chaussée est, en effet, un « fantôme inaccessible ». Depuis que les salles de cinéma ont été murées dans les années 1990, les plus de 500 m² de plain-pied, à l’exception du foyer, ont été sortis de l’emprise de l’Établissement Recevant du Public (ERP). Seules l’ancienne salle de théâtre et l’ancienne salle de concert, quelques loges et couloirs à l’étage peuvent encore accueillir des visiteurs et visiteuses. Tout l’enjeu est donc de rouvrir ce rez-de-chaussée, dont les issues de secours sur les rues attenantes sont condamnées. Là encore, la présence d’un régisseur est idéale, qui a permis de mettre plus facilement dans la boucle les services de la Direction du commerce, des usages et de l’espace public, chargés de la réglementation ERP.

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Installation artistique dans la galerie du Lieu-dit, 2022 @ Ville de Clermont-Ferrand

Une gouvernance des résidentEs déléguée par la Ville qui éprouve les usages du lieu 

C’est d’abord avec les résidentEs que la programmation du Lieu-dit va être construite et éprouvée. Un appel à projet est ainsi lancé par la Ville à l’automne 2021 pour une occupation artistique temporaire (de 1 à 30 jours, continus ou discontinus) visant à « expérimenter de nouvelles formes, contenus ou usages, qui n’ont pas vocation à être accueillis dans le réseau d’équipements dédiés de la Ville ou de la métropole » et participant d’une « démarche de dialogue et d’échange autour de l’avenir du lieu ».
La Ville accompagne financièrement (60 000€ annuels) et techniquement le bon déroulement des projets, via une convention d’occupation temporaire.

Une vingtaine de résidentEs sont retenus pour 2022. Chaque demande est examinée conjointement par la Ville (Flore Brasquies et Ludovic Laporte, le régisseur) et par les collectifs architecturaux. « Nous sommes déjà en train d’expérimenter une gouvernance partagée », s’enthousiasme-t-on. Ces derniers rencontrent individuellement chaque structure. En un double mouvement, il s’est agi, raconte Sabine Thullier, du collectif Pixel 13, « de voir comment nous pouvions accompagner ces structures et comment ces résidences venaient au service de la réflexion sur le projet. Lors de ces entretiens, nous nous assurons que leur proposition viendra nourrir la réflexion collective et non pas une logique de création personnelle ». Flore Brasquies abonde : « Nous avons été sensibles à ceux qui avaient une visée nourrie de l’éducation populaire et qui s’intéressaient au quartier. Nous ne voulions pas financer les projets de l’ordre de la résidence artistique « personnelle » ou de la diffusion ». De fait, parmi la vingtaine d’associations retenues, plusieurs d’entre elles proposent par exemple aux artistes des formations sur leur statut juridique, leur déclaration URSSAF ou leur retraite. D’autres assurent des ateliers d’éducation artistique ou sensibilisent aux enjeux reliant l’art et l’écologie. D’autres, enfin, ont organisé des résidences artistiques ponctuelles pour interroger, en vue de la programmation architecturale, les circulations du lieu et l’inversion des rapports entre la scène et le public. 

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Atelier organisé dans le club du Lieu-dit, 2022 @ Ville de Clermont-Ferrand

Très vite, les résidentEs ont ressenti le besoin de réunions avec les architectes et le binôme de la Ville présente au Lieu-dit afin de réfléchir à une organisation collective. La reprise en main par les résidentEs de la structuration de cette gouvernance s’explique aussi par la scission, en mars 2022, entre les deux collectifs d’architectes. Pixel 13 continue son travail d’animation tourné vers le quartier quand les Andains se consacrent à l’élaboration de scénarios de programmation architecturale. Pour que ceux-ci soient davantage inspirés du travail des résidentEs, l’équipe de la Ville en permanence leur proposent des questionnaires et organisent des réunions dont ils transmettent ensuite les résultats aux architectes. Présenté fin 2022, le scénario le plus en adéquation avec les désirs des résidentEs propose, dans l’ensemble, de préserver l’organisation des espaces du Lieu-dit mais de travailler à les améliorer en transformant, par exemple, le rez-de-chaussée en bureaux ouverts.

A la fin de la première année, la moitié des résidentEs souhaitent continuer à s’investir dans le projet et discutent d’une forme d’association. Ils et elles entendent rester associéEs à la démarche architecturale et culturelle du lieu, pouvoir écrire et décider des futurs appels à résidence, animer des temps de formation et de permanence et, peut-être, transformer un local attenant en lieu de ressources et d’échanges de savoirs. Ils et elles organisent déjà tous les jeudis une permanence « portes ouvertes » pour présenter le projet au public et, notamment, aux associations intéressées pour y devenir résidentes. 

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Performance dans la galerie du Lieu-dit, 2022 @ Ville de Clermont-Ferrand

Les résidentEs tout comme la Ville souhaitent que celle-ci continue d’assurer la régie directe du Lieu-dit, c’est-à-dire la responsabilité du bâtiment et des postes mis à disposition (deux mi-temps devraient bientôt venir renforcer l’équipe sur place : un profil technique aux côtés du régisseur pour accueillir les résidentEs et faciliter leur appropriation du lieu et un profil de coordination auprès de Flore Brasquies, notamment tournée vers une communication coordonnée du projet). Le Lieu-dit offre donc l’exemple d’une collectivité qui, progressivement, grâce aux tiers de confiance que sont ces deux agents en permanence sur le terrain, se déprend de nombre de décisions stratégiques pour les transférer aux résidentEs du lieu, ancienNEs4 et actuelLEs, amenéEs à structurer leur gouvernance. Ce sont elles et eux qui examinent les dossiers de candidature et qui décident de l’allocation du budget de l’appel à projet (60 000€ annuels, auxquels il convient d’ajouter notamment 5 000€ pour l’achat de matériel).
Ils et elles travaillent à l’élaboration d’une charte graphique et d’une signalétique commune, ainsi qu’à la rédaction d’une charte des usages autorisés dans le lieu qui distinguera notamment les critères de mise à disposition et ceux de résidence.
Une charte que la Ville s’est engagée à co-signer. De même, toutes les décisions importantes (sur le nom du lieu, les futurs appels à projet et le devenir du bâtiment) sont validées par les résidentEs et le comité de pilotage. Même la sécurité incendie pourra être déléguée aux résidentEs puisque la Ville a octroyé une subvention de 10 000€ au CREFAD, réseau historique de l’éducation populaire, pour organiser une formation SSIAP, également ouverte à tous les lieux clermontois, squats, ateliers d’artistes accueillant du public. Par la suite, 8 000€ par an ont été prévus pour rémunérer sous forme de vacation les résidentEs ponctuellement chargéEs de la sécurité incendie du Lieu-dit. En février 2023, des ateliers participatifs dédiés à la gouvernance sont organisés par les résidentEs et le binôme municipal.

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Stands installés dans le foyer du Lieu-dit, 2022 @ Ville de Clermont-Ferrand

Après les turbulences de la première année de résidence, douze associations ont été retenues pour l’année 2023. L’évolution du projet se lit d’ailleurs dans les titres des appels à résidence. D’une volonté d’« expérimentations éphémères » en 2022, l’ambition d’« habiter le Lieu-dit » s’affirme en 2023 avant d’insister, en 2024, sur les « savoir(s) faire ». Le projet de requalification du Lieu-dit a été conforté pour trois ans de plus et inscrit comme projet de mandat au sein de la programmation pluriannuelle d’investissement (PPI) avec un budget de 3,3 millions d’euros. Et, preuve que la « courroie de transmission » fonctionne entre les résidentEs, le binôme municipal sur place et le comité de pilotage, c’est une ancienne résidente de la première année, Clélia Barthelon, artiste plasticienne, qui prend le relais de Flore Brasquies le temps de son congé maternité. Et cet été, elle viendra tous les jours à son bureau du Lieu-dit.

Références documentaires
Clermont-Ferrand : Cahier des charges de l'appel d'offre pour la requalification du Petit vélo
Clermont-Ferrand : Cahier des charges de l'appel d'offre pour la requalification du Petit vélo • Texte
Texte

Appel d’offre lancé par la Ville de Clermont-Ferrand pour une mission d’accompagnement à la requalification du Petit Vélo. Il énonce clairement la méthode de la permanence architecturale et les objectifs d’une programmation par l’usage, coconstruite avec les acteurs et actrices culturelLEs et les habitantEs du quartier. Le collectif en permanence accompagnera la Ville dans sa stratégie d’activation du lieu et de concertation citoyenne ; assurera les premiers travaux de rénovation nécessaires à sa réouverture et travaillera à l’accueil, à la mobilisation et à l’accompagnement de ses futurEs occupantEs.

Clermont-Ferrand : Fiche de poste régisseur ou régisseuse chargéE de l'accueil des porteurs et porteuses de projets
Clermont-Ferrand : Fiche de poste régisseur ou régisseuse chargéE de l'accueil des porteurs et porteuses de projets • Texte
Texte

La Ville de Clermont-Ferrand recrute un régisseur ou une régisseuse du site pour le Petit Vélo. Il ou elle est certes régisseur ou régisseuse du site, rattachéE au service Musique de la Ville, et responsable unique de sécurité, mais il ou elle participe aussi à l’instruction des dossiers de candidature des résidentEs et à leur accueil au quotidien. Il ou elle devient, de fait, le ou la premièrE permanentE du lieu.

Clermont-Ferrand : Appel à projet pour l’occupation artistique temporaire du Petit Vélo 2022
Clermont-Ferrand : Appel à projet pour l’occupation artistique temporaire du Petit Vélo 2022 • Texte
Texte

La Ville de Clermont-Ferrand lance un appel à projet pour une occupation artistique temporaire du Lieu-dit (de 1 à 30 jours, continus ou discontinus) visant à « expérimenter de nouvelles formes, contenus ou usages, qui n’ont pas vocation à être accueillis dans le réseau d’équipements dédiés de la Ville ou de la métropole » et participant d’une « démarche de dialogue et d’échange autour de l’avenir du lieu ». La Ville accompagne financièrement (60 000€ annuels) et techniquement le bon déroulement des projets, via une convention d’occupation temporaire.

Clermont-Ferrand : Appel à projet pour l’occupation artistique temporaire du Petit Vélo 2023
Clermont-Ferrand : Appel à projet pour l’occupation artistique temporaire du Petit Vélo 2023 • Texte
Texte

Appel à projet, écrit par les résidentEs de la saison précédente, pour l’occupation artistique temporaire du Lieu-dit (de 1 à 30 jours, continus ou discontinus) visant à « expérimenter de nouvelles formes, contenus ou usages, qui n’ont pas vocation à être accueillis dans le réseau d’équipements dédiés de la Ville ou de la métropole » et participant d’une « démarche de dialogue et d’échange autour de l’avenir du lieu ».

Clermont-Ferrand : Appel à projet pour l’occupation artistique temporaire du Petit Vélo 2024
Clermont-Ferrand : Appel à projet pour l’occupation artistique temporaire du Petit Vélo 2024 • Texte
Texte

Appel à projet, écrit par les résidentEs de la saison précédente, pour l’occupation artistique temporaire du Lieu-dit (de 1 à 30 jours, continus ou discontinus) visant à « expérimenter de nouvelles formes, contenus ou usages, qui n’ont pas vocation à être accueillis dans le réseau d’équipements dédiés de la Ville ou de la métropole » et participant d’une « démarche de dialogue et d’échange autour de l’avenir du lieu ».

Notes de bas de page
  1. Sur le quartier de la Gauthière, la Ville de Clermont-Ferrand est engagée avec ses partenaires dans la réalisation d’un programme de réaménagement acté dans le cadre d’une convention ANRU signée en 2015. La ville est propriétaire des terrains du « coeur de quartier » de la Gauthière, et assure dans ce cadre la responsabilité des conditions d’occupation de ce site et la définition de son devenir. Elle s’est appuyée sur l’expérimentation proposée par Notre Atelier Commun dans le cadre de l’Université Foraine afin de développer une approche nouvelle, pour faire la ville autrement.
    L’Université Foraine bénéficiait d’une convention avec la Ville de Clermont-Ferrand et le PUCA. Elle a mené une démarche expérimentale et innovante via une permanence architecturale qui concernait le site inoccupé suite à la démolition des trois tours et du centre commercial, ayant vocation en première approche à accueillir un ensemble d’équipements (pôle petite enfance, pôle médical, pôle info service) au sein d’un large espace paysager, pour faire émerger un projet par la participation, l’ouverture au public, en travaillant sur l’appropriation. L’expérimentation menée là-bas a permis la formulation d’un certain nombre d’orientations d’aménagement pour le « coeur de quartier » de la Gauthière, et plus largement, pour le devenir du quartier et son ouverture sur la ville.
  2. Dans les Établissements recevant du public (ERP) qui accueillent au moins deux occupants distincts et non isolés entre eux, telles les galeries commerciales ou certains immeubles tertiaires, le responsable unique de sécurité est l’interlocuteur des autorités administratives concernées par l’application du règlement de sécurité incendie. Il est garant du bon fonctionnement des équipements et des dispositifs de sécurité et appose son visa sur les dossiers techniques de travaux.
  3. Définis à l’article 77 du code des marchés publics, les marchés à bons de commande sont conclus avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécutés au fur et à mesure de la survenance du besoin par l’émission de bons de commande.
  4. Désormais bénévoles mais qui peuvent encore bénéficier de certains espaces sans être subventionnés.
Voir aussi