Les Beaumonts
La programmation ouverte d’un équipement municipal au cœur d’une ZAC
Commanditaire : Ville de Tours
Maîtrise d’ouvrage : En 2012, la Ville de Tours concède à la Société d’Équipement de Touraine (SET) l’aménagement de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) des Casernes Beaumont-Chauveau pour quinze ans (durée prolongée par avenant jusqu’en 2030).
Permanence : Elle est assurée au sein de la SET par Léa Finot, cheffe de projet urbanisme culturel et collaboratif, qui anime et accompagne la préfiguration du tiers-lieu Les Beaumonts et des espaces publics aux abords, au cœur de la ZAC.
Budget consacré par la SET pour le développement du tiers-lieu et des abords extérieurs au sein de la ZAC :
- 500 000 euros pour l’animation culturelle du lieu sur 7 ans (2021-2027)
- 1 million d’euros a été consacré à la réhabilitation du lieu, anciennes halles militaires, (1 500 m²) et aux aménagements extérieurs temporaires (périmètre d’activation du tiers-lieu d’environ 4 500 m²)
Acteurs et actrices de l’aménagement du quartier :
- Groupement d’urbanistes-architectes en chef – désignés en 2022 : équipe Devillers & Associés architecture (D&A), conception urbaine, architecturale et paysagère (mandataire) – Safège-Suez-biodiversité, Voirie et Réseau Divers (VRD) et économie de l’aménagement – Bellastock, urbanisme transitoire et réemploi – Adéquation, programmation urbaine et commerciale – Repérage urbain, sociologie et concertation
- Maîtrise d’œuvre urbaine (espaces publics) : Agence Idup, urbanistes (mandataire) – Phytolab, paysagistes – Artelia, bureau d’études Voirie et Réseau Divers (VRD)
- Maîtrise d’œuvre intervenant sur le tiers-lieu : Chevalier+Guillemot, architectes pour la réhabilitation des halles militaires (2021-2022) – Collectif Zeppelin, paysagistes pour les aménagements temporaires extérieurs en Saison 1 (2022) – 180° Architectes – le Sens de la Vis et les Compagnons Bâtisseurs pour les aménagements intérieurs évolutifs en Saison 2 (2023)
845 : premières mentions d’une occupation humaine du site
Début du XIe siècle : l’abbaye de Beaumont, accueillant des moniales suivant la règle de Saint-Benoît, s’y implante. Ce sera pendant plusieurs siècles la plus grande abbaye bénédictine de Touraine et l’une des plus prospères de France.
1796-1810 : l’abbaye est vendue comme bien national et démolie pierre par pierre suite à la Révolution française
1866 : acquisition du site par l’hôpital Bretonneau pour que les malades y mettent en culture un potager destiné à leur subsistance. Une partie du site accueillera des hôpitaux de campagne lors des crises épidémiques qui surviennent à Tours dans la seconde moitié du XIXème siècle
1875 : le terrain est acheté par l’État pour y établir la caserne Chauveau
1913 : construction de la caserne Beaumont
1978 : le musée du train y est aménagé, ainsi que divers bureaux de l’École de la logistique et du train
2009 : le musée du train et les écoles de la logistique et du train déménagent à Bourges
11 juillet 2011 : création de la ZAC des Casernes Beaumont-Chauveau
2016 : acquisition des terrains par la SET
2017 : démarrage du diagnostic archéologique qui confirme la présence de vestiges liés à l’abbaye médiévale. Des fouilles archéologiques conséquentes seront prescrites par la suite.
2018-2019 : la Ville de Tours lance un appel à projets innovants qui cible notamment le pavillon de Condé et l’îlot 1 de la Caserne Chauveau
2019 : démarrage des premières démolitions des bâtiments des deux casernes. Seuls le logis de l’abbesse dit « pavillon Condé » (1786), inscrit au titre des monuments historiques, et deux écuries sont conservés.
2020 : élections municipales : une nouvelle équipe remporte les élections. Elle retravaille le projet de la ZAC, en concertation avec les habitantEs, et décide notamment de la création d’un tiers-lieu citoyen.
2021-2022 : réhabilitation d’anciennes écuries destinées à accueillir un tiers-lieu citoyen au cœur de la ZAC
Printemps 2021 : recrutement de Léa Finot au sein de la SET en tant que cheffe de projet « urbanisme culturel et collaboratif » pour accompagner l’émergence d’un tiers-lieu dans les anciennes écuries. Elle propose une permanence sur le site pour y tester les usages possibles.
Mars-octobre 2022 : le tiers-lieu en chantier « Les Beaumonts » ouvre pour une première saison. La permanence sur site débute alors.
Fin 2022 : démarrage des travaux d’un premier projet immobilier
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- Un projet urbain (re)pensé avec ses futurEs habitantEs et usagerEs
- Imaginer ensemble un tiers-lieu citoyen au cœur d’une ZAC
- La programmation ouverte d’un équipement municipal au cœur d’une ZAC
- Un aménageur qui intègre la permanence et la programmation ouverte dans ses manières de faire
- Acculturer en interne et convaincre les partenaires : mobiliser la jurisprudence et faire compagnonnage
Un tiers-lieu en chantier
Rédaction : L’École du terrain, juillet 2023
Entretiens avec Léa Finot et Sarah Vanier, Société d’Équipement de Touraine (SET)
Semblable à la source de chaleur qui révèle des caractères invisibles tracés à l’encre sympathique, la seconde campagne de fouilles archéologiques1 sur le site des Casernes Beaumont-Chauveau a débuté il y a quelques mois. Elle dévoile les traces de l’abbaye bénédictine2 de Beaumont qui a accueilli à partir du début du XIème siècle la plus grande communauté religieuse féminine établie en Touraine aux époques médiévale et moderne, avant d’être vendue comme bien national et progressivement démantelée après la Révolution. C’est ensuite l’hôpital Bretonneau qui en fait l’acquisition en 1866 pour permettre aux malades aliénés de cultiver un potager nourricier avant d’y accueillir des hôpitaux de campagne lors des crises épidémiques de la seconde moitié du XIXème siècle. Enfin en 1913, le terrain est acheté par l’État pour y établir des casernes militaires - Beaumont et Chauveau - occupées par différentes unités de 1913 à 2009, date à laquelle le musée du train et les écoles militaires qui s’y étaient établis en 1978 déménagent le laissant alors vide de toute occupation. La Ville de Tours décide alors de la création d’un écoquartier en 2011 et crée une Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) dite « ZAC Casernes Beaumont-Chauveau », dont elle concède l’aménagement à la Société d’Équipement de Touraine (SET)3 pour quinze ans.
Si les connaissances des occupations antérieures à l’installation de l’abbaye sont lacunaires, le site est doté d’une histoire riche et composite, matérielle et immatérielle, dont il s’agit de valoriser et de conserver les traces. À commencer par son nom qui a traversé les siècles, le lieu dit « Belmons » devenu progressivement Beaumonts renvoie à la topographie du site : un petit promontoire insubmersible situé dans la plaine alluviale entre la Loire et le Cher, mettant à l’abri des inondations ses habitantES. Et puis, presque comme une filiation naturelle, la Ville de Tours et la SET - l’aménageur concessionnaire de la ZAC -, ont souhaité ériger l’hospitalité, valeur chère à la règle de saint Benoît suivie par les moniales qui ont occupé pendant près de sept siècles le site des Beaumonts, en valeur centrale du tiers-lieu des Casernes. La municipalité souhaite ainsi faciliter l’émergence d’un lieu accueillant, hospitalier, un espace de partage, de rencontres, d’animation et de services de proximité ; une « première pierre » au sein d’un projet urbain de près de 10 hectares, qui accueillera logements, équipements, activités commerciales et universitaires, en plein cœur de Tours, et dont les travaux ont tout juste démarré. Il ne reste désormais pas grand chose suite aux démolitions des bâtiments des casernes initiées en 2019 : seuls le logis de l’abbesse dit « pavillon Condé » (1786), inscrit au titre des monuments historiques, et une écurie de la période militaire ont été conservés.
Une première pierre donc, un peu inédite dans un grand projet urbain ainsi que l’explique Emmanuel Denis, maire de Tours, « d’ordinaire on construit l’immobilier et on pense après aux lieux de vie du quartier, là nous faisons le pari d’inverser les choses et d’ouvrir un lieu pour des habitants qui ne vivent pas encore là ». Autre singularité de ce projet, la programmation ouverte dans laquelle le tiers-lieu s’inscrit et la mise en place d’une permanence au sein de la SET, aménageur de la ZAC, traduisent la volonté forte de la Ville et de l’aménageur de laisser libre champ à l’expérimentation sur cet équipement de quartier. Ainsi, depuis mars 2022, le tiers-lieu « Les Beaumonts », installé dans une des anciennes écuries militaires - des halles réhabilitées totalisant 1 500 m² -, a ouvert ses portes aux habitantEs, associations, porteurs et porteuses de projet libres d’y tester une activité, d’y expérimenter des usages, de s’y retrouver pour des moments festifs et conviviaux et ainsi, au fond, nourrir la programmation de l’équipement. L’occasion de produire collectivement, peut-être, de nouvelles manières de (re)construire la ville et d’infuser des pratiques nouvelles chez les professionnelLEs de la ville.
Qu’est ce que la programmation ouverte d’un équipement au cœur d’une ZAC dont les travaux démarrent à peine ? En l’affirmant comme parti pris opérationnel dès le départ à partir d’un lot bien identifié, la programmation ouverte offre-t-elle une marge de manœuvre, une ouverture vers une définition progressive et incrémentale de grands projets urbains ? Que signifie être permanentE au sein d’un aménageur ? Comment cette programmation ouverte se met-elle en œuvre et s’articule-t-elle en interne entre la permanence de terrain et les équipes opérationnelles chargées du pilotage et du suivi de la ZAC ?
![casernes beaumont février 2023 © ville de tours f. lafiteweb](https://lecoleduterrain.fr/wp-content/uploads/2023/07/casernes-beaumont-fevrier-2023-copy-ville-de-tours-f.-lafiteweb-1024x682.jpg)
Un projet urbain (re)pensé avec ses futurEs habitantEs et usagerEs
En 2020, la nouvelle équipe municipale affirme sa volonté de réinterroger les projets urbains en cours sur le territoire au prisme de ses ambitions écologiques et sociales - inscrites dans son Référentiel pour un Urbanisme écologique et solidaire - et de son souhait d’associer plus largement les habitantEs dans la fabrique des projets urbains. La municipalité promeut d’ailleurs un principe de démocratie permanente, plutôt que de démocratie participative. La crise sanitaire a accentué aussi le désir de développer « la ville des courts chemins »4, une ville à taille humaine où proximité, aménités, espaces verts apaisés et convivialité trouvent tout leur sens.
Sur la ZAC des Casernes, un des derniers espaces mutables en plein cœur de la cité tourangelle, cette ambition se traduit, en 2021, par le lancement par la SET d’un dialogue compétitif5 pour désigner les nouveaux ou nouvelles architectes-urbanistes en chef de la ZAC - le contrat en cours depuis 2011 étant arrivé à son terme fin 2020. L’occasion également de revoir le projet urbain à l’aune de ces ambitions et d’y associer les habitantEs, les usagerEs, les associations ou encore les établissements scolaires. Un comité de dialogue composé de 27 membres dont 20 issuEs de la société civile et sept éluEs et technicienNEs de la Ville et de la SET, a été constitué. Il s’est réuni à plusieurs reprises autour du projet d’aménagement de la ZAC des Casernes, de ses orientations et du choix des trois équipes candidates. À l’issue de ce processus de travail collectif, le plan guide a été retravaillé et la nouvelle équipe d’architectes-urbanistes en chef de la ZAC désignée à l’automne 2022.
![portes ouvertes les beaumonts avril 2022 © ville de tours f. lafiteweb](https://lecoleduterrain.fr/wp-content/uploads/2023/07/portes-ouvertes-les-beaumonts-avril-2022-copy-ville-de-tours-f.-lafiteweb-1024x683.jpg)
À terme, le quartier comportera au total près de 800 logements, un groupe scolaire, un gymnase, le Centre Chorégraphique National de Tours (à l'étude), des commerces, activités et services en rez-de-chaussée, des espaces publics, des espaces verts, un pôle universitaire (déjà existant) et sera desservi par le tramway prolongé qui le traversera et le reliera aux quartiers voisins.
Consciente du temps long de l’aménagement urbain et souhaitant faciliter la couture de ce quartier en devenir avec les quartiers voisins, la Ville de Tours souhaite d’ores et déjà permettre aux habitantEs et usagerEs, actuelLEs et à venir, de s’approprier et de faire vivre les casernes. Une manière aussi de rendre le lieu vivant dès le démarrage du chantier et d’apaiser les nuisances potentielles des travaux. Le projet évolue donc aussi à cet endroit : l’équipe municipale, en concertation avec les habitantEs, décide notamment la création d’un tiers-lieu citoyen dont elle confie la préfiguration à la SET. L’idée d’un tiers-lieu sur le site avait déjà émergé quelques années plus tôt lorsque la Ville avait lancé en 2018 un appel à projets innovants6 sur plusieurs sites tourangeaux dont le pavillon de Condé et la Caserne Chauveau.
« Notre démarche peut paraître surprenante : d’habitude, on fait un programme d’aménagement avec des logements, des commerces, des équipements, et à la fin, on voit ce qu’on peut faire d’un lieu collectif. Ici, nous expérimentons le prisme inverse : nous commençons par créer un lieu central, un lieu de citoyenneté. On ne sait pas encore vers quoi on se dirige. On part sans aucun a priori, si ce n’est d’en faire un lieu ouvert ».
Stéphane Houques, conseiller municipal délégué à la coordination du projet, copilote du projet tiers-lieu
Une couture non seulement spatiale, entre un tissu urbain existant et ce nouvel éco-quartier, mais aussi sociale. Pour Cathy Savourey, maire adjointe déléguée à l’urbanisme, « ce tiers-lieu représente un chaînon manquant qui va permettre aux habitants des différents quartiers alentour (Maryse Bastié, Rabelais, Prébendes) de se rencontrer et de “faire ensemble” ». C’est l’ouverture de ce nouvel équipement de quartier, avant même la sortie de terre des premières opérations, qui va permettre aux habitantEs futurEs de la ZAC et aux voisinEs de participer à sa définition en le pratiquant, de l’apprivoiser et même d’impulser une dynamique au cœur de ce futur lieu de vie. Le signe aussi d’une équipe municipale prête à expérimenter avec les usagerEs, à tester et à tirer les enseignements pour nourrir une autre fabrique de la Ville, plus partagée, incrémentale et quotidienne.
Imaginer ensemble un tiers-lieu citoyen au cœur d’une ZAC
En 2021, l’arrivée en poste de Léa Finot, cheffe de projet urbanisme culturel et collaboratif à la SET, également chargée d’une mission d’accompagnement à la co-construction du tiers-lieu des Casernes, permet d’impulser la dynamique. Formée à la direction de projets culturels à Science Po Grenoble, elle a une expérience professionnelle variée au sein de collectivités territoriales, d’une coopérative culturelle et d’une agence d’ingénierie territoriale. Côté Ville, le projet est co-piloté et suivi par trois éluEs dont la nouvelle adjointe aux tiers-lieux et au quartier Tours Ouest et les directions des grands projets urbains, de la cohésion sociale et des affaires culturelles. Un comité de pilotage est mis en place et une phase de diagnostic est lancée pour identifier les besoins et l’écosystème local mobilisable, juger de l’opportunité de développer un tiers-lieu et en définir les contours. Plutôt que de mobiliser une expertise extérieure, une Assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), c’est Léa Finot, en interne à la SET, qui la conduit : elle mène des entretiens variés (éluES, associations, porteurs et porteuses de projet,…), et se déplace sur d’autres territoires dans une logique d’entraide, tandis que des ateliers de travail collectifs se succèdent.
![portes ouvertes les beaumonts avril 2023 © ovah (1)web](https://lecoleduterrain.fr/wp-content/uploads/2023/07/portes-ouvertes-les-beaumonts-avril-2023-copy-ovah-1web-1024x683.jpg)
S’il existe déjà des tiers-lieux à Tours, la phase de diagnostic met en évidence le besoin d’un lieu différent : moins spécialisé, plus « permissif », de rencontres, appropriable par tout type d’usagerEs, adaptable selon les activités variées qui s’y développeraient et qui participeraient à sa définition, autrement dit un lieu ouvert à l’expérimentation qui ferait la part belle à l’imprévu, un lieu inscrit dans le principe de programmation ouverte.
« Il ne s’agit pas d’un nouvel équipement public, ni d’une salle de diffusion, ni même d’une maison des associations. C’est un territoire d’expérimentation citoyenne qui deviendra ce que nous en ferons collectivement »
Stéphane Houques, conseiller municipal délégué à la coordination du projet, copilote du projet tiers-lieu
La Ville ne souhaite pas lancer un appel à projet pour ouvrir ce tiers-lieu. Léa Finot propose alors à la Ville d’y installer une permanence qu’elle tiendrait et qui permettrait la préfiguration en actes de ce futur équipement de quartier. Pour « montrer » ce qui se fait ailleurs, elle a organisé pour une délégation d’éluEs et de technicienNEs de la Ville une visite au Wip (Colombelles), à l’Hôtel Pasteur (Rennes), mais aussi des ateliers et des rencontres autant pour acculturer les professionnelLEs que pour consolider sa proposition de développer une permanence sur ce projet. Soutenue par la SET, cette proposition est ensuite validée par la Ville. Pratique inédite pour ces acteurs et actrices, une première phase de test de sept mois, pour « y aller doucement » et voir si les choses prennent, démarre au printemps 2022.
« Mon rôle est de faciliter, d’accueillir les initiatives et de mettre en contact les gens. C’est un peu de la programmation ouverte. On ne s’est pas dit : on a ce bâtiment, ce serait super de faire une bibliothèque, un espace de coworking et un café, mais de se dire, on va tester, voir ce que les gens ont envie de faire. Ce qui prend, ce qui ne prend pas et ce qui se met en place comme gouvernance. Ce ne sera pas un équipement public traditionnel mais un modèle de co-construction. On se laisse cette latitude-là de se dire, qui va gérer demain ? »7
Léa Finot, cheffe de projet urbanisme culturel et collaboratif à la SET
Lorsque l’aménagement de la ZAC des Casernes a été concédée à la SET en 2012, il n’était nullement question de tiers-lieu dans la programmation. Dans un premier temps, un budget d’investissement est donc dégagé (un million d'euros hors taxes) inclus dans la concession pour la réhabilitation d’une ancienne écurie (cinq halles d’environ 1 500 m²) auparavant investie par l’Armée comme centre de formation, identifiée en 2021 pour accueillir le tiers-lieu. Cette réhabilitation - plutôt que la démolition initialement prévue - et les nouvelles orientations du projet urbain ont nécessité de revoir l’ensemble du projet de la ZAC, de retrouver ailleurs de la constructibilité pour équilibrer le bilan financier de la ZAC.
Une première réhabilitation du site est menée par la SET dans le cadre de la concession (clos couvert, mise hors d’eau hors d’air, mise en accessibilité ERP). C’est un bâtiment brut et, la programmation initiale étant minimale, les aménagements intérieurs mais aussi les 6 000 m² d’espaces extérieurs restent à définir puisqu’il s’agit, par l’usage, de les mettre à l’épreuve.
![casernes beaumont février 2022 © ville de tours f. lafiteweb](https://lecoleduterrain.fr/wp-content/uploads/2023/07/casernes-beaumont-fevrier-2022-copy-ville-de-tours-f.-lafiteweb-1024x683.jpg)
« On peut prendre le temps d’expérimenter car le quartier n’est pas construit, c’est encore un no man’s land. On met les briques une par une. Le travail de co-construction que nous avons engagé peut prendre plusieurs années ».
Cathy Savourey, adjointe au Maire déléguée à l’urbanisme
La programmation ouverte d’un équipement municipal au cœur d’une ZAC
L’animation de la permanence est assurée en interne à la SET par Léa Finot, appuyée par une stagiaire (Joséphine Dresler en Saison 1 et Manon Allain en Saison 2) et une chargée de mission en Saison 2 (Annabelle Royer). Le lieu baptisé « Les Beaumonts » ouvre ses portes le 21 mars 2022 : c’est la « Saison 1 - le tiers-lieu en chantier ». Un budget de fonctionnement dédié à l’animation du site y est consacré : initialement 500 000 euros sur 7 ans (2021-2027).
« Plutôt que de penser un projet en amont en se disant "on fait ça dans tel endroit", on offre un espace à toutes les personnes qui ont envie de venir expérimenter. C'est une démarche totalement inédite ».
Anne Désiré, conseillère municipale déléguée à la démocratie permanente.
La volonté de permettre aux forces vives locales de s’impliquer est forte, la programmation des Beaumonts mais aussi des espaces extérieurs qui l’entourent (une emprise d’environ 5 000 m²) est travaillée en lien étroit avec les associations, habitantES, usagèrES, acteurs et actrices intéresséEs et impliquéEs. La permanence, ouverte deux à trois jours par semaine, invite chacunE, à tester une activité, une idée, à venir partager un moment entre voisinEs et à dessiner ici, disons préfigurer, le futur tiers-lieu. Toutes et tous sont invitéEs à participer aussi à la conception des espaces publics qui jouxtent les halles aux côtés de l’équipe d’architectes-urbanistes en chef. La réflexion sur les espaces publics est plus récente, proposée par les nouveaux architectes-urbanistes en chef. La Ville et la SET ont en effet initié une expérimentation avec une mise à disposition d’espaces au sein des Beaumonts pour des initiatives portées par des associations et des habitantEs pour une durée d’une heure à trois mois. Les usagerEs sollicitent la SET, propriétaire du site, avec laquelle ils et elles signent une convention de mise à disposition gratuite des espaces. Les usages accueillis participent à nourrir la programmation du lieu et à définir petit à petit l’équipement et les espaces extérieurs attenants à terme.
![portes ouvertes les beaumonts avril 2022 © ville de tours f. lafite (2)web](https://lecoleduterrain.fr/wp-content/uploads/2023/07/portes-ouvertes-les-beaumonts-avril-2022-copy-ville-de-tours-f.-lafite-2web-1024x683.jpg)
« “Les Beaumonts” ne sont pas juste un décor, il s’agit d’un lieu de rencontres, de partages et d’échanges. Nous offrons un cadre, un bâtiment à l’état brut, et nous accompagnons les habitants, associations ou porteurs de projets, pour qu’ils se l’approprient. On sent que ce lieu répond à des besoins importants, nous avons déjà reçu de nombreuses propositions ».
Léa Finot, cheffe de projet urbanisme culturel et collaboratif à la SET
À l’issue de cette Saison 1 «le tiers-lieu en chantier » menée en 2022, un bilan est établi pour tirer les premiers enseignements de la permanence. Ainsi, ce sont près de 70 expérimentations variées qui ont eu lieu : artistiques, sportives, culturelles, festives, dédiées à la jeunesse, relatives à la santé ou encore à l’écologie et plus de 20 000 personnes qui ont fréquenté les Beaumonts. Faisant suite à cette première saison fructueuse, la seconde saison a démarré au printemps 2023 avec l’ambition de pousser plus loin l’expérimentation et la réflexion sur le devenir du lieu. La Ville ne souhaitant pas assurer en régie le fonctionnement de cet équipement et la SET n’ayant pas vocation à poursuivre la gestion du site à la clôture de la ZAC, la mise en usages progressive a a aussi pour objectif d’amorcer une réflexion à l’issue de laquelle il s’agira de déterminer les modalités futures de fonctionnement et de gouvernance du lieu (constitution d’une structure gestionnaire, délégation et responsabilisation des usagerEs,...) pour en, en creux, sécuriser et pérenniser le projet.
Un aménageur qui intègre la permanence et la programmation ouverte dans ses manières de faire
Il est rare - cela dit, peut-être de moins en moins - que des aménageurs fassent leur la programmation ouverte et la permanence architecturale et en confient la mise en œuvre en interne. Et ce d’autant plus dans des projets urbains de cette ampleur.
« Le rôle de l'aménageur dans la permanence architecturale à l'Hôtel Pasteur » | Podcast avec Louis-Marie Belliard, SEM Territoires
Volonté de son directeur général, Clément Mignet, la SET crée en 2021 le poste de chefFE de projet urbanisme culturel et collaboratif, occupé par Léa Finot à qui est confiée la mission d’accompagnement à la co-construction du tiers-lieu des Casernes, un rôle traditionnellement dévolu à une Assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) extérieure à la structure. En parallèle, un avenant à la concession d’aménagement de la ZAC est pris pour introduire les missions d’animation culturelle menées dans le futur tiers-lieu. C’est Léa Finot qui propose ensuite à son employeur et à la Ville de mettre sur pied une permanence architecturale au sein de l’espace identifié pour accueillir le futur tiers-lieu des Casernes, y tester des usages et en définir pas à pas la programmation au sein du projet urbain de la ZAC. Pour les aménageurs, dont les interactions professionnelles quotidiennes sont réservées aux techniciens des collectivités ou de l’État, aux éluES, aux promoteurs ou encore à d’autres acteurs ou actrices de la fabrique de la ville, il est inédit d’être tant « sur le terrain », en lien si étroit et quotidien avec les associations, les acteurs et actrices professionnelLEs du voisinage (établissements scolaires ou universitaires, structures municipales institutionnelles (équipements culturels, structures d’accompagnement social,…), et plus encore avec les habitantEs directement.
![ciné en plein air aux beaumonts août 2022 © ville de tours f. lafiteweb](https://lecoleduterrain.fr/wp-content/uploads/2023/07/cine-en-plein-air-aux-beaumonts-aout-2022-copy-ville-de-tours-f.-lafiteweb-1024x683.jpg)
Ce qui est encore plus surprenant, c’est l’ouverture à l’imprévu, le recours au test pour programmer un équipement et les espaces extérieurs qui l’entourent. Pour les chargéEs d’opération en interne, c’est aussi une nouvelle façon de faire, « une expérimentation par tâtonnements ». Mais, ici aussi, c’est la volonté de la Ville d’enrichir véritablement le projet au fil de l’eau et de tirer les enseignements de cette manière de faire et de cette expérience précisément pour alimenter d’autres projets à l’échelle de la cité tourangelle. L’engouement tant de la municipalité que de l’aménageur semble d’ailleurs ne pas faiblir. Stéphane Houques, conseiller municipal délégué à la coordination du projet, d’affirmer que « c’est une nouvelle façon de voir les choses. Le process est plus important que la finalité. D’ailleurs, ce travail de préfiguration constitue une méthode qui pourra être appliquée à d’autres lieux, ou à d’autres projets ».
Au sein de la SET, Sarah Vanier, cheffe de projet aménagement en charge de la ZAC des Casernes, précise les facteurs qui rendent possible la mise en œuvre de ce type de méthodologie de projet : « la volonté politique, la prise de risque partagée entre la Ville et la SET, le dynamisme du territoire et la bonne santé financière de la SET qui génère des recettes par ailleurs ». Outre la volonté et l’engagement initial du directeur de la SET, une stagiaire et une chargée de mission présente deux jours par semaine ont été recrutées pour appuyer la coordination de la permanence, une preuve supplémentaire s’il en fallait, qu’en interne on y croit.
Acculturer en interne et convaincre les partenaires : mobiliser la jurisprudence et faire compagnonnage
Les enseignements se tirent non seulement de l’expérimentation de terrain et de la manière dont la programmation ouverte alimente le programme mais aussi, au niveau institutionnel, dans les pratiques professionnelles de l’aménageur et au sein de la Ville ou au-delà.
La SET a fait ce pari d’internaliser les missions d’accompagnement, d’animation et de préfiguration du tiers-lieu, et les bénéfices d’une telle décision apparaissent d’ores et déjà. Le dialogue avec ses collègues chargéEs d’opération sont fréquents. Ils permettent aux unEs et aux autres de se tenir informéEs tant des expérimentations sur le terrain que des retours des usagerEs et des riverainES et de l’avancée du projet urbain.
![les beaumonts février 2023 © ville de tours f. lafiteweb](https://lecoleduterrain.fr/wp-content/uploads/2023/07/les-beaumonts-fevrier-2023-copy-ville-de-tours-f.-lafiteweb-1024x683.jpg)
Et à travers Léa Finot, c’est la SET qui s’acculture, capitalise les connaissances, monte en expertise sur de nouveaux sujets plus fortement que si elle avait externalisé ces missions. En son sein, la SET développe aussi de nouveaux réflexes professionnels, opère un certain pas de côté par rapport aux manières de faire traditionnelles, acquière une visibilité plus importante auprès du grand public qui a rarement affaire avec les aménageurs et une transversalité plus grande en interne entre les équipes opérationnelles et celles chargées de l’accompagnement « culturel » des projets.
Léa Finot ne travaille pas uniquement sur le projet de la ZAC Beaumont-Chauveau, elle charrie ailleurs, sur d’autres projets de la SET des réflexions, les méthodes de projet, les manières de faire dont elle s’est inspirée, qu’elle s’approprie, qu’elle met en œuvre aux Beaumonts et qu’elle a aiguisées depuis le début de cette expérience. C’est le cas par exemple de l'activation artistique temporaire qui démarre tout juste sur l'ancienne Clinique Saint-Gatien, face à la Cathédrale de Tours. Une activation menée en phase études, avant travaux de réhabilitation, financée directement par la SET, titulaire d'un bail emphytéotique sur ce site. Ces démarches ne peuvent évidemment pas se mettre en œuvre sur tous les projets et avec la même ambition. Mais l’essaimage dépasse les frontières de la métropole tourangelle. La SET, membre du Groupement d'intérêt économique SEM Centre8, met ainsi Léa Finot à disposition de la SEM Territoria à Bourges dans le cadre de la reconversion d’une friche administrative. Elle imagine déjà proposer une permanence sur le site et l’expérimentation d’usages dans le cadre d’une programmation ouverte. L’expérience de la collectivité et de la SET à Tours et de Léa Finot comme permanente sur le terrain est un gage de confiance pour la SEM berruyère. Ici, un essaimage institutionnel, de pair à pair.
Chiffres clés, méthodologie, bilan des expérimentations et retour d'expériences de la Saison 1 des Beaumonts.
décembre 2022, La SET
Ce guide à destination des porteurs et porteuses d'expérimentation présente la démarche de création du tiers-lieu, son fonctionnement, ses valeurs et règles du jeu et fournit quelques infos pratiques.
avril 2023, La SET
Retour sur la Saison 1 des Beaumonts : acteurs, chiffres clés, et grandes thématiques des expérimentations de la Saison 1.
juin 2022, La SET
Le poste a été renommé à l'embauche de Léa Finot en cheffe de projet urbanisme culturel et collaboratif.
- INRAP, « L’abbaye de Beaumont à Tours : une histoire retracée par l’archéologie (Indre-et-Loire) », 05 juin 2023 [En ligne]
- France Culture, « L’abbaye médiévale de Beaumont sort de terre, à Tours », Carbone 14, Le magazine de l’archéologie, 10 juin 2023 [En ligne]
- La SET est une Société d’Économie Mixte (SEM). Les Sociétés Publiques Locales (SPL) d’Aménagement (SPLA) et les Sociétés d’Économie Mixte (SEM) sont des outils d’aménagement pour les collectivités territoriales qui les créent par délibération. Ces structures sont compétentes, entre autres, pour réaliser des opérations d’aménagement, des opérations de construction ou encore pour exploiter des services publics. De statut juridique différent (une SEM est une personne morale de droit privé tandis qu’une SPL est une société anonyme), elles fonctionnent différemment et ne sont pas mobilisées de la même manière par les collectivités (territoire d’intervention, procédure de mise en concurrence,…).
- Évelyne BELLANGER, « Urbanisme : la Ville de Tours donne les règles aux promoteurs », La Nouvelle République, 24 juin 2021 [En ligne]
- Le dialogue compétitif est la procédure dans laquelle l’acheteur dialogue avec les candidats admis à participer à la procédure en vue de définir ou développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les participants au dialogue sont invités à remettre une offre (article L.2124-4 du Code de la commande publique).
- « 8 sites urbains, 8 défis pour demain », appel à projets innovants lancé par la Ville de Tours
- Extrait de POUGET Dominique, « Les Beaumonts, le premier tiers-lieu de Tours, un espace collaboratif à inventer avec les habitants et les associations », France3 région, 15/04/2022 [En ligne]
- Le Groupement d’intérêt économique SEM Centre regroupe cinq SEM d’aménagement et de construction de la région Centre-Val-de-Loire : TERRITORIA à Bourges, SAEDEL à Lucé, SET à Tours, 3 VALS AMÉNAGEMENT à Blois, SEMDO à Orléans.