Manière de faire  ↓

La coopérative d’habitantEs

Une révolution culturelle ?

Alia El Gaied et Valérie Morel, avec la contribution de Christiane Châteauvieux et de la Preuve par 7, juin 2023

En replaçant au centre l’habitantE comme maître d’ouvrage de son logement pensé comme une propriété collective, la coopérative d’habitantEs questionne la commande architecturale et urbaine, les pratiques des professionnelLEs de la fabrique de la ville, les montages et l’économie même du logement. Elle induit aussi, à travers la notion de communs et d’une gouvernance partagée, une transformation philosophique du logement à même de gagner le quartier, la cité. Par Alia El Gaied et Valérie Morel, avec la contribution de Christiane Châteauvieux et de la Preuve par 7.

Sommaire
 

« Aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l'a engendré »

Albert Einstein

La coopérative d’habitantEs, c’est plus que du logement ! Elle transforme fondamentalement le rapport à soi, à l’autre, au vivant et à la propriété, et remet l’usage et la rêverie chère à Bachelard1 au centre de la production de l’habitat.

Habiter, selon Heidegger c’est « être présent au monde et à autrui »2. En ce sens, la coopérative d’habitantEs nous permet d’habiter et pas seulement de nous loger : rêver, penser, créer, coopérer, concevoir, décider, s’entraider, se cultiver, se soigner, s'éduquer, se déplacer, inventer, expérimenter… Elle est une école d’émancipation et de transformation personnelle et collective. Elle permet à chacunE de s’exprimer individuellement et au collectif de porter et de traduire concrètement ses valeurs.

Ancrée dans son environnement, elle apporte aussi une réponse aux inégalités sociales et invite à dépasser la vision traditionnelle de la propriété privée par la propriété collective. Non seulement elle mobilise des mécanismes financiers et juridiques pour produire de l’habitat à prix coûtant et écologique, mais elle veille à les pérenniser pour les générations futures, en les déconnectant du marché immobilier. Elle bouleverse ainsi complètement notre rapport à la propriété : le logement n'est plus un bien patrimonial, marchand ou un produit financier mais il devient un droit fondamental réel pour toutes et tous. En ce sens, les coopératives d’habitantEs pourraient constituer des prémices pour inventer, un jour, des communs à habiter.

En replaçant au centre l’habitantE comme maître d’ouvrage, concepteur ou conceptrice de son logement pensé comme une propriété collective, la coopérative d’habitantEs questionne également la commande architecturale et urbaine, les pratiques des professionnelLEs de la fabrique de la ville, les montages et l’économie même du logement. Elle induit aussi, à travers la notion de communs et d’une gouvernance partagée, une transformation philosophique du logement à même de gagner le quartier, la cité.

Pour autant, le « bricolage juridique », les difficultés d’accès au foncier ou aux emprunts bancaires, le temps et l’énergie mobilisés par les coopérateurs et coopératrices sont encore aujourd’hui des freins à une véritable démocratisation de la coopérative d’habitantEs. Dans un contexte de crise en matière de logement (explosion des coûts du foncier, artificialisation des terres galopante, raréfaction des matériaux de construction, …) et d’accroissement des difficultés sociales et économiques, il est déjà possible néanmoins d’en tirer des enseignements qui pourraient permettre de faire évoluer la fabrique de la ville et d’inspirer d’autres maîtrises d’ouvrages dans leurs manières de mener les projets d’habitat et les projets urbains.

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Un repas lors d'un chantier collectif, 2020 © Moulinage de Chirols

1. Habiter, s’émanciper : la longue histoire du mouvement coopératif

Le mouvement coopératif est issu de la pensée des socialistes utopiques3 et du mouvement ouvrier en plein essor au début du 19ème siècle. Dans ce contexte de révolution industrielle, la coopérative, modèle d’organisation collective, permet à la classe laborieuse de répondre à ses besoins sociaux (se nourrir, travailler, s’éduquer…) dans une perspective de transformation sociale radicale4. La coopérative devient aussi un moyen pour ces ouvriers et ouvrières de se loger dignement comme en témoignent les expériences singulières telles que le familistère de Guise5 et, après guerre, les différents projets Castors ou encore la Maison radieuse de Rezé du Corbusier.

L’encadrement juridique des coopératives se construit et se complexifie progressivement autour de deux grandes mesures6 : d’abord la loi du 24 juillet 1867, qui reconnaît l’existence des sociétés coopératives puis la loi-cadre du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération7, qui régit les différents types de coopératives (d’emploi, agricoles, artisanales, bancaires, de consommateurs et consommatrices, logement, …)8. Chaque société coopérative créée, quelque soit son objet, doit alors s’inscrire dans le volet général de la loi de 1947 qui s’applique à toutes, ainsi que dans le volet spécifique de la famille de coopérative auquel elle appartient (travail, banque, transport, crédit, …). Alors que le nombre des coopératives d’habitation grandit, en 1971, la loi Chalandon abroge néanmoins le modèle juridique de la location coopérative9, supprimant ainsi le volet spécifique relatif à l’habitat. Comme ce fut le cas à la Maison radieuse de Rezé, les membres des coopératives d’habitantEs existantes se trouvent face au choix d’acquérir le bien, de le quitter ou d’en rester locataire (le bien peut être repris par une coopérative HLM). Dès lors, la propriété collective du logement s’efface au profit de la propriété individuelle.

Dans les années 2000, le mouvement des coopératives d’habitantEs renaît à travers la création de l’association Habicoop. Entre 2005 et 2013, en l’absence de cadre juridique et financier adapté au développement d’une coopérative d’habitation, et face à la rigidité du cadre de la production du logement, l’association Village vertical sollicite Habicoop pour l’accompagner et la soutenir dans son projet. Habicoop participe à l’élaboration du montage juridique et financier expérimental de cette opération pilote et plaide la nécessité de construire un cadre pour développer ce type d’habitat. Bénéficiant d’un engagement partenarial fort (Grand Lyon, Ville de Villeurbanne, Région Rhône-Alpes, Rhône Saône Habitat, Habicoop) et après huit années de démarches, de recherches, d’adaptations et de négociations, le projet, mené en co-maîtrise d’ouvrage avec le bailleur Rhône Saône Habitat, parvient à se concrétiser11 en s’appuyant sur le modèle de la Société par Actions Simplifiée (SAS) à capital variable assujettie à la loi portant statuts de la coopération de 1947.

L’association Habicoop poursuit et renforce alors son plaidoyer pour la reconnaissance dans le droit français de ce modèle coopératif d’habitat. Elle participe notamment aux travaux d’élaboration de la loi Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR) de 2014 et à la rédaction des parties dédiées à l’habitat participatif12 et coopératif13. Cette dernière introduit notamment le cadre spécifique des coopératives d’habitantEs, qui vient recréer cette famille de coopérative, en complément du cadre général de la loi de 1947. Malgré cette reconnaissance légale, la loi ALUR ne s’applique pas à tous les cas de figure14, ce qui freine le développement des coopératives d’habitantEs.

L’association Habicoop devient la Fédération française des coopératives d’habitantEs en avril 2015. Elle œuvre à promouvoir le modèle coopératif d’habitat, à former des accompagnateurs et accompagnatrices de projets de coopératives et à mettre à disposition et développer des outils et des ressources utiles à leur création.

2. Les principes fondamentaux d’une coopérative

En 1895, l’Alliance coopérative internationale en propose une définition : « Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement »15.

Héritière de cette histoire, la coopérative d’habitantEs est une société coopérative dont l’objet est de proposer à ses membres l’usage d’un logement et d’espaces collectifs à prix coûtant.

Ses valeurs fondamentales reposent sur :

  • la propriété collective par détention de parts sociales dont la somme constitue le capital,
  • la démocratie, avec 1 personne = 1 voix,
  • la déconnexion avec le marché : la valeur des parts sociales est indépendante de la valeur du bien immobilier.

Les coopérateurs et coopératrices habitantEs, qui ne sont pas propriétaires de leur logement, mais de parts sociales de la coopérative, disposent de la jouissance de leur logement en contrepartie du versement d’une redevance mensuelle à la coopérative. La coopérative peut avoir d’autres associéEs non habitantEs, détenteurs ou détentrices de parts sociales, soutenant le projet sans droit d’usage mais avec une voix pondérée dans les prises de décision.

La coopérative d’habitantEs se déploie en ville comme à la campagne en s’adaptant à chaque fois au projet de vie de ses membres et à son environnement. À travers ces projets, c’est toute la chaîne de production de la cité qui est modifiée.

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Un chantier participatif au Moulinage de Chirols © Moulinage de Chirols
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Le groupe de l'îlot vert de la Soulondres qui porte un projet d'habitat à deux pas du centre-ville de Lodève (Hérault) © L'îlot vert de la Soulondres

3. Les habitantEs au cœur du projet

Les habitantEs sont la première ressource, au sens des communs définis par Elinor Ostrom16. ConscientEs d’hériter d’un espace qu’ils et elles vont transformer et dont chacunE va prendre soin pour le transmettre à leur tour, les habitantEs décident de la destinée de leur habitat avec les éluEs, les aménageurs, les architectes…

Cette envie d’habiter autrement engage les coopérateurs et coopératrices dans un cadre rarement ouvert aux non-professionnelLEs. Les futurEs habitantEs se découvrent maître d’ouvrage17 le temps de la phase conception, ou tout au long du projet, en fonction du niveau d’implication choisi dans l’acte de construire. Ce nouveau rôle de « maître d’ouvrage en apprentissage » leur permet d’accéder aux clés de compréhension du processus de production de logement, de ses acteurs et actrices et de ses enjeux économiques, leur procurant ainsi une capacité d’agir sur leur projet de vie et plus généralement sur la cité. Cette montée en compétences s’opère au fur et à mesure de l’avancement du projet, s’appuyant sur les principes de l’éducation populaire18 et par le développement de partenariats solides.

Cette maîtrise d’ouvrage « artisanale », qui se forme sur le terrain, singulière pour chaque projet, peut aussi éclairer et inspirer les maîtrises d’ouvrages professionnelles : comment décide-t-on plus collectivement ? Comment compose-t-on avec les contraintes et l’existant ?

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À L'Isle-Jourdain, travaux dans un appartement sous combles © Alter Habitat Lislois

3.1 La phase programmatique au service du projet social 

L’histoire d’une coopérative d’habitantEs commence souvent par la constitution d’un groupe de personnes en quête d’un habiter autrement, collectif et ouvert sur le voisinage et son environnement. Ce projet de vie avec une forte empreinte sociale, écologique et politique est central. L’acte de concevoir puis celui de construire ou de réhabiliter ne sont qu’une déclinaison concrète de la raison d’être du collectif. Ainsi, chaque projet de coopérative d’habitantEs est caractérisé par sa taille, sa localisation, sa raison d’être, ses valeurs et ses modes d’organisation. En plaçant le projet de vie au centre, les coopérateurs et coopératrices se concentrent sur la qualité des usages.

La forme collective de la propriété rend possible la concrétisation du caractère social de cette raison d’être : les logements comme les espaces privatifs sont la propriété de la coopérative, donc la propriété de l’ensemble des habitantEs. Quelle que soit la nature de l’espace, le programme résulte d’une recherche d’équilibre entre les besoins individuels et collectifs, les valeurs portées par le collectif et le modèle économique en découlant. Le « programme »19 évoqué ici n’est pas uniquement un programme architectural, mais bien le programme du projet social du collectif. C’est à partir de cette phase programmatique de maîtrise d’ouvrage que l’accompagnement du collectif par l’accompagnateur ou accompagnatrice20 devient essentiel.

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Une réunion du collectif au Moulinage de Chirols, 2018 © Thueyt Dion Cooper

Étape essentielle pour la vie future de la coopérative, l’accompagnateur ou accompagnatrice guide le collectif dans la définition du programme social et architectural de son projet d’habitat. Le collectif est amené à débrider son imaginaire, à sortir des cases habituelles en faisant émerger les valeurs des unEs et des autres qui vont plus ou moins converger. Ces valeurs se retrouvent bien souvent dans la notion d’intérêt général et du bien commun.

L’accompagnateur ou l’accompagnatrice amène le collectif à réfléchir sur des thématiques sociales et sociétales et à leur incarnation dans les actions individuelles : identifier les actions concrètes et quotidiennes de chacunE en matière de solidarité, d’écologie et d’entraide, questionner la signification d’« habiter », définir le regard porté sur les personnes en situation de handicap et les personnes âgées ou encore interroger la manière dont chacunE souhaite vivre dans son quartier. Par ailleurs, son rôle est aussi de donner à voir les conséquences réelles des idéaux et des rêves et de s’assurer que l’évolution du mode de vie liée à la forme coopérative conviendra bien.

Dans le projet H’Nord à Bordeaux, des ateliers de programmation et d’architecture ont, par exemple, été mis en place. L’objectif, en partant des besoins et des craintes de chacunE (entendre ses voisinEs, manquer de luminosité ou d’intimité…) était d’aboutir à un programme architectural collectif cohérent qui remporte l’adhésion du groupe, en prenant également en compte les spécificités du site (Plan Local d’Urbanisme – orientation, ensoleillement, accès, etc). Ces ateliers étaient animés par des coopérateurs et coopératrices habitantEs issuEs des métiers de l’architecture, mais ils sont plus communément menés par l’accompagnateur ou accompagnatrice.

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Un atelier de travail sur maquette au Cairn à Lyon, 2016 © Christine Chaudagne

Si à l’origine, elles sont essentiellement centrées sur l’habitation, de plus en plus de coopératives d’habitantEs font le choix de développer des activités économiques - la plupart du temps ouvertes sur le quartier - pour favoriser une autonomie énergétique et alimentaire : maraîchage, commerces, artisanat…

Malgré leur diversité, certains traits programmatiques architecturaux et de gouvernance partagée se retrouvent dans chaque coopérative :

  • Intégration de la mixité d’usages : salle commune, buanderie collective, zone de stockage alimentaire pour commandes groupées, atelier de bricolage et « espace sale ».
  • Intégration de la mixité fonctionnelle : logements et espaces communs adaptés (handicap, seniors, famille, …), bar associatif, commerce équitable, « tiers lieux » ou bureaux pour le télétravail, logements modulables, …
  • Intégration de la mixité sociale : la plupart des coopératives offre la possibilité aux membres de verser des apports financiers (parts sociales) en lien avec leurs capacités, ouvrant ainsi un accès au plus grand nombre. La plupart offre également des niveaux de redevances calculées en fonction des revenus des ménages.
  • Intégration de préoccupations environnementales : diminution des places de stationnement et mutualisation des véhicules polluants, augmentation des espaces vélos, toilettes sèches, sobriété des surfaces (chambres d’amiEs mutualisées, buanderie collective , douches…), emploi de matériaux locaux, …
  • Intégration d’un processus démocratique de décision : consensus, consentement et en dernier lieu vote avec la règle une personne = une voix.
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L'atelier de bricolage de la coopérative Chamarel @ Chamarel « Les Barges »

C’est en prenant le contre-pied de la conception classique de la propriété, des modes de prise de décision et du projet architectural que le projet commence à se dessiner et le collectif à se renforcer. Le modèle coopératif invite à prendre conscience de la force du collectif, du pouvoir de faire et constitue en ce sens un outil d’ouverture vers de nouveaux possibles passant par l’écriture d’un imaginaire individuel et collectif. Il réunit aussi, dans un même processus initial, écriture de la commande et constitution progressive d’une gouvernance usagère. Il constitue à ce titre une manière de faire particulièrement intéressante pour les projets d’habitat, d’équipements et de territoire.

3.2 Une architecture de narration

« L’être humain (ne disons pas l'homme) ne peut pas ne pas habiter en poète. Si on ne lui donne pas, comme offrande et don, une possibilité d’habiter poétiquement ou d’inventer une poésie, il la fabrique à sa manière »

Henri Lefebvre21

L’architecture donne corps au projet de vie et à la raison d’être du collectif. Elle est la concrétisation physique des besoins et des envies du groupe, le fruit des réflexions collectives et des rêveries. Pour unE architecte, concevoir avec les futurEs habitantEs est une aventure professionnelle et humaine. Elle nécessite de modifier sa méthodologie de travail, de changer sa posture et de devenir interprète auprès du groupe de coopérateurs et coopératrices pour traduire le programme défini en projet architectural :

« Une architecture d'interprétations, c’est le fait qu’on dessine d’abord quelque chose de conforme à la réglementation et à la commande, mais c'est une indication, au même titre qu'un metteur en scène qui écrit un scénario le transmet à un acteur ou une actrice, pour qu’ils l’interprètent à leur tour. […] Notre attitude revient plutôt à considérer le dessin comme une indication, et l’architecte conduit le maître d’ouvrage dans son interprétation. Là aussi, c'est une forme plus harmonieuse, et si l’on peut dire, démocratique ».

Patrick Bouchain, architecte 22

Cette manière de travailler, au plus près des futurEs habitantEs permet de concevoir des espaces incarnés avec un fort potentiel de projection et d’appropriation par les habitantEs non seulement parce qu’ils sont conformes aux attentes et aux usages mais aussi parce qu’ils sont issus d’un long processus de travail collectif nécessitant des moments d’arbitrages, de négociation et d’investissement.

Le changement de posture de l’architecte nécessite une bonne écoute et impose aussi un travail de transmission de savoirs (comme les clés de compréhension d’un plan) ainsi qu’un travail de développement d’outils de médiation architecturale (maquette démontable par exemple) pour que les futurEs habitantEs soient à même de comprendre le processus architectural ainsi que les contraintes techniques et réglementaires et de prendre des décisions éclairées  :

« Quand tu arrives à bien écouter, tu arrives à extraire des singularités qui vont permettre de faire de l’architecture. […] L’expression du bâtiment va plutôt exprimer le groupe habitant mais pour autant chacun arrive à s’y retrouver. […] A un moment, on dit que ce projet correspond à ce groupe d’habitants. […] Nous on aborde [l’architecture] par le biais de la narration ».

Hugues Joinau, architecte23
EL GAIED Alia, « Entretien avec Hugues Joinau, architecte au sein de l’agence Dauphins », Janvier 2023

Ces savoir-être et faire de l’architecte comme interprète nécessitent un apprentissage qui s’acquiert sur le terrain, auprès des collectifs ou encore mieux, mais encore rare, pendant les années d’études. Le cas des étudiantEs de l’école d’architecture de Lyon peut en témoigner.

À Vaux-en-Velin, des ateliers avec les étudiantEs de l’école d’architecture de Lyon, encadréEs par l’enseignant Rainier Hoddé24, ont été menés en phase de définition du programme, en amont du choix de l’architecte du projet avec un collectif d’habitantEs du groupe Chamarel.

Cette expérimentation particulièrement intéressante s’est déroulée en deux temps. La première partie a mobilisé une quinzaine d’étudiantEs travaillant directement avec le collectif. Par binôme, ils et elles se sont atteléEs à présenter des dispositifs architecturaux en s’appuyant sur des réalisations concrètes (typologie de logements, expositions, modularité, adaptabilité,…). Cela a permis au collectif d’habitantEs de se les approprier en même temps que les modes de représentations architecturales (plans, 3D, perspectives…). L’année suivante, ayant trouvé un foncier et avancé sur le programme architectural de maîtrise d’ouvrage, le collectif a travaillé, durant une semaine, avec un second groupe d’étudiantEs pour élaborer des projets centrés sur la qualité de vie permettant de développer les imaginaires. Ce travail, formateur pour les étudiantEs, a également permis au collectif de circonscrire ses besoins et les qualités recherchées pour recruter l’architecte de l’opération.

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Un patrimoine préservé, le salon d'apparat devient une belle pièce de vie, 2022 © Alter Habitat Lislois

Si la qualité d’écoute est centrale dans le choix de l’architecte, une forte sensibilité écologique dans sa pratique l’est aussi, car ce sont des préoccupations récurrentes chez les coopérateurs et coopératrices. En effet, les habitantEs pensent l’impact de leur projet à court, moyen et long termes. Certains projets investissent des bâtiments existants, comme Alter habitat Lislois au château de Panat à l’Isle-Jourdain ou le Moulin dans un immeuble du quartier de la Guillotière à Lyon. D’autres, qui choisissent la construction neuve, essayent de réduire l'empreinte environnementale de la construction et sont vigilantEs sur le choix des matériaux, les techniques et la compacité des constructions avec une emprise au sol maîtrisée, et cela même à la campagne, comme peut en témoigner le projet Ecoravie à Dieulefit dans la Drôme. Ce choix permet d’éviter une trop forte artificialisation des terres, de réduire la consommation en chauffage ainsi que les mètres linéaires de façade, ce qui a pour conséquence une réduction des besoins en matériaux de construction.

Cette attention portée à l’impact écologique du projet se traduit aussi par une anticipation sur le changement de profil ou de composition familiale des nouveaux ou nouvelles occupantEs (personne seule, couple, famille avec enfants, seniors,…) et l’évolutivité des espaces. Des projets comme Boboyaka la Castagne, projet pour des seniors à Bègles, ont fait ce pari : un logement T3 accolé à une grande chambre d’amiEs peut se transformer en deux T2 ; un T3 et un studio étudiant peuvent si besoin se transformer ultérieurement en deux T2.

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Boboyaka La Castagne - Plan d'un logement T3 qui peut évoluer en T2 © Agence Dauphins architecture
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Boboyaka La Castagne - Plan d'un logement T3 et d'un studio qui peuvent évoluer en deux T2 © Agence Dauphins architecture

3.3 Investir, apprivoiser ou déléguer le rôle de maître d’ouvrage de construction : des montages qui dépendent de l’implication des habitantEs

Si le manque d’expérience des habitantEs est parfois un obstacle, il peut néanmoins s’avérer être une source d’innovation, un terrain d’expérimentation qui ouvre d’autres possibles. Il permet parfois d’aller plus loin dans le projet, notamment en nouant des partenariats singuliers, qui peuvent conditionner la viabilité des projets immobiliers. Réfléchir à son propre habitat, le concevoir en collectif, investir des rôles traditionnellement réservés aux professionnelLes est aussi une formidable école de terrain.

Là aussi le rôle de l’accompagnateur ou accompagnatrice, comme maillon qui va permettre au collectif de trouver les partenaires pour réaliser son projet, est essentiel. En témoignent les membres de la coopérative Hicéo qui dans le quartier Bongraine à La Rochelle, repoussent chaque jour leurs limites pour apprivoiser le statut de maître d’ouvrage. Grâce aux échanges entre pairs, aux ressources partagées par le mouvement Habicoop, aux formations données par l’association ATcoop et à l’accompagnement de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, les coopérateurs et coopératrices sont de plus en plus capables de comprendre, de dialoguer avec les partenaires, d’impulser des idées et de décider collectivement.

Le témoignage des membres de la coopérative Hicéo, 2023

Deux niveaux de partenariats peuvent se recouper :

  • les partenaires en phase immobilière, constructeurs du projet (compétence de promoteur du bailleur social, promoteurs privés), c’est-à-dire toute la phase depuis la conception du projet architectural jusqu’à la livraison de l’opération ;
  • et les partenaires du projet de vie (associations, compétence de gestionnaire du bailleur social…) qui vont permettre à la coopérative de définir et de mettre en place son projet social (exploitation, gestion, utilisation).

a. La phase immobilière 

Concernant la phase immobilière, on observe quatre types de montages possibles qui se distinguent, entre autres, par le niveau de délégation de la conception et de la construction par le collectif. Ce choix, plus ou moins contraint, résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs. Il dépend d’abord du niveau d’implication que le groupe d’habitantEs souhaite et peut engager dans le projet et du niveau de maîtrise et d’autonomie qu’il souhaite conserver dans la conception et la construction de son habitat. Les retours d’expérience de différents projets permettent de définir des quantités de travail mobilisables et des temporalités de charge de travail dans la durée en fonction des phases. Cette charge de travail, qui n’entre pas dans le bilan de l’opération, gagnerait pourtant à être comptabilisée et valorisée (cf infra ancre vers valorisation de l'apport en industrie). La nature de l’écosystème local, la présence de promoteurs ouverts à la collaboration avec des coopératives d’habitantEs sont aussi déterminantes, de même que le niveau de prise de risques juridiques et financiers que le groupe souhaite engager.

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Une réunion à Chirols © Le Moulinage de Chirols
1. L’autopromotion

L’autopromotion pour les projets en neuf, montage où la coopérative est le promoteur du projet et porte à ce titre tous les risques liés à la construction, n’est juridiquement plus réalisable aujourd’hui pour les projets de coopératives d’habitantEs. La loi impose en effet à chaque société d’habitat participatif - dont font partie les coopératives - de justifier, avant tout commencement de travaux de construction, d'une garantie financière d’achèvement des travaux25. Les organismes qui proposent classiquement ces garanties aux promoteurs refusent de les apporter aux coopératives, considérées comme promoteurs occasionnels et plus « à risque » qu’un acteur professionnel de la promotion immobilière.

2. Le contrat de promotion immobilière

Le Contrat de Promotion Immobilière (CPI)26 est conclu entre une coopérative maître d’ouvrage et un promoteur à qui elle confie par mandat, après avoir acquis le foncier ou le bâti, la maîtrise juridique, financière et administrative de l’opération. Il peut être contracté à différents moments de la phase immobilière (plus ou moins en amont de la phase opérationnelle) en fonction des capacités financières de la coopérative à porter notamment les études pré-opérationnelles. Les risques sont portés par le promoteur, la coopérative d’habitantEs n’a pas non plus à apporter de garantie financière Le contrat de promotion immobilière cesse à la livraison du bien.

Ainsi la société coopérative Mosaïcoop de Crolles a financé les études de programmation et de conception architecturale jusqu’au lancement de la consultation des entreprises, le « promoteur social »27 partenaire se positionnant durant cette phase en assistant maître d’ouvrage « observateur » auprès de la société coopérative. Les coopérateurs et coopératrices participent donc pleinement en phase de conception tandis qu’en phase de construction, si le collectif reste maître d’ouvrage, il confiera par mandat la réalisation de l’opération au promoteur, ce qui peut conduire celui-ci à prendre des décisions qui ne satisfont pas le collectif.

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Chantier, 2021 © Alter Habitat Lislois
3. Le Contrat de Promotion Habitants (CPH)

Le Contrat de Promotion Habitants (CPH) est un dispositif « unique » proposé par Cap Habitat Coopératif (CHC), une société créée pour promouvoir le modèle coopératif dans l’habitat et accompagner les projets dans leur création et leur fonctionnement. Grâce à ce dispositif, Cap Habitat Coopératif, qui se positionne comme promoteur, conclut avec les futurEs habitantEs - souvent organiséEs en une association de préfiguration de la coopérative d’habitantEs - un contrat dit de promotion habitants (CPH) très en amont dans le projet de coopérative, ce qui permet au collectif de s’impliquer très tôt et d’en saisir toutes les étapes. L'accompagnement des habitantEs proposé par CHC vise ainsi à faciliter le développement de l'intelligence collective ainsi que le développement personnel en tant qu' « habitantE ».

Initié en 2020, fruit d’un travail avec un juriste, le CPH est un contrat cadre qui se construit en deux temps autour de la notion de « promotion habitante ». Dans un premier temps, en phase conception et jusqu'à la création de la coopérative et l’obtention des financements, CHC en tant que promoteur assure la maîtrise d’ouvrage, finance les études pré-opérationnelles, porte les risques, jusqu'à l'acquisition du terrain par la coopérative et l’assurance qu’elle puisse pourvoir à tous les frais en phase opérationnelle. Il est en effet souvent difficile pour un groupe d’habitantEs d’obtenir des prêts individuels pour financer des études pré-opérationnelles. La société accompagne l'association de préfiguration de la coopérative et rémunère les différentEs intervenantEs (architectes, bureaux d’étude, bureau de contrôle, coordonnateur de sécurité et de protection de la santé...). Pour autant, les intervenantEs sont choisiEs par l'association à laquelle CHC propose divers ateliers : travail sur le « nous », montage juridique et financier, aspects immobiliers, partenaires éventuelLEs pour atteindre les objectifs définis dans le pré-programme (projet social),... Des clauses de substitution sont inscrites dans les contrats avec les différents partenaires mobiliséEs , qui permettent à tout moment, dès lors que les futurEs habitantEs sont en mesure de s’engager, de transférer la maîtrise d’ouvrage de Cap habitat coopératif à la coopérative.

Lorsque la coopérative a obtenu les financements nécessaires au développement du projet, elle « rembourse » CHC des frais engagés en phase conception et rémunère ses prestations (accompagnement, ateliers)28. Les contrats conclus avec les différentEs intervenantEs sont transférés à la coopérative qui devient alors pleinement maître d'ouvrage. Si finalement le groupe ne parvient pas à poursuivre son projet collectif (si le groupe se sépare, si finalement il ne parvient pas à obtenir les financements nécessaires au projet…), CHC conserve la propriété des études et a la possibilité de « transformer » le projet immobilier en une opération de logements plus classique.

Si la coopérative est assurée d’obtenir les financements de l’opération, s’ouvre alors un second temps, à l'entrée en phase opérationnelle, où elle conclut un contrat de promotion immobilière (CPI) avec le promoteur - qui peut être CHC - qui apportera la garantie financière requise et portera les risques de l’opération. Durant cette phase, selon leurs souhaits, et si le Contrat se poursuit avec Cap Habitat Coopératif, les coopérateurs et coopératrices ont la possibilité de participer à l'ensemble des réunions, de valider les choix techniques et d’échanger avec les aménageurs, les promoteurs, les entreprises, contribuant ainsi à la définition du cadre de construction. Cette implication leur permet de « prendre en main » leur projet immobilier et d’acquérir aussi des connaissances et des compétences utiles, ensuite, à la gestion du bien immobilier (maintenance, gestion des spécificités techniques…). Le CPI prend fin à la livraison de l’opération. Toutefois, l'accompagnement de CHC se poursuit pendant l'année de parfait achèvement afin de s'assurer de la bonne prise en main par les habitantEs de leurs obligations en tant que collectif propriétaire.

A Lyon, au sein de la ZAC des Girondins, les membres des coopératives « Les Cardons ardents » et de l’Île aux 7 travaillent avec Cap Habitat Coopératif sur la base d’un CPH. Les futurEs habitantEs ont travaillé avec l’aménageur pour définir ensemble la fiche de lots de l’opération qui comprend 2 600 m2 habitables destinés aux deux groupes et autant de surface de bureaux en rez-de-chaussée, R+1 et R+2. CHC étant plutôt spécialisé dans le logement, c’est un autre promoteur qui s’occupe de la conception des bureaux. Ce dernier, co-maître d’ouvrage donc, a été choisi par les futurEs habitantEs avec l’objectif de construire les bureaux et d’imaginer des espaces mixtes en termes d’usage, utilisables tant par les habitantEs que par les employéEs (terrasses, espaces partagés…).

4. La Vente en l’État de Futur Achèvement (VEFA)

La Vente en l’État de Futur Achèvement (VEFA) est un montage où le promoteur porte l’intégralité de la phase immobilière et vend les logements achevés à la coopérative. Si ce type de montage implique moins de risques en termes juridiques et financiers pour la coopérative (le constructeur apporte les garanties financières et assure la gestion de chantier), il restreint la capacité de décision du groupe d’habitantEs dans la conception et la réalisation de leur opération. Pour cette raison, ce montage n’est pas privilégié en première intention, le choix est souvent contraint et émane la plupart du temps du partenariat noué avec le bailleur. Ce montage, dans lequel la coopérative n’assure pas la maîtrise d’ouvrage (le promoteur la conserve jusqu’à la réception des travaux), peut être plus ou moins participatif. Abricoop à Toulouse et Le Cairn/ le groupe du 4 mars à Lyon fournissent deux exemples opérationnels de coopératives qui ont privilégié la VEFA.

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Jardinage au Cairn ou Groupe du 4 mars à Lyon, 2022 © Christine Chaudagne
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Des jeux au Cairn ou Groupe du 4 mars à Lyon, 2020 © Christine Chaudagne

Abricoop a noué un partenariat avec le bailleur social Les Chalets, maître d’ouvrage et promoteur de l’îlot de la Cartoucherie où est situé l’immeuble des coopérateurs et coopératrices. Les AbricopienNEs ont été maître d’ouvrage en phase de conception, et ce jusqu’à la fin des négociations avec les entreprises, puis ils ont transféré les études au promoteur qui leur a ensuite proposé une VEFA pour la phase chantier. Le groupe des Chalets étant maître d’ouvrage sur le même lot de nombreux autres logements, il a souhaité n’avoir recours qu’ à un seul mode opératoire pour tous et toutes et a imposé la VEFA. La coopérative a ensuite suivi le chantier autant que possible (en fonction de la bonne volonté du promoteur).

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Une réunion sur le toit terrasse de la coopérative Abricoop pendant la crise du covid © Abricoop

Le groupe du 4 Mars s’est, lui, appuyé sur Alliade Habitat (promoteur social) de la programmation à la livraison. Il a conclu un « Contrat d’étude participatif » lui permettant d’être complètement associé aux différentes phases de conception de l’immeuble dans la perspective de la signature d’un « Contrat d’engagement » : c’est ce qu’on appelle la « VEFA participative »30.

« En effet, être maîtrise d’ouvrage, c’est être propriétaire du bien immobilier dès l’achat du terrain, ce qui implique de décider du choix de l’architecte, d’arbitrer les choix techniques et économiques, de choisir les entreprises de construction, de suivre la bonne réalisation des travaux, de disposer d’une « assurance constructeur », de tenir le calendrier de construction, d’assumer les risques et les aléas d’un projet immobilier, d’animer les réunions hebdomadaires de chantiers, etc. Il nous a semblé que ce statut de maîtrise d’ouvrage n’était pas envisageable pour nous. Mais d’autres groupes ont fait ce choix comme le Village Vertical »31.

Alliade Habitat a assuré la maîtrise d’ouvrage de l’opération, tout en associant les membres de la coopérative de manière consultative à différentes étapes du projet, y compris sur la fixation des prix de sortie des logements. Les coopérateurs et coopératrices ont contribué ponctuellement, notamment dans la phase programmatique (travail sur un pré-programme qui a permis de co-élaborer un cahier des charges pour l’appel à candidature des architectes ainsi que des critères de sélection de l’architecte, avis consultation pour la sélection), et via la participation à des ateliers avec le bailleur et l’architecte pour intégrer les propositions habitantes et finaliser le programme en vue du dépôt du permis de construire.

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Tableau de synthèse des différents montages

b. Les partenaires du projet de vie

Certains collectifs élaborent des projet de vie inclusifs et font le souhait d’accueillir à leur côté des ménages non coopérateurs plus modestes ou fragiles dont certains bénéficient d’un accompagnement social. Ils nouent alors des partenariats avec des structures qui accompagnent ces personnes et favorisent leur accès au logement et leur insertion socio-professionnelle. Certains logements au sein de la coopérative peuvent alors leur être réservés dans la durée.

Ainsi, dans le cadre du projet du Village Vertical de Villeurbanne, les habitantEs ont souhaité proposer à des jeunes quasi autonomes de 18 à 30 ans, accompagnéEs par l’association d'Aide au logement des jeunes (AILOJ) de vivre et de partager leurs espaces communs. Un partenariat s’est noué avec l’association qui les accompagne vers l’accès à un logement autonome. Le Village vertical comporte 14 logements dont un logement libre, neuf en Prêt locatif social (PLS) et quatre en Prêt Locatif Aidé d'Intégration (PLAI), ce qui a permis à quatre jeunes de rejoindre les habitantEs coopérateurs et coopératrices. Dans une optique de promouvoir mixité et vivre ensemble, ces jeunes sont partie intégrante de la vie de la coopérative et bénéficient d’un accompagnement social par l’association.

Un autre exemple, celui de la coopérative UTOP dans le 20ème arrondissement de Paris, a souhaité que trois logements, sur un total de 17, soient dédiés à des familles accompagnées par Habitat et Humanisme. Le groupe d’habitantEs a été retenu dans le cadre d’un appel à projet de la Ville de Paris en 2014 et emménagera en octobre 2023. Ce projet a été soutenu par la coopérative HLM « Coop Immo » qui a acheté le foncier (prêt Gaïa sur 60 ans), puis signé un bail à construction avec la SAS coopérative UTOP, dont elle détient une part sociale. Ce groupe d’habitantEs a créé 3 niveaux de redevances (équivalent à des loyers) selon les revenus des ménages.

4. Économie de projet : un équilibre à trouver entre moyens mobilisables et projet de vie

La coopérative d’habitantEs offre la possibilité à des personnes aux ressources financières parfois modestes de devenir acteurs ou actrices dans la production de leur habitat et la concrétisation d’un projet de vie, en dehors de toute logique de rentabilité/retours financiers sur investissement.

Elle permet de créer une solidarité interne dans le but de tendre vers une équité dans l’effort financier fourni pour se loger : les futurEs habitantEs partent des revenus de chaque ménage et créent plusieurs niveaux de redevance mensuelle. Cette idée simple et solidaire a la vertu de permettre à chacunE de payer son « loyer » au prorata de ses moyens financiers. Cette solidarité se retrouve également au niveau des apports en capital.

L’argent et le temps investis dans la coopérative servent à produire un habitat écologique et de bonne qualité à sa juste valeur c’est-à-dire au prix de la matière première et de la rémunération du travail des intervenantEs (dont l’accompagnateur ou accompagnatrice, la maîtrise d’œuvre et la main d’œuvre des artisanEs,…). La notion de prix de sortie, répandue dans la production immobilière, est remise en cause dans les projets de coopératives d’habitantEs. Y prime la recherche d’un équilibre entre le coût de l’opération (dépendant des aspirations des coopérateurs et coopératrices) et le plan de financement (qui dépend de la capacité financière des coopérateurs et coopératrices habitantEs et associéES et des prêts et/ou subventions obtenus). Cet équilibre étant difficile à trouver, parfois fragile, la coopérative d’habitantEs, au regard de moyens financiers mobilisables, peut être conduite à opérer des arbitrages et revoir son projet initial (réduction de la taille des logements, de la salle commune…). Autre arbitrage récurrent, celui qui consiste dans la répartition entre dépenses d’investissement et dépenses de fonctionnement : souvent l’augmentation des premières entraîne une réduction des secondes. Par exemple, investir davantage dans l’isolation du bâti augmente les coûts d’investissement mais réduit ensuite les coûts de chauffage ou climatisation. Ces choix ne peuvent être faits que collectivement par les coopérateurs et coopératrices parce qu’ils et elles en seront les futurEs habitantEs et usagèrEs.

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Le Moulinage de Chirols en chantier : le collectif à l’œuvre, 2022 © Lucien Lung

4.1 Un capital d’amorçage minimum nécessaire pour initier un projet coopératif

La coopérative finance en partie son projet avec des capitaux propres (via les parts sociales souscrites par les coopérateurs et les coopératrices) et en grande partie avec des emprunts. Elle doit apporter au minimum 20 % du coût de l’opération qui permettront de contracter un emprunt avec des mensualités bancaires soutenables. Constitués des apports initiaux des coopérateurs et coopératrices habitantEs et associéEs sous la forme de parts sociales, ces 20 % sont répartis de manière différente entre les coopérateurs et coopératrices en fonction des statuts de la coopérative. Si pour certaines coopératives, le montant de l’apport individuel se fait en fonction de la taille du logement souhaité, le plupart d’entre elles appliquent la règle de « chacunE selon ses moyens » sachant que les apports conséquents sont traités d’une manière très prudente puisqu’ils peuvent fragiliser la stabilité de la coopérative en cas de départ. Pour compléter le financement, la coopérative peut faire appel à de l’investissement citoyen, à des subventions d’institutions ou à un emprunt bancaire32. Cependant, l’accès à un emprunt bancaire peut être plus ou moins compliqué en fonction des territoires, principalement par méconnaissance de ces types de montage. Certains de ces emprunts bancaires peuvent nécessiter des garanties des collectivités, par exemple les Prêts Locatifs Sociaux (PLS).

4.2 Le Prêt Locatif Social (PLS)

Les coopératives d’habitantEs prennent souvent le parti de réunir des personnes aux profils divers quant à leurs revenus, leur parcours de vie, leur culture, leur âge… Certaines souhaitent permettre l’accès à la coopérative à des ménages dont les revenus sont modestes ou très modestes. Pour les habitantEs les plus modestes voire en situation de précarité, elles peuvent nouer des partenariats avec des associations d’hébergement (social ou d’urgence)33 . Elles peuvent aussi recourir au Prêt Locatif Social (PLS) qu'elles portent elles-mêmes, sans faire appel à une structure tierce. Ainsi, depuis 10 ans, les coopératives ont pu faire appel au PLS34 pour permettre un accès à la coopérative aux ménages modestes. L'accès au PLS a été jusqu’à présent, un outil de mixité de revenus au sein d'une même coopérative.

Ce prêt est soumis à un agrément de l’État ainsi qu’à l’obligation de louer les logements financés à des personnes en dessous des plafonds de ressources définis par l’État. Sa mobilisation apporte des avantages : durée d’emprunts pouvant aller jusqu’à 50 ans, indexation sur le taux du livret A, exonération de la taxe foncière sur le bâti concerné sur 25 ans, TVA réduite à 10% .

Cependant, depuis quelques années, certains agréments PLS sont refusés par les services instructeurs de l’État, au motif d’une incompatibilité entre le fait de détenir des parts sociales et d’être locataire d’un logement financé par un PLS..Pourtant, les logements des coopératives sont comptabilisés dans le ratio de 25 % de logements locatifs sociaux que les collectivités locales doivent construire dans le cadre de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) qui vise à « ré-équilibrer » les territoires en matière d’offre de logements sociaux.

La Fédération sollicite l’État pour créer un nouveau prêt pérenne dédié aux coopératives d’habitantES qui répondra à leurs principales caractéristiques sur l’ensemble du territoire et permettra alors de développer plus facilement ces projets dont les trois quarts des habitantEs disposent de revenus modestes, voire très modestes.

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Le Moulin-La Gargousse est un projet d'habitat partagé dans un immeuble à réhabiliter à Lyon. Ici, les peintures sont fraîches et les coopérateurs vont bientôt pouvoir s’installer, 2021 @ Marie Bienaimé
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Ici, jour d’emménagement !, 2021 @ Marie Bienaimé
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Ici, bébé est né peu après l’installation !, 2022 @ Marie Bienaimé

4.3 Valoriser l’apport en industrie des habitantEs dans le capital apporté au projet

Pour réduire encore le coût de l’opération, certaines coopératives ont recours à l’auto-construction ou à l’auto-réhabilitation. Le temps passé individuellement et collectivement donne une capacité d’agir aux groupes. Il permet aussi de construire une histoire collective, de créer un lien et un socle commun. Cela fait écho au principe de l’apport-travail porté par les Castors et intégré dans la législation dans les années 1950 qui désigne « le moyen mis à la disposition de ceux qui n’ayant pas la possibilité de faire l’apport-espèces pour bénéficier de l’aide de l’État, participent effectivement à la construction de leur logement »35. La prise en compte du travail fourni, comptabilisé dans l’apport de capital en industrie, vise à permettre aux coopérateurs et coopératrices, notamment les plus modestes, de valoriser des compétences en matière de construction, utiles au projet.

Cependant, en l’état actuel du droit, le temps de travail investi ne peut être valorisé en parts sociales monnayables. Si la loi ALUR a introduit la possibilité d’intégrer l’apport en industrie36 au capital social de la coopérative, sous la forme d’un apport-travail fourni par les coopérateurs et coopératrices lors de la phase de construction ou de rénovation du projet immobilier ou lors de travaux de réhabilitation du bâti37, aucun décret d’application n’est encore paru. Le motif invoqué repose vraisemblablement sur le défaut « d’un dispositif qui permettrait aux associés de se couvrir contre les risques de dommages qu'ils pourraient causer aux biens ou aux personnes à l'occasion de leur apport-travail »38.

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Le Moulinage de Chirols en chantier : le collectif à l’œuvre, 2022 © Lucien Lung

5. Chantier ouvert aux habitantEs 

La participation au chantier se cantonne généralement, pour les futurEs habitantEs, au moment symbolique de la pose de la première pierre et aux réunions de chantier hebdomadaires avec le promoteur, le maître d'œuvre et les entreprises. Mais parfois, c'est le début d'une nouvelle aventure, et pas des moindres. L'An 01, le 23 à Anères ou encore le Moulinage de Chirols sont quelques exemples de projets qui ont transformé ce moment clé du chantier en une école humaine et de capacité/pouvoir d’agir.

5.1 Se réapproprier le patrimoine et faire avec l’existant

Une ancienne filature et son moulin, un château avec les moulures de la chambre de la marquise ou encore un ancien couvent et la maison de retraite d'une congrégation de sœurs franciscaines, certains projets de coopératives d’habitantEs font le pari d’écrire une nouvelle page dans l’histoire d’un lieu pour lutter, entre autres, contre l’étalement urbain, la désertification des centre-bourgs, la banalisation des paysages et la sur-utilisation des ressources.

Faire avec l’existant se traduit par la préservation et le réemploi,  autant que faire se peut, de matériaux et de formes déjà là (pierres taillées, charpente, moulures, cheminées, bibliothèques, tuiles…) et convoque des savoir-faire artisanaux (menuiserie, construction en pierre sèche, enduits…). Les réhabilitations se font avec les moyens du bord : trier les déchets et réutiliser le bois, les isolants, le métal et autres éléments découverts au fil des travaux. Quant au choix des matériaux neufs, il se porte de préférence sur des éléments biosourcés et des matières premières locales. Cette attention portée au patrimoine et au terroir peut aller, dans certains projets, jusqu’à la fabrication de matériaux de construction sur place comme le pratique le moulinage de Chirols avec les briques de chanvre pour l’isolation et les cloisons.

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La coopérative Le Moulin - La Gargousse a investi un ancien immeuble du quartier de la Guillotière à Lyon, 2020 © Marie Bienaimé
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La coopérative Le Moulin - La Gargousse a investi un ancien immeuble du quartier de la Guillotière à Lyon, 2018 © Marie Bienaimé
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La coopérative Le Moulin - La Gargousse a investi un ancien immeuble du quartier de la Guillotière à Lyon, 2018 © Marie Bienaimé

5.2 Du temporaire qui dure : des espaces « temporitifs » 

« Au moulinage, on crée. Tous les jours, tout le temps, dès qu’on a besoin d’un truc qui n’existe pas encore, on se dit : on n’a qu’à l’inventer. Et des fois, ça marche ! Comme quand il nous manque un mot pour désigner un truc qu’on vit, une réalité bien réelle de notre quotidien qui n’est pas vraiment du temporaire, mais dont on sait qu’elle va quand même durer longtemps, sans devenir pour autant du définitif… Alors au moulinage, on a créé : le “temporitif”39 ! »

Moulinage de Chirols

Commencer un chantier en y habitant demande une certaine logistique et organisation. Au Moulinage de Chirols comme à Alter-habitat Lislois, la mise en place des espaces collectifs non définitifs a constitué le point de départ : un foyer pour cuisiner et manger ensemble, des sanitaires, un espace servant aux réunions et aux célébrations, des espaces pour se loger - un dortoir et parfois même un logement temporaire le temps de terminer les travaux du logement. Ils sont fabriqués avec des matériaux récupérés mais assez confortables pour permettre d’y vivre le temps long du chantier. Au moulinage, ces espaces « temporitifs » sont cloisonnés avec des panneaux de décors de théâtre venus de l’Opéra de Lyon. Entre ces panneaux, les habitantEs ont installé des plaques de laine de verre présentes dans les bâtiments avant leur arrivée. Cette conception de l’espace-temps permet comme l’expriment les habitanEs :

« [de] se donner le temps de goûter aux espaces et d’identifier progressivement leurs usages, plutôt que de plaquer des idées pré-définies sur des parties du bâtiment avant d’y avoir vécu. L’expérience temporitive nous oblige à lâcher un peu prise sur le temps, à accepter que le temps peut être un peu élastique, et que le chemin compte autant que l’objectif ! »

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Au Moulinage de Chirols, des espaces temporitifs : le foyer cuisine, 2022 © Moulinage de Chirols

5.3 Le chantier participatif : une école de terrain ?

Dans le foyer collectif du moulinage de Chirols, un grand tableau liste les tâches de la semaine, chacunE s’y inscrit en mettant une croix devant ses disponibilités. Le chantier ne se réduit pas seulement à réaliser des travaux de construction, c’est aussi la logistique globale comme la préparation du repas collectif et le rangement. À l’AN 01, la gestion du chantier a engendré des réflexions autour de la répartition genrée du travail et le besoin de poser un cadre collectif autour de cette question que les habitantEs ont formalisé dans une fiche « Faire des travaux ensemble, à l’AN 01 ».

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Le Moulinage en chantier : récupération des IPN du bâtiment, 2020 © Moulinage de Chirols

Quand commence une journée de travail, les travailleurs et les travailleuses, toustes adhérentEs à l’association gestionnaire de lieu et du chantier40, se retrouvent autour du café puis enfilent leur « bleu de travail » pour avancer ensemble sur les tâches ciblées. Toutes et tous participent aux travaux des différents espaces. C’est l’occasion d’apprendre des compétences diverses en construction et de manipuler de nouveaux outils. De temps en temps, les connaissances des coopérateurs et coopératrices ne suffisent pas et l’apprentissage sur le tas avec des tutoriels trouve ses limites. C’est alors que la coopérative d’habitantEs fait appel à des professionnelLEs et des artisans locaux ou localLEs qui réalisent des travaux ou encadrent des chantiers de formation. Ce recours aux professionnelLEs peut s’avérer important aussi pour des questions d’assurances.

Ainsi, pourrait-on essaimer, étendre ces manières de formaliser une commande, de travailler collectivement à la conception ? Faire du chantier un lieu de contribution, d’apprentissage, de formation qui porterait aussi sur le soin et l’entretien des futurs espaces de vie pour des projets d’habitat, de territoire et d’équipements ?

Certaines démarches s’inspirent déjà de ces méthodes ou développent des manières de faire très ancrées sur le terrain, telles que les permanences architecturales - notamment celles menées à Boulogne ou encore à Claveau -, qui réhabilitent et construisent en menant les études de programmation et architecturales sur place et avec les habitantEs.

6. La coopérative d’habitantEs : une capacité d’agir dans son habitat et dans la cité !

6.1 Gouvernance : un coopérateur ou une coopératrice = une voix

Le mode de gouvernance au sein d’une coopérative est très simple : chaque coopérateur et coopératrice habitantE détient une voix, quel que soit le nombre de parts sociales détenues, la superficie du logement ou le temps passé au sein de la coopérative. Ce fonctionnement démocratique permet et contraint chacunE à s’exprimer de manière égale sur la vie au sein de la coopérative. Aucun habitantE seulE ne peut avoir d’avis majoritaire.

Les coopérateurs et coopératrices non habitantEs ou soutenantEs, ditEs associéEs, sont présentEs aux assemblées générales, mais n’ont pas de pouvoir de prise de décision sur le mode de vie. Les coopérateurs et coopératrices habitantEs recherchent généralement la prise de décision au consensus, préférant reporter celles pour lesquelles celui-ci n’a pas été atteint, considérant que toustes les membres n’ont pas eu le temps d’assimiler les enjeux. En cas d’impossibilité, la majorité utilise la prise de décision au consentement, et si cette étape se révèle elle aussi impossible, in fine, le vote. Le mode de prise de décision est l'un des premiers points abordés par un collectif. Il se met en place avant la création de la coopérative et évolue dans le temps en fonction des retours d'expériences, y compris lors de la vie de la coopérative.

6.2 Vie dans la coopérative

La coopérative d’habitantEs est l’unique propriétaire du ou des immeubles. En ce sens, elle peut gérer le bien sans mobiliser de syndic. Cette gestion se fait d’autant plus facilement que les habitantEs se sont impliquéEs dans l’acte de construire, en particulier lors de la phase chantier où chacun a pu s’approprier pleinement le bâti.

L’exemple de la coopérative en autopromotion Chamarel « Les Barges » est remarquable. Les coopérateurs et coopératrices effectuent un suivi quotidien du bâtiment. Par leur présence et leur attention quotidienne, les habitantEs ont par exemple décelé un mauvais fonctionnement des panneaux solaires, amélioré les protections solaires, anticipé les changements de menuiseries défectueuses, … D’autres part, les habitantES, formées à la technique de l’enduit terre-paille, sont également capables d’entretenir et de refaire les enduits au fil de l’eau.

Les habitantEs ont également choisi de travailler sur les futurs frais d’entretien et de gros travaux en réalisant un plan pluriannuel de travaux sur vingt ans. Il est à noter que les entreprises de maintenance consultées lors de la réalisation de ce plan ont toutes déclaré que la durée de vie des composants serait supérieure à celle observée classiquement, les habitantEs prenant grand soin du bâti. La vie dans la coopérative reste un véritable outil de pouvoir d’action/pouvoir d’agir personnel permanent.

Ici, l’appropriation, l’investissement dans le projet constructif permettent des gestions économes, souples, joyeuses, concrètes. Le modèle de coopérative d’habitantEs inspire d’ailleurs à d’autres échelles : celle du quartier, celle de la ville.

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Au Moulinage de Chirols : un repas au foyer, 2020 © Dion

6.3 Prolonger l'engagement et la dynamique coopérative hors des logements à plus large échelle

La coopération ne s’arrête pas à la porte de la coopérative d’habitantEs. La défense d’un vivre ensemble plus démocratique, solidaire et écologique inhérent à la coopérative se déploie et gagne progressivement « l’extérieur », portée et encouragée par ses membres.

À Abricoop à Toulouse41, grâce à la coopération entre coopératives et à l’engagement vers la collectivité, deux des sept principes de la coopération de l’Alliance coopérative internationale sont fortement incarnés au quotidien. Les habitantEs de la coopérative toulousaine sont pour la plupart bénévoles au sein des associations et des collectifs du quartier. CertainEs ont aussi été en partie initiateurs et initiatrices d’un collectif d’opposition à une modification du Plan local d'urbanisme et à un projet de bureaux qui aurait remplacé un projet d’équipement public prévu à l’origine sur le même emplacement42. Parallèlement, certaines d’entre elles et eux se sont lancéEs dans la création d’une association de préfiguration à une Société Coopérative d'Intérêt Collectif (SCIC) pour développer des services et des lieux centrés sur les activités de l’économie circulaire, de la logistique et de la mobilité douce au profit du quartier et des zones limitrophes, de ses habitantEs, usagerEs et professionnelLEs.

Aussi, les membres de la coopérative d’habitantEs du Moulinage de Chirols participent à la programmation régulière d’événements culturels développée parfois en partenariat avec d’autres structures et collectifs de la commune, dans laquelle ils se mobilisent également politiquement. Ses membres ont ainsi réussi à influer sur le conseil municipal : en vue de l’élection municipale de 2020, des coopérateurs et coopératrices habitantEs engagéEs dans les conseils citoyens ont encouragé le maire sortant à constituer une liste autour d’un projet de gouvernance partagée. Le nouveau conseil municipal a posé le cadre pour que les habitantEs de la commune puissent proposer la création d’un atelier-projet ouvert à toutes et tous dans lequel sont discutées horizontalement des problématiques majeures de la gestion de la commune.

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Présentation des métiers aux collégienNEs de Montpezat, 2019 © Moulinage de Chirols

Ces deux cas ne sont pas isolés. D’autres coopératives voient aussi leurs habitantEs s’investir dans leur quartier et dans la ville. A l’étranger, des quartiers entiers sont ainsi animés par des coopératives. C'est notamment le cas en Suisse où la tradition coopérative est bien ancrée.

A Zurich où l’histoire coopérative est ancienne, près d’un quart du parc immobilier zurichois est détenu par des coopératives et des organisations à but non lucratif. Le projet « Mehr als Wohnen » (« Plus que du logement ») a été initié en 2007 lors du centenaire de la politique municipale du logement avec l’objectif de développer un quartier d’habitation modèle, durable et abordable, une utopie urbaine moderne d’intérêt collectif. La coopérative nouvellement constituée suite à l’association d’une cinquantaine de coopératives de toute taille et d’âges divers, lance alors un appel à idées « Comment vivre demain ? » destiné à alimenter le cahier des charges du concours d’architecture et d’urbanisme, remporté par deux agences zurichoises Futurafrosch et Duplex. Le projet, fortement soutenu, est suivi et documenté par plusieurs structures universitaires et institutionnelles dans le but d’en tirer les enseignements et de faire essaimer le projet. En 2011, la coopérative Mehr als Wohnen obtient de la ville de Zurich, la mise à disposition d’un terrain de 40 000 m2 à Hunziker-Areal tandis que la même année, consultée par référendum, la population s’est prononcée favorablement quant à l’adoption d’une loi visant à atteindre le tiers de logements non spéculatif à horizon 2050, qui pousse la ville à enrichir le cadre et les outils afin d’encourager le développement de logements à but non lucratif et participatifs. Si les surfaces privatives sont réduites par rapport à la moyenne nationale, ils sont modulables et évolutifs et les espaces partagés (sauna, toit terrasse, atelier de réparation, salle de projection ...) sont généreux. A l’écoute des besoins des habitantEs voisins du quartier en devenir et afin d’intégrer ce nouveau quartier dans la ville, outre les logements et les espaces publics, sont proposés une école, des bureaux et des espaces en rez-des-chaussées destinés à un restaurant, une boulangerie et autres locaux dédiés à l’artisanat local, à des loyers abordables. Cette expérimentation à grande échelle livrée en 2015, d’ordre urbain, architectural et technique est aussi une expérimentation politique, une forme de démonstration de la possibilité de décider ensemble - tant à l'étape de l'initiative de la construction que, une fois livrée, dans son fonctionnement quotidien-, de créer un commun à une échelle plus grande que son logement dans un but d’intérêt général.

7. Démocratiser les coopératives pour une réelle transformation sociale

« Une idée devient une force lorsqu'elle s'empare des masses »

Karl Marx

La Fédération Habicoop porte un plaidoyer à différentes échelles : institutions, acteurs et actrices de l’habitat et grand public. Le mouvement de pensée, d’engagement et d’actes des coopérateurs et coopératrices a besoin de rencontrer des volontés politiques, de la collectivité locale à l’État, pour démultiplier ces initiatives et réduire leur durée de mise en œuvre.

La collectivité locale est le premier acteur institutionnel vers lequel se tourne un collectif d’habitantEs, notamment lors de la recherche d’un terrain ou d’un bâti à rénover. En maîtrisant son foncier une collectivité locale permet de ralentir la hausse des prix des terrains et garde en même temps plus de latitude pour penser son (a)ménagement. Ménager la terre (une autre ressource commune), ménager la ville en s’appuyant sur le « déjà-là », en arrêtant l’étalement urbain et plus généralement en recherchant le « desserrement des villes »43 : la prise de conscience que les ressources ne sont pas inépuisables est présente chez les coopérateurs et coopératrices quand ils se réapproprient collectivement un territoire.

Les éluEs locaux et locales, par le soutien et la « délégation de confiance » accordés aux collectifs d’habitants dans les projets de coopératives, peuvent faire levier et permettre d’espérer d’ouvrir la voie et l’engagement des autres institutions.

Les collectivités locales disposent de plusieurs leviers pour alléger la pression foncière et rendre ainsi le logement plus abordable : les PLU-I, le démembrement de la propriété, la dissociation du foncier et du bâti (le bail emphytéotique44 et le bail à construction45), les établissements publics fonciers … Le dispositif d’Office Foncier Solidaire46 (assorti du Bail réel solidaire), développé ces dernières années par les collectivités locales ou les bailleurs sociaux47, a cette vertu de permettre une maîtrise du foncier et d’alléger son coût. Il est uniquement accessible aux personnes dont les revenus se situent sous les plafonds du Prêt Social Location-Accession (PSLA). Or les coopératives comptent pratiquement toutes un ou plusieurs ménages au-dessus de ces plafonds. Une adaptation réglementaire de ce dispositif faciliterait sa mobilisation par les coopératives.

Pour répondre également à l’allègement de la pression foncière, citons la création de la foncière solidaire « Terres habitées », sur le principe de « Terre de liens », qui mobilise de l’épargne citoyenne pour acquérir des fonciers et les mettre à bail auprès de coopératives d’habitantEs sur une très longue durée. Le portage du foncier via cette foncière solidaire réduit ainsi le niveau de redevance de chaque ménage.

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Ateliers ouverts au public pour les JEMA (Journées européennes des métiers d'art), 2022

« Populariser » et démultiplier ce modèle d’habitat coopératif : c’est l’un des objectifs de la Fédération Habicoop. Pour le rendre possible, il est indispensable que les obstacles juridiques et financiers auxquels se heurtent les coopérateurs et coopératrices soient levés. L’allégement des procédures et le déploiement de mécanismes et d’outils adaptés participeront à impulser la démocratisation et le développement de coopératives d’habitantEs en donnant à ces projets une chance plus importante de concrétisation et de réussite. Cependant, il ne suffit pas de développer des outils et de lever les blocages techniques, il est aussi indispensable d’obtenir, d’une part, un réel soutien des partenaires du projet, notamment les collectivités territoriales, et d’autre part, de transformer les mentalités autour de la question de la propriété telle qu’elle est notamment définie dans le droit français.

Il est primordial, au vu du nombre de ménages modestes et très modestes dans les coopératives, de mettre en place de nouveaux mécanismes financiers comme un prêt de longue durée, assorti d’une garantie d’emprunt par une collectivité locale.

Parmi les mesures contribuant à rendre le logement toujours plus abordable, pouvoir bénéficier du taux de TVA à 5,5% pour la construction des logements dédiés aux ménages sous les plafonds de ressources du logement social constituerait un réel levier. De même que la reconnaissance de l’apport travail par la publication du décret de la loi ALUR encore manquant.

Globalement, il est attendu une équité de traitement entre les aides et incitations proposées en « droit commun » pour l’accession à la propriété individuelle et celles proposées aux coopératives d’habitantEs (Prêt à Taux Zéro, épargne salariale mobilisable pour souscrire des parts sociales, avantages fiscaux, …). Cela encouragerait aussi l’évolution culturelle vers la propriété collective qui passe par une « réelle transformation sociale », nécessitant temps, pédagogie et démonstration : le changement culturel lié à la propriété individuelle avec ses corollaires - la sécurité « psychologique » offerte par un investissement dans « la pierre », un (ou des !) logement(s) renchéris par la spéculation, l’héritage grâce au patrimoine acquis.

Les coopérateurs et coopératrices pensent que les valeurs éducatives transmises à leurs enfants valent bien plus qu’un patrimoine !

Les coopératives à travers le plaidoyer de la Fédération Habicoop recherchent le soutien des pouvoirs publics car elles pensent avoir déjà fait la démonstration que ces véritables « petites démocraties » sur leur territoire ont un impact social fort, et qu’à ce titre elles ont un rôle à jouer dans des décisions sur les politiques publiques qui les traversent, comme celles relevant des « communs sociaux » (l’éducation, le vieillissement, la solidarité, la santé…).

Quels échos et enseignements tirer de ces méthodes issues d’une commande habitante pour la fabrique de la ville ?

Le nombre de coopératives d’habitantEs reste marginal aujourd’hui, mais il tend à se développer dans l’hexagone. Au-delà du critère quantitatif, il s’agit de mettre en avant de nouvelles pratiques de démocratie locale, de gestion des ressources et d’usage de l’espace. Si l’on ajoute les dispositifs juridiques et financiers inédits assortis à ces « communs » que représentent les coopératives d’habitantEs, leur valeur ajoutée réside alors dans l’imagination et le renouvellement de la « production du logement ». En se déployant dans des milieux en tension où le prix du foncier et de l’immobilier sont élevés, où la densité d’habitantEs est forte, elles apportent une réponse à des problématiques urbaines qui commencent aussi à toucher le milieu péri-urbain ou rural.

Le modèle de la coopérative d’habitantEs pourrait se généraliser mais il pourrait aussi infuser dans des manières plus classiques de faire la ville, chez des acteurs et actrices traditionnelLEs. Les coopératives habitantes font en effet la preuve d’une reprise en main par le collectif des moyens de produire, d’habiter et de décider. La coopérative, acteur privé, y joue alors un rôle d’intérêt général, qui n’est plus uniquement assuré par l’autorité publique. La fabrique de la ville n’est plus seulement, dès lors, une affaire d’expertEs, mais voit naître une maîtrise d’ouvrage habitante à même d’apporter un souffle nouveau dans les manières d’habiter, de construire et de concevoir son logement et d’agir dans son quartier, sur son territoire.

Le modèle de la coopérative d’habitantEs est particulièrement fort. Il met en lumière la place déterminante et nécessaire des usagerEs dans la fabrique de la ville : les habitantEs sont commanditaires et maîtres d’usage a minima de leur espace de vie, si ce n’est maîtres d’ouvrage. Partir de cette commande habitante, c’est permettre la réunion et la continuité des différentes phases de projet qui sont en général très découpées dans les schémas classiques, puisqu’elles sont ici tenues par une gouvernance continue, celle du collectif.

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Une fête au Moulinage de Chirols © Moulinage de Chirols

À propos

Alia El Gaied est accompagnatrice de projets de coopératives d’habitantEs au sein de l’association Atelier des coopératives d’habitants. Architecte de formation et maniant les outils de l’éducation populaire, elle met en place des outils pédagogiques et ludiques (jeux de carte, vidéos courtes, ...) pour se familiariser avec les mécanismes de la coopérative d’habitantEs. Elle forme aussi les futurEs accompagnateurs et accompagnatrices de coopératives d’habitantEs.

Valérie Morel est accompagnatrice de porteurs et de porteuses de projets de coopératives d’habitantEs. Après avoir travaillé au sein d’Habicoop en tant qu’accompagnatrice et coordinatrice, elle a créé son entreprise d’accompagnement visant à faciliter l’émergence des coopératives en proposant un contrat sécurisé adapté.

Christiane Châteauvieux est présidente de la Fédération française des coopératives d'habitants, Habicoop, pour la transformation sociale espérée.

Bibliographie

Quelques exemples ici ou ailleurs de coopératives d’habitantEs :

Notes de bas de page
  1. BACHELARD Gaston, La poétique de l’espace, Paris, PUF, 1957.
  2. HEIDEGGER Martin dans « Bâtir, habiter, penser » [1951], Essais et conférences, traduction André Préau (1958), Paris, Gallimard, collection « Tel », p. 170-193
  3. Le « socialisme utopique » désigne l’ensemble des doctrines des premiers socialistes européens du début du XIXe siècle (qui ont précédé Marx et Engels), tels Robert Owen en Grande-Bretagne, Saint-Simon, Charles Fourier, Étienne Cabet et Philippe Buchez en France.
  4. HOLYOAKE George-Jacob, Histoire des équitables pionniers de Rochdale, [1890], traduction Marie Moret (2017), éditions du communs, Culture des précédents, 2017 [En ligne]
  5. PAQUOT, T. & BÉDARIDA, M. (dir.), Habiter l’utopie: le familistère Godin à Guise, Paris, Villette (Penser l’espace), 2004.
  6. SEEBERGER Loïc, « Historique de l’évolution du droit des coopératives, de ses origines à nos jours », Revue internationale de l’économie sociale, Numéro 333, p. 60–76, juillet 2014, [En ligne]
  7. Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération
  8. Le mouvement coopératif en France, porté par COOP FR, se déploie dans de multiples secteurs d’activités.
  9. « Le système de la location coopérative permettait aux locataires de devenir propriétaires au bout de 65 ans. A ce terme, les coopérateurs devaient devenir propriétaires indivis de l’immeuble ce qui empêchait alors toute spéculation extérieure et touchait à la vrai socialisation de l’habitat. […] Concrètement, l’occupant apportait à l’emménagement 15 % de la valeur de son logement, ce qui correspondait à la part non financée par les prêts d’État. Ce versement se réduisait à 7,5 % pour les allocataires de la CAF, qui subventionnait l’autre moitié. Dans les deux cas s’ajoutaient un droit d’entrée et des frais fixés à 1,5 %. Par ailleurs, chaque année, en contrepartie de son effort de loyer, le sociétaire recevait des actions nouvelles de la société. Après la loi Chalandon de 1971, la société de location coopérative a disparu par fusion avec la société HLM Loire Atlantique Habitations, et les coopérateurs ont du choisir entre l’accès à la propriété individuelle et un statut de locataire HLM», extrait site Habicoop
  10. PINSON Daniel, BATAILLE Philippe, « Maison radieuse de Rezé, de la proximité des locataires-coopérateurs d’autrefois à la distance propriétaires/locataires d’aujourd’hui», dans CUTURELLO Paul, Regards sur le logement, une étrange marchandise, L’Harmattan, Villes et entreprises, pp.315-326, 1992 [En ligne]
  11. METTETAL Lucile, MANDON Olivier de l’Institut Paris Région « Un projet pionnier d’habitat coopératif : le Village vertical à Villeurbanne », Habiter autrement n° 7, 2018, [En ligne]
  12. Les coopératives d’habitantEs ont également un lien avec le mouvement de l’Habitat Participatif qui promeut la participation des habitant.es dans le mode de construction, la mutualisation des espaces et une gouvernance partagée. L’habitat participatif regroupe différents types de projets d’habitat collectif, les coopératives s’inscrivent dans cette notion participative mais ont pour spécificité de s’inscrire dans une démarche non-spéculative.
  13. Article L201-8 du Code de la Construction et de l’Habitation
  14. Elle permet rarement le recours au Prêt Locatif Social (PLS)
  15. Déclaration sur l’identité coopérative de l’Alliance Coopérative Internationale, 1895 (révisée en 1995)
  16. OSTROM Elinor, Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action. Political Economy of Institutions and Decisions, Cambridge University Press, 1990
  17. Commanditaire du projet, le maître d’ouvrage définit le cahier des charges et par conséquent les besoins, le budget, le calendrier prévisionnel ainsi que les objectifs à atteindre. Donneur d’ordre, il suit le projet durant toute sa réalisation, il est le dernier à intervenir si besoin lors de la réception, puisqu’il en est à la fois le pilote et le propriétaire.
  18. L’éducation populaire consiste en des démarches collectives, qui nous amènent à prendre du recul sur les situations insatisfaisantes voire insupportables que nous rencontrons, à les analyser, à travailler ensemble les contradictions qui sont en jeu, à définir les modes d’action pour transformer ces situations.
  19. Exemple du pré-programme de l’association Coop en Germ’
  20. L’accompagnateur ou accompagnatrice peut avoir des missions très variées, allant de la phase programme de maîtrise d’ouvrage à la fin de l’année de parfait achèvement et incluant des missions juridiques, financières, techniques et sociales. Ses missions visent à placer le collectif dans un rôle d’acteur plus ou moins important en fonction de sa volonté. Mouton à cinq pattes, l’accompagnateur ou accompagnatrice est un formateur ou une formatrice, un facilitateur ou une facilitatrice aux multiples compétences à même de permettre au collectif de monter en compétences.
  21. LEFEBVRE Henri, La révolution urbaine, Paris, Gallimard, 1970
  22. TRELCAT Sophie, COLARD Jean-Max, « Ouvert au public. Entretien avec Patrick Bouchain, architecte », Ligeia, février 2010, N° 101-104, p. 123-129. [En ligne]
  23. EL GAIED Alia, « Entretien avec Hugues Joinau, architecte au sein de l’agence Dauphin » janvier 2023, 18 minutes (podcast).
  24. HODDé Rainier, « Inviter l’habitant dans l’enseignement : un dispositif pour apprendre à concevoir autrement », Cahiers RAMAU, 6, 2013, p.217-235, [En ligne]
  25. Article L 200-9 du code de la Construction et de l’Habitation
  26. Article 1831-1 du Code civil
  27. Les bailleurs sociaux assurent notamment une mission spécifique d’intérêt général, qui repose sur la production et la gestion de logements locatifs sociaux ainsi que de leurs locataires. Néanmoins certains bailleurs se « spécialisent » dans la production de logements (notamment en accession à la propriété) et n’assurent pas de mission de gestion locative. Ils privilégient l’appellation « promoteurs sociaux » pour se désigner.
  28. À noter que Cap Habitat Coopératif est rémunéré lors du dépôt du permis de construire à hauteur de 1000 euros par foyer (montant adaptable en fonction des revenus du foyer) ce qui permet de confirmer l’engagement du foyer dans le projet et d’ouvrir la possibilité d’accompagnement à toutes et tous en fonction du niveau de revenus.
  29. Alliade Habitat, premier bailleur social de la région Auvergne-Rhône-Alpes, est une filiale d’Action Logement.
  30. Cette dénomination revient au groupe du 4 mars, ce n’est pas une expression consacrée.
  31. Groupe du 4 mars, « C’est quoi une VEFA participative ? » – Document de présentation du Groupe du 4 mars.
  32. La coopérative d’habitantEs peut avoir accès à des prêts conventionnés aujourd’hui garantis par les collectivités, des prêts bancaires « classiques » (avec hypothèques), des prêts fléchés en fonction du programme (CARSAT- logements et espaces communs pour seniors).
  33. Nous avons déjà cité les associations AILOJ, Habitat et Humanisme. On peut également citer Un toit pour tous, Cité Caritas,…
  34. Si les coopératices d’habitantES peuvent solliciter un agrément PLS, il ne leur est en revanche pas possible de recourir au Prêt Locatif à Usage Social (PLUS) ou au Prêt Locatif Aidé d’Intégration (PLAI), réservés aux organismes HLM.
  35. ANSELME Michel, Rapport sur l’état du mouvement castor en France, Original dactylographié, 15 novembre 1950. La circulaire du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme du 12 août 1951 apporte la reconnaissance de cet apport-travail dans le financement du logement, en complément de l’apport en numéraire. Cet apport servait de garantie pour les emprunts contractés auprès des établissements financiers, et permettait de bénéficier des aides de l’État et des organismes sociaux.
  36. Il existe trois formes d’apport pour constituer une société: l’apport en numéraire (de l’argent), en nature (des biens) et en industrie (plus immatériel, sous la forme de travail, de compétences ou encore de savoir-faire).
  37. Article L.201-13 du code de la Construction et de l’Habitation
  38. Question n° 15034 de Mme Michèle VICTORY au Ministère auprès de la ministre de la Cohésion des territoires, rép. min. du 9 juillet 2019
  39. Le terme « temporitif » provient du groupe du Moulinage de Chirols.
  40. Selon le code du travail, le bénévolat en entreprise n’est pas autorisé. Il est en revanche légal d’y avoir recours au sein d’associations. Ainsi, pour mener les chantiers participatifs et y participer, les coopérateurs et coopératrices, s’appuient sur une association.
  41. GIRAUDET Clairet, « Marie-Ange et Thomas – Vivre la coopération entre voisins », Esprit de Coopération, 1h03, podcast
  42. Le collectif Horizon Cartoucherie s’est constitué en 2020 suite à l’annonce de la modification du PLU qui entraînerait d’une part, la modification de la destination d’une parcelle permettant d’augmenter la surface de bureaux et autoriserait d’autre part, des hauteurs de batiments de 48 mètres au lieu des 25 mètres initiaux. Le Journal toulousain relate la mobilisation des membres de la coopérative Abricoop contre le projet de bureau envisagé, remplaçant un projet d’équipement public.
  43. Ici, la notion de « desserrement » employée notamment par le mouvement post-urbain et Guillaume Faburel désigne le fait de « désengorger » ou de dé-densifier la ville en termes démographiques pour ménager le territoire, les habitantEs et limiter les effets environnementaux des fortes concentrations de populations.
  44. Le Moulin la gargousse a investi un immeuble de 5 étages mis à disposition par la Métropole de Lyon dans un bail emphytéotique de 70 ans.
  45. Une promesse de bail à construction souhaitée par la précédente équipe municipale à Grenoble n’a pas été tenue par la municipalité actuelle. Cela pose la question de la continuité républicaine.
  46. Ministère chargé du Logement, note « Les organismes de foncier solidaire et le bail réel solidaire », septembre 2021
  47. Le projet des Boboyaka la Castagne envisage de mettre en place un Bail réel solidaire avec l’office foncier solidaire du Comité ouvrier du logement (COL).
  48. Se référer à l’initiative du Community Land Trust de Bruxelles
Voir aussi