Un îlot culturel
Comment, dans un contexte d’urgence sanitaire, construire et aménager collectivement un équipement et un espace public en déployant une permanence architecturale qui intègre les acteurs et actrices locales et inspire déjà d’autres lieux culturels et scolaires mahorais ?
Commanditaire : Commune de Chiconi
Partenaires du projet : Direction des Affaires Culturelles (DAC) de Mayotte, Préfecture de Mayotte, Milatsika Emergence, Agence Française de Développement (AFD), Établissement Public Foncier et d’Aménagement de Mayotte (EPFAM), Caisse des dépôts et consignations (CDC) Mécénat, les artistes, associations et usagers de l’îlot, Julien Beller Architecte, Harappa, Hip Hop Évolution, Compagnie Kazyadance, Atelier Ya Hazi (Encore Heureux Architectes), Likoli Dago
Permanence : permanence territoriale puis architecturale incarnée sur le terrain par Albadawy Mattoir (fin 2019-fin 2020), puis Camille Hiolin (fin 2021-fin 2022), pilotée par la Preuve par 7, en partenariat avec la Ville de Chiconi (service culture et politique de la ville)
Budget de la permanence pilotée par la Preuve par 7 : a varié entre 45k et 120k/an entre 2019 et 2022 pour : salaire de la permanence pour la production des études, actions de la permanence, déplacements, publications. Financements par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires en 2019 (60k) et 2020 (80k), convention de financement DAC Mayotte de 2020 à 2022, 35 000 € annuels, financement Caisse des dépôts Mécénat en 2021 (35k)
Permanence côté Ville, depuis 2018 : Missions de pilotage stratégiques, de coordination, de programmation culturelle et enfin d’animation assurés par la Ville de Chiconi
Étude de programmation pour l’équipement culturel (2022-2023) : CP&O – Les m2 heureux (financements : AFD Mayotte, Ville de Chiconi, DAC Mayotte)
Budget estimatif du chantier de réhabilitation de la MJC qui débutera en 2023 : 1 700 000 € (financements : Fond de Développement Social, ville de Chiconi)
Montant estimatif pour la construction de la salle de spectacle : au stade de programme, étude en cours
1995 : inauguration de la MJC, délaissée en 2012
2018 : lancement d’un projet de salle de spectacle et installation d’un studio de répétition au pied de la MJC dans un container grâce au soutien de la Direction des Affaires Culturelles
2019 : chantier d’embellissement et de remise en usage, aménagement du parvis et inauguration de la permanence de la Preuve par 7 dans la MJC auparavant sous-occupée : début de la mise à l’épreuve de l’existant et du programme par les usages ; inauguration par le Préfet de Mayotte de l’équipement dénommé « pôle de développement culturel » qui est aux prémices d’une démarche de programmation ouverte
2020 : signature de conventions : quadripartite entre la Ville, la DAC, l’association NAC et Milatsika Emergence ; bilatérales entre la Ville et la DAC et entre la Ville et NAC ; occupation des studios, de la MJC et de son parvis pour préfigurer le pôle de développement culturel et artistique (PDCA)
2021 : lancement d’une mission de maîtrise d’œuvre pour la réhabilitation de la MJC, attribuée à l’équipe de Julien Beller Architecte ; étude des usages réalisée par la permanence architecturale
2022 : étude de faisabilité et étude de programmation par la permanence architecturale ; fin de la permanence architecturale pour la formulation de la commande par la Preuve par 7
2023 : dépôt du permis de construire pour la réhabilitation de la MJC ; élaboration du programme de la salle de spectacle
Les musicienNEs, la mairie et les architectes
Rédaction : l’École du terrain, décembre 2023
Entretiens avec Del Zid / Festival Milatsika ; Madi Mari Madi-Boinamani / Ville de Chiconi ; Guillaume Deslandes et Michaël Tournadre / Direction des Affaires Culturelles de Mayotte ; Florence Gendrier / Ministère de la Culture ; Camille Hiolin / La Preuve par 7
Les musicienNEs et l’architecte, ce pourrait être une fable. La fable de deux métiers faisant profession de compter pour créer du commun. Les musicienNEs comptent beaucoup, pour battre le rythme, reprendre en cadence et créer une harmonie avec le reste du groupe. Les architectes aussi fédèrent une troupe d’acteurs et actrices locales pour s’occuper de lieux en les occupant. Ils et elles comptent, parfois, les mètres et les mètres carrés, là aussi pour inventer, au service des habitantEs, le commun le mieux habitable.
Ce n’est donc pas un hasard si, à Chiconi, architecture et musique se sont nouées pour éclore de projets singuliers. D’ailleurs, le même mot, soma en kibushi, dangadzo en shimaoré, les deux langues vernaculaires de l’île, renvoient tout à la fois au chant, à la danse, à la poésie et au jeu. L’effervescence culturelle est là. On raconte que l'histoire de la musique et sa propagation à Mayotte ont émergé depuis Chiconi, commune regroupant deux villages kibushiphones (Chiconi et Sohoa). C'est ici que les instruments traditionnels locaux, tels que le gabusa, le dzendzi, le mkayamba, ont pris leur essor avant de se propager à toute l’île. Ici aussi que se sont formés de grandEs musicienNEs de gabusa, comme Langa, et que réside Foundi Colo Assani, l’un des derniers maîtres luthiers de l’île qui fabriquent cet instrument, luth traditionnel fait de bois, de peau de chèvre et de fils de pêche. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que Chiconi soit surnommée « la capitale culturelle » de Mayotte et que des dizaines d’événements y soient organisés chaque année, dont le festival Milatsika qui accueille des artistes mahorais et du monde entier, favorisant l’émergence d’une génération d’artistes qui jonglent entre danses et musiques traditionnelles et rythmes afros ou urbains plus contemporains. La musique et la danse innervent tous les moments du quotidien, de la préparation des repas aux fêtes religieuses.
De nombreuses compagnies de danse, de théâtre et de musique se font et se défont mais il n’y a pas, sur l’île, d’équipements culturels adaptés et en nombre suffisant pour qu’elles répètent, enregistrent et se produisent. Les événements musicaux de Chiconi ont notamment lieu sur le plateau sportif municipal en plein air du quartier de la mairie, où les frictions d’usage sont régulières (matches de basket-ball et autres pratiques sportives, jeux d’enfants, mariages, pratiques cultuelles...).
Pour y remédier, la Ville ambitionnait de construire une salle polyvalente en lieu et place d’une ancienne Maison des Jeunes et de la Culture (MJC), dont l’état de quasi-abandon frustre les Chiconiens. De son côté, Del Zid, artiste et fondateur du festival Milatsika, propose à la commune de travailler sur un équipement dédié à la musique, à sa diffusion, à sa pratique. « Les modes de transmission traditionnels de la musique subsistent et le projet de Del Zid est de leur donner un nouveau souffle, explique Florence Gendrier, alors directrice des affaires culturelles (DAC) de Mayotte. Ils mobilisent chez les jeunes des qualités d’observation, la capacité à reproduire un geste, un mouvement, un son transmis à l’oreille, des compétences linguistiques, compétences peu valorisées dans le cadre institutionnel de l’école où les langues et cultures mahoraises ne sont pas enseignées, et qui ne trouvent pas leur place dans des lieux d’enseignements artistiques initiaux et de transmission qui n’existent pas encore à Mayotte ».
Afin de pallier l'insuffisance d'infrastructures dédiées à la pratique musicale, Del Zid entreprend la conception d'un projet de studio de répétitions qui serait mis à la disposition des artistes et musicienNEs de la commune. En octobre 2018, Florence Gendrier initie une rencontre entre l’architecte Patrick Bouchain, fondateur de la Preuve par 7, Del Zid, Madi Mari Boinamani, directeur général des services de la commune de Chiconi et Rifay Boina, directeur des services techniques, urbanisme et foncier, qui ouvre la voie vers des pistes inexplorées. Un partenariat se noue au cours de l’année 2019 avec la Ville de Chiconi, l’association Milatsika Emergence et la Direction des Affaires culturelles. La MJC de Chiconi, dont l’état du bâti se révèle relativement sain, est présentée à l’équipe de la Preuve par 7, qui convainc la commune de ne pas détruire le seul équipement culturel dont elle dispose, pour peu qu’elle y effectue de menus travaux permettant de rouvrir le bâtiment et d’y tester les premiers usages du futur équipement.
La Ville de Chiconi, déjà engagée dans une démarche de préfiguration avec l’installation des studios, adopte cette méthode de programmation ouverte pour conduire tout le projet, avec la mise à l’épreuve du bâtiment par l’installation d’une permanence architecturale. Le premier geste est celui du chantier pour la remise en usage et en beauté de la MJC, en octobre 2019. L’objectif était de prendre possession du lieu, dans la suite des travaux réalisés par la Ville sur le parvis de la MJC à l’été 2019, afin de réaliser un premier travail d’aménagement et d’installer la permanence territoriale dans la MJC, conduite par la Preuve par 7 en partenariat avec la commune.
Dès lors, comment, dans un contexte d’urgence sanitaire - en termes d’assainissement et de conditions d’habitat - construire et aménager collectivement un équipement et un espace public en déployant une méthode qui intègre les acteurs et actrices locales, et d’abord la société civile à l’origine du projet ? Comment proposer une programmation emboîtant différentes échelles (communale, départementale, nationale) ouverte à diverses pratiques d’expression et de culture ? Enfin, comment tirer les enseignements d’une permanence architecturale dont la démarche inspire déjà d’autres lieux culturels mahorais et peut essaimer dans d’autres domaines comme la construction d’écoles ?
À Mayotte, faire autrement : une permanence territoriale pour cartographier les acteurs et actrices et les usages
C’est bien la convergence de deux démarches expérimentales qui est à l’origine du projet de Chiconi. D’un côté, la municipalité associée à l’association Milatsika et à la DAC veulent tirer parti de la MJC pour en faire un lieu où, comme l’explique le musicien Del Zid, « mettre en lumière l’apprentissage autodidacte auprès de musicienNEs traditionnelLEs et permettre à la culture locale de retrouver un nouveau souffle ». De l’autre, la Preuve par 7, dont la démarche a toujours saisi les ressources culturelles et artistiques d’un territoire comme des leviers de changement et de développement, permettant de faire dialoguer de nombreux sujets, tels la construction, l’éducation et la formation, l’économie et la cohésion sociale. L’expérimentation au cœur du projet de Chiconi, qui mobilise nombre de partenaires institutionnels et opérationnels de l’île, permet ainsi de constituer un réseau de conseil et d’ingénierie, d’intégrer la dimension culturelle de la qualité paysagère exceptionnelle de l’île aux projets d’équipements culturels et d’aménagement urbain et de placer les habitantEs au cœur de la transformation urbaine.
Faire autrement ? En octobre 2019, après que la Ville a conduit des travaux de terrassement pour aménager, à l’ombre d’un manguier, un parvis devant la MJC, la permanence d’Albadawy Mattoir, un jeune de la commune qui vient d’achever ses études d’administration publique en métropole, commence par un acte fort. Il remet en valeur le jardin de la MJC ainsi que le bâtiment, dont seul le premier étage est occupé par l’association MJCSC qui en assure l’animation, via une convention avec la Ville. Le lieu a besoin d’un grand ménage et d’une remise en usage (électricité, sanitaires), sans parler de travaux de grande ampleur qui sont à programmer (toitures...). La paysagiste Liliana Motta, qui conçoit et dirige ce premier chantier de remise en usage, mobilise les savoirs des services techniques de la Ville et de la pépinière du lycée agricole de Coconi tout proche. Après huit jours de travaux, le jardin est accueillant et le lieu, propre, arbore une belle façade nettoyée et décorée par des pochoirs créés à cet effet, prêt à accueillir la permanence.
Habiter de nouveau ce bâtiment avant de le réhabiliter permet d’en faire un lieu commun, ouvert aux propositions et à tous les usages. Cet espace, qui fait cruellement défaut à Chiconi, aspire à remailler les liens entre les générations, entre les jeunes et les ancienNEs qui fréquentaient la MJC lorsqu’elle était encore en pleine activité mais aussi entre les pratiques musicales actuelles et les musiques traditionnelles mahoraises. Centrée sur la MJC, la permanence d’Albadawy Mattoir permet d’ouvrir et d’ancrer le lieu dans les pratiques des habitantEs de Chiconi ; de rassembler les structures de la culture et de l’aménagement (service politique de la Ville de Chiconi, service culturel, bibliothèque de Chiconi, association Milatsika Emergence...), qu’elles soient informelles ou plus institutionnelles, autour d’une démarche de construction collective. En lien avec Madi Mari Madi-Boinamani, de nouveaux usages sont progressivement accueillis : des cours de chant et de danses traditionnelles, des ateliers de musique, des concerts, des ateliers d’insertion professionnelle ou de sensibilisation contre le diabète.
En tant qu’habitant de la commune, Albadawy Mattoir a déjà une connaissance fine des habitantEs, de la mairie et du tissu associatif et culturel de Chiconi. De plus, son expérience passée dans la collectivité, en tant que chargé de mission finance et ressources humaines, l’a doté d’une bonne connaissance de l’orientation stratégique de Chiconi et de son fonctionnement. « Je fais aussi partie des anciens usagers du lieu », ajoute-t-il, heureux de redonner vie à une structure qui, de son aveu même, « a perdu de son âme ».
Un an durant, il se fait sociologue de son territoire. Lola Paprocki, permanente du projet du lycée du bâtiment à Longoni, épaule et conseille Albadawy Mattoir dans la mise en oeuvre de sa permanence, et commence à fédérer avec lui, en lien avec les équipes de la Preuve par 7 et d'Encore Heureux, un réseau mahorais de permanences architecturales, qui s'incarnera lors des Journées Nationales de l'Architecture dans toute l'île. La permanence architecturale dresse ainsi une étude des usages et une cartographie des acteurs et actrices du territoire. Cette étude a permis de faire un état des lieux de la dynamique culturelle à Chiconi en recensant des centaines d’actions et d’événements culturels et cultuels qui se tiennent chaque année dans la ville, organisés par les habitantEs, des associations locales ou d’autres organismes tels que la bibliothèque. Ce qui fera dire à Florence Gendrier, directrice des affaires culturelles alors en poste, que la permanence d’Albadawy Mattoir « travaille à la définition d’une commande depuis le terrain ».
La permanence constitue aussi pour la Ville une nouvelle manière d’élaborer les politiques culturelles et d’aménagement de la commune, afin d'identifier les besoins complémentaires en matière d'espaces publics et communs, d’équipements et de renforcer le lien entre ses différents villages et quartiers. « On peut dire que la méthode de la Preuve par 7 est assez mahoraise, s’amuse Madi Mari Madi-Boinamani. La présence d’une permanence est un élément facilitateur mais surtout un appui en ingénierie que nous n’avions pas. C’est un bouleversement radical dans notre façon de fonctionner et ce changement de pratique a un fort impact sur la relation de la commune avec les autres actrices et acteurs publics ». De fait, la permanence a démontré et conforté la nécessité de conserver la MJC, et d’y lancer des travaux de réhabilitation.
L’appel d’offre pour la maîtrise d’œuvre lancé par la Ville demande que la démarche de programmation ouverte menée à l’échelle de l’îlot et de la MJC soit prise en compte dans les études de conception et dans le chantier pour offrir des espaces « capables », c’est-à-dire adaptés aux usages présents et adaptables à des usages futurs encore non programmés. C’est ce qui a été entrepris par l’architecte mandataire du projet, l’agence JBA, en menant une étude architecturale sur les alentours de la MJC et en construisant une maquette.
Les usages éprouvés depuis 2019 dans et autour de la MJC ont révélé le besoin d’un grand plateau ouvert, facilement accessible, que la toiture devait être refaite et que la mini-terrasse était le lieu le plus agréable et utilisé par toutEs et pour toute forme de pratiques (réunion, déjeuner, répétition musicale, etc.). Dès lors, et puisqu’il faut faire tenir tous ces espaces dans un si petit bâtiment, l’équipe de maîtrise d’œuvre JBA propose de surélever la toiture pour y aménager un étage supplémentaire. Cette nouvelle toiture, plus large, abritera également les abords de la MJC et créera un parvis couvert autour du bâtiment. La MJC conservera ainsi sa vocation d’origine : catalyser et valoriser les initiatives locales au service de la vie culturelle et sociale de la commune.
La permanence architecturale a révélé, puis les études de conception pour la réhabilitation de la MJC ont conforté le fait qu’une salle de spectacle ne répondrait pas, à elle seule, aux besoins de tous les acteurs et actrices culturelles de la ville. En effet, l’analyse sensible du territoire a souligné la nécessité de penser l’aménagement complet de l’îlot culturel et artistique afin de programmer tout un quartier. Ce dernier devant comprendre des espaces de représentation et de transmission des pratiques, un équipement majeur de diffusion mais également des espaces de plus petites échelles dédiés à la pratique spontanée du quotidien et ouverts plus facilement sur l’espace public. Un espace public qu’il sera important d’aménager aux fins d’accueillir les pratiques variées de musique, de chant, de danse, de culte et de festivités.
Dès l’origine pensé à l’échelle du quartier, le projet, d’abord centré sur la MJC, s’est progressivement élargi à d’autres équipements pour former un îlot culturel. JBA architectes, l’agence chargée des études de conception de réhabilitation du bâtiment de la MJC, réalise un travail architectural et d'études programmatiques à l'échelle de l'îlot, afin de mieux appréhender la réhabilitation du lieu et propose, dans la suite des réflexions menées à la permanence, d'étendre ainsi le programme en ajoutant une salle de spectacle, un aménagement du parvis et un autre équipement dans l’esprit d’une halle de marché.
La permanence se mue en assistance à la maîtrise d’ouvrage
Après un an de permanence architecturale, et avec le départ d’Albadawy Mattoir pour les services de la Ville, la programmation culturelle sur place se poursuit pendant une nouvelle année, mais sans dispositif d’analyse et de capitalisation des usages expérimentés qui nourrirait le programme de l’îlot culturel. La Ville et la Preuve par 7 s’accordent alors sur la nécessité de terminer l’étude des usages déjà initiée aux fins de formaliser la commande et le programme. C’est Camille Hiolin, jeune diplômée en architecture originaire de Nancy, qui s’installe dans la MJC en octobre 2021. Elle n’est pas étrangère au projet puisque, six mois durant, elle travailla pour JBA architectes. Elle change donc de casquette mais pas de lieu de travail, passant de la maîtrise d’œuvre à la permanence d’assistance à maîtrise d’usage. La constellation des acteurs et actrices désormais identifiée, la permanence envisage désormais la programmation à l’échelle du quartier.
À partir du travail effectué entre 2019 et 2021, Camille Hiolin réalise des enquêtes de terrain sous forme de fiches par types d’usage et d’activité observées, affinant la compréhension de l’organisation spatiale et programmatique, les envies et les besoins des usagerEs. Elle prend contact avec le tissu d’acteurs et actrices présentEs sur le terrain et réalise avec elles et eux des entretiens, recueille les expériences, retranscrit leurs pratiques et analyse les espaces qui accueillent la culture à Chiconi. Elle collecte également des informations auprès des organisateurs et organisatrices et des usagerEs des espaces (parvis de la MJC, studio d’enregistrement...), crée une cartographie des programmes, des usages et des acteurs et actrices autour de l’ilot et comprend davantage la mémoire des lieux à travers les pratiques et les temps forts qu’il accueille (festival Milatsika, programmation de la permanence et de la Ville) et les micro-chantiers école qu’elle organise. Enfin, la permanence fédère un réseau informel des artistes de Chiconi qui, notamment lors de rencontres organisées à la MJC, travaille à la fois à un programme culturel commun et aux prémices d’une gouvernance sous forme de structure (association ou collectif) reconnue des institutions.
L’étude des usages cultu(r)els rédigée par la permanence est remise à la Ville en février 2022. Celle-ci décide de recourir à une équipe de programmiste comme assistants à maîtrise d’ouvrage, qui fonderait son travail sur cette étude, une démarche soutenue par l’Agence Française de Développement (AFD).
Quand donc s’achève une permanence et quelles traces doit-elle laisser ? Comment faire en sorte que le travail réalisé, notamment l’étude des usages et l’étude de faisabilité en actes, que toutes les voix qui y ont été entendues, se retrouvent dans le projet final ? D’un accompagnement de la Ville de Chiconi dans une démarche de programmation ouverte, via une étude des usages cultu(r)els qui devait servir de base au travail de programmation, la Preuve par 7 est devenue partie prenante de l’écriture du programme des équipements et de l’aménagement de l’îlot culturel avec l’assistant à maîtrise d’ouvrage et la commune. Mais comment intégrer dans ce document sec et précis, qui servira de base à la rédaction de l’appel d’offre ou du concours de maîtrise d’œuvre architecturale et urbaine, la profusion des usages et des désirs soulevés lors de la permanence de Chiconi ? Celle-ci ne peut écrire seule le programme, elle n’en a pas les compétences techniques. La ville de Chiconi décide donc de faire appel, en assistance à la maîtrise d’ouvrage, à un bureau d’étude de programmation pour finaliser l’aspect technique de l’étude de faisabilité et assurer l’élaboration du programme. Ce travail doit se faire en partenariat avec la permanence architecturale, désormais qualifiée « d’assistance à la maîtrise d’usage », pour se fondre dans les termes plus classiques du champ de la construction.
Ce n’est pas sans provoquer quelques frottements avec l’équipe de programmistes recrutée en mai 2022. Car il n’est pas question que le relevé, si riche et si rêveur, révélé par la permanence architecturale passe le relais à un programme standardisé ancré dans la seule réalité budgétaire et calendaire. L’exercice , de haut vol, aurait été d’ajointer ces deux approches, d’écrire à quatre mains ce programme à partir de l’expérience de terrain ; de faire infuser cette ambition dans la gouvernance et dans la gestion des équipements de l’îlot ainsi que dans le choix du ou des maîtres d’œuvre des travaux. La mauvaise compréhension avec l’équipe retenue sur le terrain a finalement conduit la Preuve par 7 à proposer des éléments de programmation dans une étude de faisabilité en actes, en continuité avec l’étude des usages, et notamment de réaménager les équipements du quartier afin d’en faire un véritable îlot culturel. Les propositions étaient les suivantes : le bâtiment de la MJC, dont le projet de réhabilitation est en cours, accueillera des espaces capables pour des cours et des répétitions de danse ou de musique ainsi que les bureaux de l’association de la MJCS et de la direction de la culture de la Ville. De l’autre côté de la route de Bilambou, la proposition d’une pérennisation d’une petite restauration, avec l’organisation d’événements culturels très prisés de la jeunesse, dont la commune s’est rapidement saisie avec un projet d’équipement de la parcelle concernée. Et plus haut, au-dessus de la MJC, la salle de spectacle, dont le programme continuerait de s’élaborer à partir de l’existant, tant en terme spatial, constructif, que de gouvernance. Soit un fin travail sur l’espace public et le plateau sportif, les différents « seuils » et la topographie constituant le cœur et le liant de cet îlot culturel mêlant un foisonnement de registres et d’espaces. La permanence de la Preuve par 7 s’est achevée fin octobre 2022, avec un passage de relais local.
Depuis, le permis de construire pour la réhabilitation de la MJC a été approuvé et les travaux commenceront en mars 2023, conduits par l’agence de Julien Beller Architecte avec la ville en maîtrise d’ouvrage. Une fois l’étude de programmation achevée en août 2023 par l’équipe programmiste, les élus de Chiconi se sont prononcés pour la construction d’un pôle culturel de grande envergure qui pourra viser une labellisation de Scène des Musiques Actuelles, comprenant deux salles de spectacle dont une offrant 2 000 places debout et l’autre 360 places assises. Le programme technique détaille les composantes de ce nouveau pole culturel, qui s’articulera avec la réhabilitation de l’ancienne MJC, l’aménagement des berges de la rivière le long de la rue Bilambou, le projet soutenu par la ville de petite restauration et la requalification du plateau polyvalent sportif. D’une initiative privée et artistique portée par un artiste, Del Zid,, la commune s’est saisie de la formulation d’une commande culturelle et urbaine, structurée en vue d’en être la pilote, et est en passe de devenir aménageuse d’un îlot culturel et artistique.
La méthode itérative de la programmation ouverte innerve les services administratifs et techniques de la Ville
Malgré tout, chemin faisant, la méthode itérative de la programmation ouverte, qui consiste à ne pas définir à l’avance les usages d’un bâtiment mais à les éprouver au fur et à mesure grâce à l’ouverture du lieu aux habitantEs, innerve également les processus de décisions administratifs et techniques de la municipalité. Ainsi Warda Halifa, cheffe de projet Politique de la ville et développement des territoires, qui décrit son poste comme transversal, insiste sur « l’importance aujourd’hui d’interroger les usages car il ne s’agit pas d’imposer aux gens des pratiques mais de faire avec eux, de se concerter afin d’aller au plus proche de ce qu’attendent les habitantEs et de proposer ensemble quelque chose qui soit adapté ». De même, Madi Mari Madi-Boinamani revendique l’adoption de cette méthode « dans la construction comme dans l’organisation ». Et de préciser : « Sur ce projet d’îlot culturel, nous avons commencé par aménager des studios de répétition afin que les artistes puissent pratiquer dans de bonnes conditions. Mais d’emblée se pose la question du personnel formé à la technique et au matériel musical. C’est là que l’esprit de la méthode intervient : est-ce qu’il y a des personnes en interne qui sont en mesure de se former dans le temps ? Cela se fait progressivement. Idem dans les autres services, par exemples les finances. Albadawy Mattoir a été stagiaire chez nous avant de rejoindre la Preuve par 7 où il a continué sa formation et nous l’avons ensuite recruté. C’est ainsi qu’en cinq ans, nous sommes passés de cinq cadres de catégorie A dans nos services à une quinzaine. J’essaye d’insuffler cet esprit à mes équipes pour que chaque projet suive désormais cette méthode ».
Cette méthode transforme les relations entre les acteurs et actrices publiques. « Par exemple, pour les demandes de subvention, explique-t-il. L’État raisonne avec deux types de subvention : soit elle est de fonctionnement, soit elle est d’investissement, alors qu’avec la démarche qu’on adopte sur la MJC de Chiconi, on voit qu’on ne peut pas distinguer les deux ». Il semble avoir été entendu. Guillaume Deslandes, directeur des affaires culturelles à Mayotte, reconnaît en effet que la permanence ne sépare pas les deux types : « Nous accompagnons en investissement, que nous allons chercher, des associations que nous soutenons déjà en fonctionnement ».
La méthode essaime également dans d’autres secteurs de la construction, par exemple les écoles. La forte poussée démographique de Mayotte, dont plus de la moitié de la population a moins de vingt ans, met en effet sous pression les municipalités pour construire des écoles maternelles et primaires. « Aujourd’hui, à Chiconi, 1800 élèves sont inscritEs dans nos écoles mais 200 sont sur liste d’attente que l’on ne peut pas scolariser », explique Madi Mari Madi-Boinamani. D’où l’idée, plutôt que de construire de nouvelles écoles qui n’ouvriront pas avant cinq ans, de réhabiliter les nombreux bâtiments désaffectés de la Ville.
La démarche expérimentale conduite à Chiconi infuse ainsi dans la structuration administrative et technique de la commune, qui a invité la Commission d’Urgence Foncière à ouvrir une permanence sur le terrain, à tester cette méthode sur une première parcelle indivise, la plus simple, avant d’étendre la démarche.
Tel est bien, plus généralement, l’enjeu à Mayotte. Depuis la départementalisation de 2011, soit en dix ans, l’île est passée, comme l’explique Madi Mari Madi-Boinamani, « d’une logique du néant, de l’omission de l’existence de la réglementation à une logique d’objectif d’atteinte de la perfection avec les règles du droit commun qui s’y appliquent sans ménagement ». C’est ainsi que Chiconi, auparavant couverte par un Schéma d’aménagement communal initié et contrôlé par le représentant du gouvernement sur l’île, « s’est trouvée confrontée à l’adoption d’une démarche nouvelle de planification urbaine de droit commun, via le Plan Local d’Urbanisme (PLU) ». Mais un PLU qui, à l’inverse des communes métropolitaines et des autres départements d’outre-mer, n’est jamais passé « par la case plan d’occupation des sols, ou à défaut règlement national d’urbanisme ». De telle sorte, souligne Florence Gendrier, directrice des Affaires Culturelles de Mayotte entre 2016 et 2020, que la départementalisation semble avoir « tiré un trait sur des pratiques dites anciennes, mais en réalité très récentes et fortement ancrées dans les mentalités, issues du droit coutumier, de la justice cadiale1 ou de la colonisation ». Ainsi, conclu Madi Mari Madi-Boinamani, « 90% des constructions d’avant 2010 ne peuvent faire l’objet de régularisation pour obtenir un permis de construire au motif que le règlement du PLU, en vigueur depuis un peu plus de dix ans, ne prend pas en considération le modèle, les contraintes et les paramètres selon lesquels le territoire urbain a été produit auparavant ». Ceci dans le septième département français le plus densément peuplé, qui connaît la plus importante croissante démographique du pays et, conséquemment, une forte pression foncière.
Dans ce contexte se pose la question de la préservation dans la norme d’un patrimoine, socialement utile, construit en dehors des normes. L’existence de lieux dédiés aux musiques actuelles, comme à Chiconi, peut être de nature à favoriser la compréhension, l’acceptation et l’appropriation de nouveaux espaces communs, qui enrichissent la définition du patrimoine.
Des ressources existantes transmises au présent : l’îlot culturel de Chiconi, sa permanence et sa programmation ouverte, résume décidément bien les enjeux politiques, juridiques, administratifs et architecturaux de Mayotte. Mais l’îlot chiconien n’est pas une île. En effet, de Dembeni, où l’association Hip Hop Evolution saisit l’occasion de s’implanter au « Paradis des Makis » pour aménager, grâce à une permanence architecturale, plusieurs espaces dédiés à la pratique et à la transmission de la danse ; à Dzaoudzi, où la compagnie de danse Kazyadance a fait du Royaume des Fleurs un laboratoire artistique permettant à trente jeunes de suivre chaque année des ateliers de danse intensifs et à une dizaine d’entre eux et elles de se professionnaliser ; en passant par Mamoudzou, où Likoli Dago, une association d’expérimentation et de formation à des méthodes innovantes d’aménagement du territoire, a créé un tiers-lieu dans l’ancien tribunal inscrit aux monuments historiques, c’est tout un réseau de lieux culturels qui s’est ainsi structuré autour de la démarche de la permanence architecturale et de la programmation ouverte.
Pour preuve, la mission confiée en 2021 à Florence Gendrier par la direction générale des patrimoines et de l’architecture (Ministère de la Culture) en vue de « développer une politique de qualité architecturale adaptée dans les territoires ultramarins, d’identifier les dispositifs d’expérimentation existants et de proposer une capitalisation et une valorisation de ces démarches ». Autant d’expérimentations culturelles, soutenues par la DAC, l’AFD et l’Établissement Public Foncier et d’Aménagement de Mayotte (EPFAM), qui font aujourd’hui de l’île un véritable laboratoire prêt à relever les nombreux défis locaux mais également à rayonner à l’échelle nationale.
Un réseau mahorais notamment animé par l’école de la permanence, expérience collective en cours de structuration qui réunit cinq lieux culturels et urbains de l’île mais aussi des permanences architecturales menées dans le cadre des projets de construction ou de réhabilitation d'établissements scolaires du rectorat de Mayotte - à Longoni avec Encore Heureux et Co-Architectes, à Chirongui avec Endemik, à Tsimkoura avec Tand'M en Co-architectes. Des manières de faire, méthodes et savoir-faire valorisées à travers une phonothèque en ligne qui permet d’écouter les témoignages et les retours d’expérience d’une vingtaine d’acteurs et d’actrices de ces projets collectifs. « Ces projets portés par la société civile répondent à des besoins effectifs, par exemple développer un lieu de travail ou une programmation culturelle, explique Guillaume Deslandes. Leur avantage est d’être ancrés, incarnés. Mais leur faiblesse est souvent leur manque d’appui et de portage. Le rôle de la direction des affaires culturelles est de les aider à avancer ».
Une démarche, la permanence architecturale et la programmation ouverte, particulièrement adaptée au territoire mahorais car, comme le résume l’architecte et sociologue Attila Cheyssial au sujet de la construction collective et vernaculaire de Chiconi dans les années 1980, « il reste que Chiconi s'est appuyé sur la compétence de ses habitants à résoudre le problème de la conception et du sens de ses espaces publics, de ses lieux de partage. Les habitantEs de Chiconi se sont appropriéEs ces lieux par le projet et par leur participation à la réalisation. Des débats seront encore nombreux pour en préciser le sens, la forme, les fonctions... Il faudra courage et ténacité... Il faudra de l’intelligence... Il faudra de la confiance au-delà des erreurs, de l'imprécision et des savoir-faire balbutiants... Il faudra du temps donc, et c'est une autre des leçons de Chiconi : le temps offert du façonnage de l'espace public à ses objectifs de médiations, à l'évolution de ses médiations ».
À Mayotte aujourd’hui, des lieux dédiés aux pratiques culturelles et à leur diffusion se développent autour de valeurs communes. Programmation ouverte, co-construction, interventions progressives sont autant d’outils qui permettent de mettre en avant de nouvelles manières de construire le territoire. Forte de ces expérimentations culturelles, urbaines et architecturales, l’île se présente comme un véritable laboratoire prêt à relever les multiples défis locaux mais également à rayonner à l’échelle nationale.
Cinq lieux culturels et urbains à Mayotte se réunissent pour initier un espace d’apprentissage et d’échanges. Cette école collective, qui a vocation à s’ouvrir, se donne pour ambition de contribuer à la construction de lieux à la hauteur des enjeux sociétaux et environnementaux de l’île. C’est aussi l’occasion de crédibiliser des méthodes qui font leurs preuves sur le terrain. La démarche nationale de la Preuve par 7, qui accompagne le projet de lieu culturel à Chiconi, apporte son soutien afin de fédérer autour d’une même pratique.
Convention de partenariat signée entre la Ville de Chiconi et la Preuve par 7 pour encadrer la démarche de permanence architecturale et de programmation ouverte initiée autour de la Maison des Jeunes et de la Culture de Chiconi.
Fiche de poste rédigée par la Preuve par 7 pour le recrutement du permanent architectural à Chiconi (Mayotte). La permanence doit permettre de former autour de la démarche une communauté de personnes désireuses de faire ensemble, de rassembler les énergies. Le ou la permanentE doit mettre en place des actions et des réflexions à même de mieux comprendre les besoins, d’ouvrir les possibilités pour l’occupation du site, actuelle et à venir, en testant les usages sur le site même du futur projet pour pouvoir le définir au mieux.
Présentée sous forme de chronique, La leçon de Chiconi raconte l'histoire de l'aménagement d'un village de l'île de Mayotte de 1981 à 1992. Il n'y a rien de spectaculaire dans ces aménagements, rien d'éblouissant. Ils auraient été autres, de toute façon, si la population du village ne s'était pas impliquée jusqu'à ce que l'histoire de l'aménagement construise dans le temps l'histoire du village et de ses familles.
Etude des usages réalisée par Albadawy Mattoir puis poursuivie et finalisée par Camille Hiolin dans le cadre de sa permanence architecturale sur la Maison des Jeunes et de la Culture de Chiconi. Faire de la programmation ouverte, c’est commencer par observer les usages avant de construire la commande, et avant de construire tout court. C’est le chemin que décide de prendre la Ville de Chiconi qui souhaite concevoir des lieux culturels dans la commune, et qui fait appel à la Preuve par 7 pour accompagner la création de la commande selon cette logique de programmation ouverte.
Cette étude des usages et de programmation en actes réunit en un document la synthèse de l'étude préalables des usages et des besoins, l'étude de programmation en actes, ainsi qu'un carnet de bord de la permanence architecturale - son calendrier d'actions, ses temps forts, mais aussi le "journal intime" de la deuxième permanente.
En effet, après un arrêt d'un an, une nouvelle permanence s'initie afin d’achever le relevé des usages et formaliser le travail de programmation de l’îlot et du futur lieu de diffusion, formation et accompagnement musical. La permanence ré-ouvre alors avec Camille Hiolin, jeune architecte qui avait déjà contribué à l'étude pour la réhabilitation de la MJC, côté maîtrise d’œuvre avec Julien Beller, et qui prend la suite d'Albadawy Mattoir, qui continuera à accompagner le projet, à la mairie cette fois.
Cette seconde permanence permet de tester les programmations et les articulations entre les différents lieux culturels de l'îlot, d'initier une assemblée des artistes, de se réunir avec les acteurs et actrices mahoraisEs liéEs directement ou non à la culture, et de soutenir des initiatives locales autour de questions territoriales, constructives et patrimoniales. Un programmiste rédige par ailleurs un programme pour la salle de spectacle et les espaces publics, objet du concours restreint actuellement en consultation.
- Le système cadial existe aux Comores et à Mayotte depuis l’arrivée des Shiraziens entre le XIVème et le XVIème siècle. Le cadi exerce depuis cette époque un rôle de juge, de médiateur et d’institution régulatrice de la vie sociale et familiale. Le changement de statut de Mayotte, qui devient en 2011 un département français entraîne la fin de la justice cadiale.