Le château Daguerre
À Tardets dans les terres basques, un réseau d’acteurs et d’actrices s'engagent et participent à la revitalisation de la commune. Ensemble, ils et elles expérimentent pour réhabiliter de manière économe et généreuse le château du village pour y développer une offre de logement abordable.
Commanditaires : commune de Tardets-Sorholus et l’EPFL du Pays basque
Maîtrise d’ouvrage : Soliha Pays basque au titre du bail à réhabilitation de longue durée (50 ans) conclu avec la commune de Tardets-Sorholus et du Bail Réel Solidaire (BRS) dit « BRS opérateur » conclu avec Bizitegia (Organisme foncier solidaire, OFS) créé par l’EPFL du Pays basque.
Partenaires du projet : Commune de Tardets-Sorholus, EPFL du Pays basque et Bizitegia, Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques
Maîtrise d’œuvre : agence Encore (mandataire du groupement)
Budget de l’opération de réhabilitation et de création de logements au sein du château et sources de financement :
- Pour Bizitegia, le coût de l’opération s’élève à 1 129 460 euros TTC (acquisition, frais de notaire, travaux, honoraires) dont 100 000 euros pour l’acquisition auprès de la commune et 1 080 000 d’euros hors taxes de travaux. Le Conseil départemental apporte 20 000€ de subvention par logement (soit 140 000 euros au total).
- Pour Soliha Pays basque : Budget total non connu. Le Conseil départemental apporte 30 000€ de subvention pour la création de 6 logements (soit 180 000 euros au total).
1859 -1871 : période estimative de la construction du château par et pour la famille Daguerre dans sa configuration actuelle
1917 : La commune de Tardets-Sorholus rachète le château à la famille Daguerre. Il abrite l’école primaire jusque dans les années 1990 et la mairie jusque dans les années 1980, le collège également entre 1953 et 1957.
2015 : lancement de la démarche FENICS (Filière économique nouvelle pour l’innovation dans la construction et le social) pilotée par le Conseil départemental des Pyrénées Atlantiques
2016 – 2019 : les conditions de redynamisation du centre-ville de la commune sont étudiées avec FENICS au sein de plusieurs ateliers thématiques participatifs, la réhabilitation du château Daguerre est une des pistes d’intervention
2020 : Maïté Pitrau est élue maire de la commune
2021 : création d’une Zone d’Aménagement Différé (ZAD)1 de 31 hectares dite « Centre-bourg de Tardets »
2022 : rachat d’une partie du château Daguerre par l’EPFL du Pays basque
2023 : Lancement par Soliha de l’appel d’offres de travaux pour la réhabilitation du château et à la création de six logements locatifs et de sept logements en accession sociale en Bail Réel Solidaire (BRS)
La vie de château
Rédaction l’École du terrain, novembre 2023
Entretiens avec Anna Chavepayre et Lise Luette (collectif Encore), Benoît Dupey (Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques), Jean-Jacques Etcheberry et Dominique Ducasse (artisans maçons), Yannick Fieux (Établissement Public Foncier Local du Pays Basque), Édith Inès (Commune de Tardets-Sorholus), Maïté Pitrau (maire de Tardets-Sorholus), Thomas Zellner (Communauté d’agglomération Pau-Béarn-Pyrénées), Elsa Oliarj-Inès et Bastien Cosson (habitantEs de Tardets).
Ce n’est pas un « château en Espagne » comme le dit l’expression puisque celui-ci existe bel et bien. Il constitue même un formidable exemple que la réhabilitation du patrimoine associée à de nouvelles formes de la propriété et de l’habiter participe à la redynamisation des centres bourgs. Le château Daguerre se situe dans la commune de Tardet-Sorholus. Une façade classique, quatre niveaux, un double escalier en pierre, des balcons et un toit à la Mansart, c’est entre 1859 et 1971 que Jean-Pierre Léon Daguerre aurait fait bâtir le château dans sa configuration actuelle. Un parc comportant de nombreuses espèces végétales occupait autrefois l’emplacement du vaste fronton place libre où l’on joue à la pelote basque. Acquis en 1917 par la commune, il est devenu édifice public, accueillant l’école primaire et la mairie jusque dans les années 1980 et même le collège pendant quelques années. Depuis leur déménagement, le château est resté vacant.
Au cœur du pays historique de la Haute-Soule, le dynamique bourg de Tardets-Sorholus dont la bastide médiévale et la place concentrent l’essentiel des équipements, services et activités commerciales, offre des vues imprenables sur un paysage magnifique, entre les Pyrénées et le Gave de Mauléon. Petit village basque, Tardets compte un peu moins de 600 habitantEs, soit moitié moins qu’il y a 50 ans. Malgré son déclin démographique, le vieillissement de sa population et sa faible densité, la commune assure un rôle de centralité en Haute-Soule.
En 2015, le Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques (CD64) lance FENICS, pour Filière économique nouvelle pour l’innovation dans la construction et le social. Il s’agit d’une démarche expérimentale et participative qui vise à soutenir les communes rurales en déclin démographique, à engager une réflexion sur les enjeux d’habitat de ces communes et à les accompagner dans la réhabilitation d’équipements ou de logements pour faire face à la dévitalisation progressive de leur centre-bourg. Ainsi, entre 2016 et 2019, Tardets-Sorholus est l’une des communes pilotes accompagnées dans le cadre de cette expérimentation. Les diagnostics mettent en lumière les atouts et faiblesses du village et l’habitat s’affirme comme un véritable enjeu pour redynamiser le centre bourg. L’offre de logements existants y est faible, inadaptée aux besoins des ménages et éloignée des bassins d’emploi. Loin de la pression foncière du littoral, l’intérieur du Pays basque n'est pas pour autant épargné par des problématiques en termes d'habitat, bien que celles-ci se posent de manières différentes.
Les éluEs de Tardets ont à cœur de préserver autant que possible les terres non bâties et réinvestir les bâtiments vacants du village avant qu’ils ne se dégradent irrémédiablement. La réhabilitation du bâti existant devient alors pour la commune un axe de travail prioritaire de la revalorisation du centre bourg, un levier pour disposer de locaux pour de l’activité et d’un parc de logements adaptés à la demande et à l’évolution des besoins. S’initie alors une réflexion sur la réversibilité du château Daguerre, propriété communale, et la possibilité d’y créer des logements qualitatifs. Toutefois, les opérations de réhabilitation, à plus forte raison dans un bâtiment ancien patrimonial, sont souvent coûteuses, et la commune, qui manque de moyens humains et économiques, érige la nécessité de produire des logements à coût maîtrisé en impondérable.
Alors comment répondre dans la finesse à ces problématiques d’habitat, au plus près des besoins et des moyens de petites collectivités rurales ? Comment proposer une réhabilitation par une intervention sur-mesure sur l’existant qui permette de produire des logements qualitatifs et surtout abordables ? Comment singularité, économie et bon sens dans les interventions architecturales peuvent permettre de révéler des potentialités inexplorées ?
Plusieurs ingrédients ont permis qu’à Tardets-Sorholus cette équation soit résolue : c’est d’abord l’accompagnement étroit de la commune et le lancement d'une démarche expérimentale et participative par le Département qui a créé un cadre propice. Mais aussi la volonté et le courage politiques de l’équipe municipale de se lancer dans une entreprise de réhabilitation patrimoniale, plus complexe qu’une opération classique de construction neuve de logements. C’est encore, la rencontre de la commune avec les architectes du collectif Encore. Ainsi, l’association des opérateurs et architectes locaux très en amont dans le processus de projet a permis d’imaginer une réhabilitation économe et généreuse du château Daguerre. Et celle, non moins déterminante, avec l’Établissement public foncier local (EPFL) du Pays basque, qui par la mobilisation de montages opérationnels ingénieux, parfois inédits, en association avec le bailleur social Soliha Pays basque, ouvre ainsi le champ des possibles et rend tangible cette volonté de produire un habitat qualitatif et accessible. Enfin, c’est par l’engagement sans faille de chacunEs des partenaires à chaque étape du processus et leur conviction collective que de nouveaux modèles de propriété et d’habiter sont envisageables et souhaitables, que bientôt de nouveaux ménages vont pouvoir vivre la vie de château.
1. Fenics, une démarche expérimentale et partenariale au service des territoires ruraux
Tardets connaît une baisse démographique initiée depuis les années 1960. Pour autant, le village reste dynamique et s'affirme comme une centralité dans la vallée de la Haute-Soule notamment pour les personnes âgées qui viennent y chercher la proximité des commerces et services, plus rares dans les communes alentour. La volonté de la municipalité de les maintenir et de permettre l'installation de nouveaux habitantEs, services et commerces, est un facteur important de ce dynamisme. Si la population diminue, la demande en termes de logements persiste, et se trouve non comblée en raison de l'inadéquation avec l'offre existante. 12 % des logements de la commune sont en effet vacants (8 % à l’échelle départementale).
En 2015, souhaitant enrayer ce phénomène de déclin démographique, confirmer son attractivité à l’échelle du canton et permettre à de nouveaux ménages de venir s’installer au village, la commune de Tardets sollicite le Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques (CD64) qui vient d’initier la démarche « FENICS » afin de répondre à l'enjeu de la dévitalisation et de la déprise démographique des centres-bourgs ruraux du territoire. Pilotée et coordonnée par le CD64, la démarche s'affirme comme « participative et innovante ». Elle sort des processus classiques de projets et de politiques publiques pour répondre le plus finement et singulièrement possible aux problématiques locales : elle développe l’implication des habitantEs et des usagèrEs et fait intervenir « à la carte » différentes structures d'ingénierie du territoire selon les thématiques abordées. Elle mobilise ainsi des structures d'ingénierie départementales telles que l'Agence d'urbanisme Atlantique & Pyrénées (AUDAP), le CAUE 64, l'EPFL du Pays basque, l'Agence d’attractivité et de développement Touristiques Béarn – Pays basque (AADT) ou encore les chambres de commerces et d'industrie du Béarn et du Pays-Basque. Bedous et Tardets-Sorholus sont les communes pilotes accompagnées dans le cadre de ce dispositif expérimental.
Accompagnées par l'AUDAP et le CAUE 64, les marches exploratoires et les ateliers menés à Tardets auprès d’habitantEs, d’artisanEs, de commerçantEs, de responsables d’associations et d’éluEs, ont permis de choisir trois volets thématiques avec des axes de travail et des sites d'intervention :
- le réaménagement des espaces publics de centre-bourg,
- l'aménagement et la mise en valeur des berges du Gave de Mauléon et plus largement de la place de l'eau dans le village dans une réflexion urbaine et paysagère,
- la réhabilitation du bâti existant pour disposer d’un parc de logement adapté à la demande et à l’évolution des besoins pour les habitantEs actuelLEs et futurEs.Cette priorité apparaît d'autant plus pertinente à l'égard de l’adoption récente des mesures « ZAN » pour Zéro Artificialisation Nette, ayant pour objectif de limiter l'artificialisation des terres.
Immédiatement et de manière unanime, le château Daguerre, bien communal vacant et se dégradant, est identifié comme un site à réinvestir. Situé à proximité de la bastide et du fronton de pelote basque, il est aussi l’objet d’un attachement symbolique. Il est cher au cœur des habitantEs qui y ont connu la mairie, s'y sont mariéEs, y ont été à l’école…
Grâce au soutien du Département avec FENICS, une première étude de faisabilité menée par Soliha Pays basque2 est réalisée. Le projet de réhabilitation qui prévoit la réalisation de 14 logements proposé est jugé trop onéreux par la commune en matière d’investissement, se répercutant alors sur les futurs loyers estimés. Le collectif Encore est sollicité par le Département pour produire une seconde étude de faisabilité. Le Département réaffirme la nécessité de proposer une réhabilitation qualitative, avec une enveloppe budgétaire contrainte pour maîtriser les prix de sortie de l'opération3, c’est-à-dire les prix de vente ou de locations des logements. Le collectif Encore arrive à tenir le pari dans son étude de faisabilité, et bien que le projet soit validé par l'équipe municipale, il reste dans les cartons pendant quelque temps.
En 2020, à l'occasion d'une rencontre entre l'EPFL du Pays basque et de la nouvelle équipe municipale de Tardets, le projet ressurgit. L'EPFL fait part de son intérêt pour la réhabilitation et la réappropriation du bâti ancien en centre-bourg. Maïté Pitrau, récemment élue maire de Tardets, saisit l'occasion pour présenter l’étude de faisabilité architecturale réalisée par le collectif Encore. « L'EPFL nous a dit banco tout de suite » se souvient-elle. L'EPFL vient de finaliser le montage de Bizitegia, son Organisme foncier solidaire (OFS) et souhaite, par son intermédiaire et via une dissociation des propriétés du sol et du bâti, développer sur le territoire des opérations d’habitat accessibles pour permettre à des ménages d’accéder à la propriété dans des secteurs où ils n’en ont pas la capacité financière. Le projet de réhabilitation du château Daguerre n'avait justement pas pu se concrétiser car la commune de Tardets n'avait pas réussi à trouver un équilibre financier de sortie soutenable dans le montage envisagé et un opérateur pour porter le projet. C'est alors la mission qui est confiée à l'EPFL : réhabiliter le château et produire des logements accessibles en proposant un montage réaliste qui prend en compte les capacités d’investissement limitées de la commune.
2. Rendre habitable un patrimoine commun par un montage opérationnel inédit
Les Organismes Fonciers Solidaires sont des structures qui déploient un type de contrat immobilier spécifique, le Bail réel solidaire (BRS), qui dissocie la propriété foncière - du sol - de celle du bâti - des murs. Les acquéreurs et acquéreuses de logements pour leur résidence principale, soumis à un plafond de revenus, achètent le bâti, et paient une redevance d’occupation du sol à leur OFS. L’OFS, organisme à but non lucratif, en assure la gestion sur un temps très long, ce qui permet d’abaisser le prix final des logements – de 15 à 30 % - car les ménages n’acquièrent pas le foncier ; et s’inscrit dans une logique anti-spéculative, à l’achat et la revente qui sont encadrés en termes de prix (pas de plus-value) et de type de ménages éligibles (plafond de ressources). Les OFS sont aujourd’hui majoritairement déployés pour permettre la production de logements neufs en accession sociale à la propriété dans des secteurs qui connaissent une forte pression foncière. Bizitegia, l’OFS créé par l’EPFL, choisit, de manière atypique, de travailler pour la réhabilitation des centres-bourgs en milieux ruraux et semi-ruraux.
L’EPFL étudie donc finement, avec les collectivités, les besoins des territoires ruraux pour juger de l’opportunité de recourir à Bizitegia, et au montage en Bail Réel Solidaire pour y produire des logements. Au regard de la mobilisation de la commune et de sa dynamique de projet tant publics (ouverture d’un centre médical, agrandissement du lotissement communal) que privés (reconversion d’un bâtiment industriel en espace de création et de diffusion d’art contemporain par un jeune couple de Tardets) et compte tenu de la demande en logements, le territoire de Tardets réunit au sens de l’EPFL du Pays basque, les conditions pour y développer ce type d’opération. « J’ai appris qu’un centre médical allait être créé à Tardets, donc ils ont la volonté que cette commune revive. Là-dessus, le projet va venir conforter la greffe. C’est une vraie satisfaction », se réjouit Yannick Fieux, chargé de mission au pôle conseil, études et développement de l’EPFL du Pays basque.
Dans les territoires détendus, en particulier dans « l’intérieur » du Pays basque, l'EPFL soutient aussi l'idée que le dynamisme déjà existant est une condition préalable et un support sur lesquels s’appuyer pour développer de nouveaux logements. Il est possible de rendre le territoire attractif par la création d'une offre la plus qualitative possible pour donner envie de s'y installer à celles et ceux qui ne le pensaient pas possible. Ces ménages, jeunes ou plus âgés, qui s’installent seulEs, en couple, en colocation ou en famille et participent aussi à développer l'économie locale.
L'étude de faisabilité d’Encore met en évidence une capacité du bâtiment à accueillir 14 logements. « Vu de Bayonne »4, développer uniquement des logements sociaux alors que la commune perd de la population ne semble pas envisageable. De son côté, l'EPFL pense que 14 logements en accession à la propriété, c'est peut-être un peu trop. « Si on a d'un côté trop de logements à vendre et de l'autre, trop de logements à louer, coupons la poire en deux ». L'EPFL s’attelle à rendre crédible cette équation. C'est un montage opérationnel inédit qui est proposé à la commune de Tardets-Sorholus : mobiliser l’OFS Bizitegia pour acquérir une partie du château Daguerre et y développer des logements abordables via un BRS et, dans la partie qui reste propriété de la commune, créer des logements sociaux. La proposition est acceptée par le conseil municipal qui se réjouit que ce bien communal soit acquis en partie par l'EPFL, réhabilité et transformé en logements et surtout que le montage proposé permette d'assurer définitivement le contrôle public ou parapublic du bien.
L'EPFL du Pays basque a été agréé Organisme foncier solidaire en 2019, sous le nom de Bizitegia. Bizitegia s’est engagé à produire des logements en BRS dont les prix de sortie sont a minima 30 % en dessous des marchés locaux. Aux mensualités d'emprunt dont doivent s'acquitter les propriétaires d'un logement en BRS, s'ajoute une redevance mensuelle - que Bizitegia a volontairement plafonnée pour limiter la spéculation et rester abordable - versée par ces derniers à l'OFS pour la location du terrain.
a) innover par les montages
Thomas Zellner, alors référent du dispositif FENICS au département, explique que le projet de réhabilitation du château Daguerre, et surtout l’expérimentation en matière de montage, ont été permis parce que « le territoire a offert le château à l’expérimentation ».
La commune cède donc à l’OFS Bizitegia une moitié du château au un prix modeste de 100 000 € pour y créer sept logements en accession sociale à la propriété via un bail réel solidaire (BRS). La commune reste propriétaire de la seconde moitié, dédiée à la création de logements locatifs sociaux, et signe avec l’opérateur Soliha un bail à réhabilitation de longue durée. Pendant la durée du bail, Soliha devra s’occuper des travaux de réaménagement mais aussi de la gestion des locations. À l’issue de ce bail de 50 ans - durée d'amortissement des investissements réalisés Soliha -, la commune récupérera dans son patrimoine l’ensemble des logements locatifs. Quant à la partie acquise par l’OFS Bizitegia, ce dernier a conclu avec Soliha un BRS dit « opérateur »5. Là encore, Soliha se chargera des travaux de réaménagement mais aussi de la vente des biens, avant que l’EPFL n’en récupère la gestion à l’issue de la première commercialisation.
La démarche a nécessité l’acculturation de l’opérateur Soliha à ce type de montage relativement nouveau. L’objectif était de s’assurer d’une maîtrise d’ouvrage unique par Soliha sur l’intégralité de l’édifice. Yannick Fieux résume, « nous avions besoin d’un opérateur car il y a deux montages : un en locatif et un en accession à la propriété. Une maîtrise d’œuvre avec le collectif Encore d’Anna Chavepayre au milieu. Autant qu’il n’y ait qu’un seul maître d’ouvrage. L’accession à la propriété est confiée [à Soliha] via un BRS opérateur. Devenant maître d’ouvrage d’un projet en accession, Soliha doit assurer la phase de commercialisation, ce qui constitue un nouveau métier pour la structure ».
Une fois les travaux réalisés et les logements commercialisés, le « BRS opérateur » disparaît au profit des « BRS occupants », signés entre l’OFS Bizitegia et les ménages accédants. L’OFS Bizitegia est destinataire du versement mensuel de la redevance et conserve le contrôle définitif sur la vente de chaque bien, qui se réalise selon des calculs réglementés anti-spéculatifs et à des ménages sous conditions de ressources.
b) Côté Bizitegia, Organisme Foncier Solidaire et Bail Réel Solidaire : Un montage économique destiné à rendre le bien le plus accessible possible
Pour l’OFS Bizitegia, les conditions de financement de l’opération de logement sont guidées par l’objectif de commercialiser les logements a minima 30 % en dessous des prix du marché, et d’assurer des garde-fous anti-spéculatifs. Pour l’atteindre, Bizitegia s’est volontairement fixé des règles dont le plafonnement de la redevance mensuelle qui implique une durée d’amortissement de la charge foncière sur la seule base de cette redevance, sur une longue durée.
Le prix global de revient de la partie accession pour les 7 logements sur près de 650 m² de surface habitable (acquisition, frais de notaire, travaux, honoraires ) s’élève à 1 129 000 euros, dont 100 000 euros d’achat du foncier à la commune, et un peu plus d’un million d’euros de travaux.
Y compris après la phase de diagnostic, de concertation publique et d'élaboration d'un plan d'action menée dans le cadre de FENICS, le soutien du Département à la commune se confirme en phase opérationnelle avec un soutien financier déterminant. Le Département subventionne Bizitegia à hauteur de 20 000€ par logements (en investissement) soit un total de 140 000 euros, qui permettent là encore de faire baisser le coût de revient de l’opération pour l’OFS et donc le prix de commercialisation des logements pour les acquéreurs et acquéreuses. De même, le Département subventionne Soliha, à hauteur de 30 000 € par logement locatif social soit un total de 180 000 euros.
L’OFS Bizitegia constate sur ses différentes opérations qu’en moyenne, les charges foncières, c’est-à-dire l’ensemble des frais engagés dans le cadre de l’acquisition et la transformation du foncier pour le rendre constructible (le prix du bien, les impôts sur la transaction, les honoraires du notaire, les éventuels coûts de libération du terrain (démolition, éviction et relogement), les coûts des travaux de viabilisation,...), représentent 30 % du bilan global/prix de revient des opérations.
En « absorbant » et en faisant sienne cette part, l’OFS peut atteindre son objectif. À Tardets, Bizitegia conserve ainsi à sa charge 339 000 euros soit environ 30 % du coût total de l’opération (intégrant une partie des coûts de travaux et les frais d’acquisition), charge qu’elle amortira sur le temps long grâce à la redevance.
Les bailleurs sociaux ou les coopératives HLM constitués en OFS ont la possibilité de solliciter la Caisse des c'est que parfois ces 30% n’intègre que le coût des travaux, là, ils ont aussi fait entrer les coûts Dépôts pour financer leurs acquisitions foncières et opérations de viabilisation dédiées à la réalisation de logements sociaux ou en accession sociale à la propriété (prêt Gaïa). Pour un EPF, structure qui, par essence, lorsqu'elle achète du foncier ne connaît pas nécessairement la destination du foncier, il lui est impossible de solliciter les mêmes aides qui lui permettraient pourtant, en participant au financement de l'acquisition du foncier, de réduire mécaniquement le montant de la redevance que versent les accédantEs. L’EPFL a donc décidé de définir une durée d’amortissement de la charge foncière conservée en propre avec comme source de recette la redevance d’occupation du sol sur une durée de 60 ans.
Cette redevance mensuelle est acquittée par les occupantEs des logements à l’OFS. Elle correspond au droit d’occupation du terrain et aux frais de gestion du terrain. En cohérence avec la volonté affichée d'être le plus abordable possible, l'EPFL a fixé une redevance maximale de un euro du mètre carré sur toutes ses opérations (1,5 euros par mètre carré en zone tendue). Contrairement à ce qui peut être pratiqué par d'autres EPF(L) en matière de redevance, avec des montants plus élevés mais sur des durées limitées (30 ans en moyenne), l'EPFL fixe une redevance très basse. Les dépenses liées à la charge foncière sont ainsi amorties sur une durée plus longue (60 ans), mais celle-ci est payée « éternellement » par les générations successives d'habitantEs.
In fine, à Tardets, les logements sont commercialisés auprès des acquéreurs et acquéreuses à hauteur de 1 238 €/m², là où les prix du marché se situent plutôt aux alentours de 2 200 €/m² : des conditions d'accession à la propriété rarement rencontrées sur le territoire. Une opération exemplaire et un moyen pour cette petite commune de répondre à une demande non pourvue, de faire revenir des jeunes ménages en centre bourg en leur permettant aussi d’accéder à la propriété et au fond de participer au dynamisme de la commune.
Le prix de sortie très maîtrisé de cette opération ne tient pas qu'à la mise en place du BRS et au soutien fort du Département, il est surtout le résultat de la mobilisation de l'intégralité de la chaîne d'acteurs et d'actrices qui interviennent sur ce projet et placent l'intérêt général au cœur de leur action. À commencer par les architectes du collectif Encore mobiliséEs très en amont dans le cadre de l'étude de faisabilité qui, partant du déjà-là, dessinent un projet qualitatif fondé sur « l'économie architecturale », l'expérimentation et le bon sens.
3. Une architecture vernaculaire et économe au service de l’habitabilité du territoire
a) Sortir du cadre pour proposer un projet superbe, généreux et accessible
En 2019, la première étude de faisabilité pour la réhabilitation du château Daguerre et la création de logements est menée par Soliha Pays basque. Le Département, qui finance l’étude, impose un budget restreint pour la réhabilitation. Travaillant de manière classique sur plans, à distance, Soliha rend une étude de faisabilité proposant une remise à neuf quasi complète dans une sorte d’abstraction de l’existant. Une proposition qui reviendrait à effacer l'âme du château Daguerre, à démolir pour y « faire entrer du neuf » et à reproduire des aménagements désormais standards probablement déjà utilisés dans d'autres projets, économie sur les matériaux, …
Par habitude, pour compenser des difficultés de financement, permettre la réalisation d’une opération dans une enveloppe budgétaire contrainte, entrer dans les normes du logement social permettant d’obtenir les agréments et subventions ou pour répondre à des cahiers des charges stricts, les bailleurs sociaux ont tendance à optimiser les interventions architecturales pour minimiser le prix de revient des logements sociaux. Économies maximales dans les dépenses et interventions standardisées jouent alors souvent au détriment de la qualité des logements. Lorsque, comme à Tardets, les logements sont pensés dans un bâtiment existant, les difficultés sont exacerbées.
Anna Chavepayre, architecte au sein du collectif Encore, dénonce la standardisation et la rentabilisation du logement social :
Elle pointe la difficulté des bailleurs sociaux à réhabiliter des bâtiments anciens car, à la fois dépendants des financements et des surfaces existantes, ils en viennent à réaliser des constructions hors sol, recréant du neuf dans de l’ancien.
Cela signifie aussi pour Encore, intervenir le moins possible, « faire d'une pierre, trois ou quatre coups » comme le répète l'agence et réfléchir à l'utilité de chaque acte, éviter le superflu qui n'apporte rien de plus, ne pas faire juste pour faire.
L'architecte fait ainsi preuve de souplesse ce qui lui permet aussi de s’adapter aux imprévus. Après la découverte tardive d’une fresque de Menchu Gal à forte valeur patrimoniale, recouverte de plâtre dans ce qui devait être un futur appartement, l’architecte, à la demande de la Ville, reprend le projet pour la mettre en valeur en la rendant accessible à l’ensemble des propriétaires et des locataires au sein d’un espace pensé initialement comme privatif et désormais commun. Une œuvre commune bien connue des AncienNEs du village dans un lieu de mémoire d’autant plus symbolique que l’espace Menchu Gal était la salle de réception de la mairie, la salle des mariages et de l’école, par laquelle beaucoup d’enfants de la commune, aujourd’hui adultes, sont passéEs. Ainsi, les 100 000 euros versés par Bizitegia à la ville pour l’acquisition d’une partie du château, ont été réinvestis pour la réhabilitation de la salle Menchu Gal. Anna Chavepayre conclue : « C’est la meilleure galère qui pouvait nous arriver ». Bien que cette contrainte ait nécessité de reprendre les plans du rez-de chaussée, elle s’en sert pour nourrir le projet, et ne perd pas de vue ses deux principaux objectifs : ne jamais rogner sur la qualité des logements et impacter dans une moindre mesure le budget.
C'est avec cette philosophie et cette approche pragmatique que le collectif Encore a réalisé la seconde étude de faisabilité pour la réhabilitation du château.
b) Mettre le corps et les sens à profit, faire mieux avec moins : l’approche pragmatique et sensible du collectif Encore
L’approche d’Anna Chavepayre repose sur une méthode en apparence simple : comprendre le déjà-là, le vivre de manière sensible et révéler ses qualités pour redonner envie d’occuper un bâtiment. Comme un mantra, le collectif répète que « changer une chose, peut tout changer », que d’une pierre peuvent faire deux, trois ou quatre coups. Rendue possible par une intervention toujours très en amont du projet, sa démarche pointe la nécessité de sortir des cadres standardisés pour faire évoluer l’approche normée et uniformisante du logement et en particulier du logement social. Des réglementations (accessibilité, sécurité incendie, thermique et acoustique) perçues comme des contraintes ou des limites, le collectif choisit d’en faire des espaces de liberté et de créativité. « Il faut prendre le temps de l’observation » précise-t-elle. Chacune de ses interventions commence par une visite des lieux, une appréhension de l’espace par le corps, indispensable et préalable à tout projet : « Tout ce qui bouge, le soleil, le vent, la lumière, n’est pas sur le plan. Il faut faire une véritable analyse de la situation avec son corps pour comprendre le paysage qui fait partie du bâtiment et qui lui amène toute sa qualité. Si tu ne viens pas sur place, tu rates tout. ».
Le diagnostic du château met en évidence et en valeur l’existant. Des photos du château sont prises avec « amour », valorisant les vues, les parquets, les moulures, … Les éluEs et technicienNEs sont séduitEs. L'architecte et la maire racontent même en plaisantant que lorsque le projet à été présenté l'équipe municipale s'est montrée tellement enthousiaste qu'elle a souhaité immédiatement acquérir ce bien … dont elle était déjà propriétaire ! C'est aussi le bâtiment et sa structuration existantes qui « commande » la programmation du site. Par l'écoute attentive, on imagine, en intervenant le moins possible, sans tout démolir, un T1 ici, un T3 là. Et à chaque étage, puisqu'ils sont différents, l'agencement varie.
À Tardets, le travail de pair avec un pompier mobilisé dès l’étude de faisabilité a permis de questionner les problématiques d’accessibilité et de sécurité incendie, typiques des bâtiments anciens – les réglementations qui s’appliquent actuellement étant bien postérieures à leur construction, leur réhabilitation ouvre le champ de leur « mises au normes ». « Le pompier n’est pas constamment sur son ordinateur. Il connaît les bâtiments, il connaît le corps, il sait réellement pourquoi les règles existent. Ensemble, avec lui, nous avons transformé le bâtiment ». Des obligations réglementaires, coûteuses et n'apportant pas forcément un supplément de qualité au projet, ont pu être lues et appliquées avec discernement et habileté. Inscrit dans la pente, le château Daguerre comporte quatre niveaux (R+3) : un rez-de-jardin, un rez-de-chaussée et deux niveaux supplémentaires. Selon le code de la construction et de l’habitation, la mise aux normes du château doit comprendre l’installation d’un ascenseur, obligatoire dans les parties de bâtiments d'habitation collectifs neufs comportant plus de deux étages. Prévue dans le cadre de la première étude de faisabilité, grevant une partie du budget de la réhabilitation, Encore propose une alternative ingénieuse. Par une intervention minime reposant sur une redéfinition des accès, les architectes transforment ce bâtiment de trois étages en le scindant en deux parties aux accès indépendants : le rez-de-jardin, totalement indépendant du reste, et le reste du bâtiment comprenant le rez-de-chaussée et les deux étages.. En redéfinissant les accès et le nombre de niveaux du bâtiment, la création d’une nouvelle entrée en rez-de-jardin permet de supprimer l’un des escaliers intérieurs, de ne pas encloisonner l’escalier restant et, surtout, de s’affranchir de l’installation obligatoire d’un ascenseur qui figurait dans la première étude de faisabilité. Ce sont autant d’économies réalisées sur l’achat et sur la gestion d’un tel appareil, un gain de surface habitable et une plus grande liberté dans l’organisation spatiale.
D’apparence légère, cette redéfinition des accès génère de nombreux bénéfices – des économies en matière de travaux et de gestion et in fine, un gain d’espace et de qualité.
C'est donc par l'écoute attentive des lieux, avec une compréhension des règlements et leur lecture ingénieuse, en réinvestissant les économies ainsi réalisées au bon endroit qu'un projet qualitatif peut voir le jour. L’approche pragmatique et économe du collectif Encore a permis, dans la seconde étude de faisabilité, de dégager 400 mètres carrés habitables supplémentaires pour le même budget de travaux, en conservant les éléments architecturaux qualitatifs du château, en leur redonnant une valeur perdue ; ou en réemployant et revalorisant des éléments en place (portes, vasques, …). L'interconnaissance et le dialogue régulier avec les professionnelLEs et partenaires mobiliséEs sur le projet, permis par une présence quasi quotidienne et une bonne connaissance du territoire constituent aussi des facteurs de réussite du projet.
c) Une forme de permanence territoriale : tisser des liens et faire filière
À force de rencontres et de travail commun, Anna Chavepayre, habitante du territoire, opère une forme de permanence territoriale qui rassemble et mobilise une constellation d’acteurs (pompiers, bureaux de contrôle, Architecte des Bâtiments de France (ABF), ...). Par sa présence régulière, elle tisse un réseau professionnel d'acteurs et d'actrices localement mobiliséEs sur ce projet et d'autres, des liens de long terme qui permettent de construire et partager une approche et une philosophie commune et de faciliter les interventions.
Concernant les normes thermiques, là encore, les impératifs en matière d’efficacité thermique des bâtiments entrent en contradiction avec les réglementations patrimoniales qui voudraient que l’ensemble des façades soit isolé par l’intérieur. La consultation de l’ABF est en effet requise, liée à la présence d’un monument aux morts inscrit au titre des monuments historiques à proximité du château. Un travail étroit, cette fois avec Jean-Jacques Etcheberry, artisan maçon, et avec l’Architecte des bâtiments (ABF) de France, a permis d’apporter une réponse aux problématiques thermiques et acoustiques dans un contexte patrimonial. Pour conserver l’inertie thermique des murs de pierre existants, qu’une isolation intérieure viendrait altérer voire supprimer, ils et elle optent pour une isolation extérieure en béton de chanvre sur trois façades, plus chère mais favorisant un confort thermique estival et hivernal satisfaisant, tandis que la façade principale, au regard de son exposition notamment à la pluie, sera isolée par l’intérieur. La proposition d’intervenir de cette manière sur les façades extérieures aurait pu être une difficulté d’un point de vue esthétique au regard de la qualité patrimoniale de l’édifice et du périmètre de visibilité d’un monument historique dans lequel il s’inscrit. Yannick Fieux se souvient : « C’est vraiment une histoire de rencontres. À Tardets, ça a commencé par un Architecte des Bâtiments de France qui connaissait bien le travail et les méthodes d’Anna et qui lui a ensuite facilité le projet du château Daguerre ». Le béton de chanvre, un matériau peu courant, rarement autorisé sur les façades extérieures, permet pourtant la réalisation d’un bâtiment passif sur le plan thermique. S'il était au départ un peu réticent, l’ABF a donné un avis positif à l’isolation extérieure en béton de chanvre, au vue de l’attention portée par le maîtrise d’œuvre aux qualités originelles du château et à la volonté de maximiser les normes de confort. Le béton de chanvre remplacera donc l’enduit de ciment actuel qui cachait l’humidité et empêchait le mur de respirer. Encore une fois, Anna Chavepayre convainc pour « mettre l’argent au bon endroit », dans l’emploi d’un matériau écologique, entretenant une filière locale et garantissant le confort des futurEs usagerEs.
Cette inscription forte sur le territoire, le travail systématique avec les artisanEs locaux, contribue parallèlement à la construction d'un réseau de professionnelLEs, au développement de filières locales, à une nouvelle économie au service des territoires, de leurs ressources. Les savoir-faire vernaculaires sont valorisés, les artisanEs et leurs partenaires participent au développement des compétences au niveau local – ainsi à Oloron-Sainte-Marie, le projet de réhabilitation d’une friche devient le prétexte et prémisse de la création d’une école de la construction locale et vernaculaire.
Le Département constitue là encore un véritable moteur. Depuis 2015, il développe une stratégie territoriale d'éco-réhabilitation, partant du constat que la ressource locale disponible (pierre, bois, …) est peu exploitée car la filière est peu structurée. D'où la pratique de recourir à des ressources venant de (plus) loin générant une perte progressive de savoir-faire des artisanEs locaux, peu de retombées économiques locales et des émissions polluantes évitables. Pour relancer l'exploitation des ressources locales, structurer une filière d'éco-rénovation et de formations, le Département a annoncé courant 2023 le lancement de six « chantiers expérimentaux » et démonstrateurs en Béarn et Pays basque. La réhabilitation du château Daguerre est l'un d'entre eux. L'objectif est de s'appuyer sur des chantiers de réhabilitation de bâtiments publics comme socles de cette expérimentation pour fédérer les acteurs et actrices, animer des chantiers-écoles avec l'envie d'essaimer ces pratiques sur l'ensemble du territoire.
« L’économie, c’est la base de la générosité »
Le projet de réhabilitation du château Daguerre, initié dans le cadre de la démarche Fenics portée par le Département, véritable cheville ouvrière du projet, puis rendu possible par l'engagement politique fort des maires de Tardets-Sorholus et leurs services, a ainsi permis de participer à la constitution d’une filière de réhabilitation du patrimoine local et de développement social territorial en cours de constitution. Cette expérimentation constitue un premier projet « démonstrateur » pour le Département et pour la commune, dont l’habileté des montages et l’approche architecturale renouvelée lui apportent l’assurance d’une maîtrise publique et la réalisation de logements qualitatifs pour de nouveaux et nouvelles habitantEs.
Mobiliser un opérateur en territoire avec une faible pression foncière pour produire du logement social n’est pas chose aisée. Au Pays basque, comme dans d’autres territoires ruraux ou peu denses, les opérateurs du logement social s’y investissent peu. L'opération de Tardets démontre que requalifier du patrimoine vacant de manière fine et qualitative pour y développer des logements abordables, peut à la fois tenir dans un équilibre financier raisonnable et recréer de l'attractivité sur un territoire.
Grâce au travail sur-mesure réalisé, sur les montages immobiliers par la commune, l’EPFL et Soliha ; et par le collectif Encore sur la réversibilité de ce patrimoine, la réhabilitation du château Daguerre est une opération dont l’exemplarité architecturale soulignée par Yannick Fieux fait appel à une « intelligence de projet qui permet de sortir des coûts de réhabilitation environ 40% à 50% inférieurs à ce qui se fait ailleurs ». Yannick Fieux conclut : « Anna a réussi à faire le projet parce qu’elle l’a sorti des normes. Si nous arrivons à suivre son objectif qui est de 1 350 euros le mètre carré, nous devrions vendre ces logements autour de 1 200 euros le mètre carré, ce qui n’existe plus sur un projet hyper qualitatif ». Permise par une écoute attentive du bâtiment, son approche renouvelle la production du logement, notamment social, dont elle requestionne les normes mais toujours au service du projet et de son économie. « L’économie, c’est la base de la générosité » résume-t-elle.
1. Une zone d’aménagement différé (ZAD) est un secteur à l’intérieur duquel s’applique un droit de préemption permettant à une collectivité d’acquérir prioritairement les biens immobiliers en cours d’aliénation (source CEREMA). Créée pour une période de 6 ans renouvelable, elle gèle les valeurs foncières à la date de création de la ZAD et permet ainsi de créer des réserves foncières et de limiter la spéculation que peut déclencher l’annonce d’un projet d’aménagement.
2. Actrice de l’économie sociale et solidaire, l’association Soliha (pour Solidaires pour l’habitat) fédère un réseau d’associations présentes sur le territoire national au service de l’habitat, dont fait partie Soliha Pays basque. Elle œuvre en faveur de l’accès et le maintien dans l’habitat des personnes défavorisées, fragiles et vulnérables intervient en faveur des personnes défavorisées, fragiles ou vulnérables sur deux axes : le maintien et l’accès dans le logement. Les associations membres du réseau Soliha sont agréées pour la maîtrise d’ouvrage (en ingénierie via la réalisation d’études et opérationnel par la production de logements très sociaux), l’ingénierie sociale, financière et technique ainsi que l’intermédiation locative et la gestion locative sociale.
3. Le prix de sortie d’une opération dépend de la somme des investissements réalisés par le maître d’ouvrage (acquisition du bien, frais de notaire, travaux, …) pour mener à bien l’opération aussi appelé coût de revient. Les montants de loyer et les prix de vente sont fixés au regard de ces investissements que le maître d’ouvrage va « amortir » sur une temps plus ou moins long. Plus les investissements sont importants, plus le coût de sortie l’est également.
4. L’expression, employée par l’EPFL, désigne les services de l’État, instructeurs des demandes d’agrément pour le logement social.
5. Selon l’article L. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation, on appelle « BRS Opérateur » le cas dans lequel un OFS consent un BRS à un opérateur intermédiaire qui prend l’engagement, le cas échéant, de construire ou de réhabiliter des logements, et de vendre les droits réels immobiliers attachés à ces logements à des bénéficiaires répondant à des conditions de ressources. Une fois les droits réels cédés par l’opérateur au bénéficiaire, ce dernier devient preneur à bail directement lié à l’OFS. Pour plus de détails se référer à Cheuvreux Paris, La nouvelle mécanique du schéma du BRS Opérateur, février 2022.